Proche-Orient
Arafat fait du neuf avec du vieux
Le vieux raïs sort vainqueur de son bras de fer avec le parlement palestinien. Les députés ont investi un gouvernement qui à quelques noms près, est identique à celui qu’ils avaient poussé à la démission en septembre dernier.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Cinquante-six voix pour et dix-huit contre. Le cinquième gouvernement de l’Autorité palestinienne a été approuvé à une large majorité mardi après midi par le Parlement réuni dans la salle de réception fraîchement rénovée de la Mouqataa, le QG de Yasser Arafat. Sommés de donner leur confiance sous peine d’être accusés de faire le jeu d’Israel, les députés ont investi une équipe qui est la copie quasi conforme de celle qu’ils avaient poussé à la démission en septembre dernier.
Le cabinet qui passe de 21 à 19 membres ne comprend en effet que cinq nouvelles têtes, dont une seule véritablement significative: celle de Hani El Hassan nommé au ministère de l’Intérieur. Ce proche d’Arafat, qui fut du siège de Beyrouth en 1982 et de celui plus récent de la Mouqataa en septembre dernier, remplace Abderrazzak Yahya, un député indépendant qui s’était discrédité auprès de la population en appelant à l’arrêt des violences, «y compris des jets de pierres». Pour le reste, le leader palestinien, a démontré une nouvelle fois sa capacité à faire du neuf avec du vieux.
Des neuf ministres dont le Fatah, le parti du raïs, avait expressément exigé le départ pour cause de corruption ou d’incompétence, six ont été reconduits dans leur fonction. Parmi ceux-ci, on trouve les caciques, qui depuis 1994 cumulent les fonctions de négociateurs et de ministres: Nabil Chaath à la Coopération, Saëb Erekat aux Affaires locales et Yasser Abed Rabbo à l’Information et à la Culture. Également maintenus, Salam Fayyad et Ghassan El Khattib, ministres des Finances et du Travail, dont les nominations en juin dernier avaient été vues comme un pas salutaire dans le sens des réformes. Dans les sortants figurent Riad Za’noun, jusqu’alors en charge de la santé et désireux de s’éclipser pour cause de maladie, ainsi que Jamil Al Tarifi, l’ex-ministre des Affaires civiles, unanimement détesté dans les Territoires pour ses accointances sonnantes et trébuchantes avec les Israéliens. Autant dire que ce gouvernement n’a de nouveau que le nom.
Les députés rebelles rentrent dans le rang
A la proclamation des résultats, les partisans d’Arafat ont applaudi leur champion avant d’aller le féliciter à la tribune. De fait, le vote, même s’il a été ponctué de débats houleux, est une victoire pour lui. Fragilisé par la fronde de la jeune garde du Fatah en septembre, le raïs a retourné la situation par un tour de passe-passe dont lui seul détient le secret. En 1998 déjà, il avait su mettre au pas le Parlement en lui imposant à quelques noms près le même gouvernement, renvoyé un peu plus tôt. Cette fois-ci, la manœuvre n’a pas été simple. Les reports à répétition de la réunion des députés disent combien les tractations ont été intenses entre Arafat et son parti. Mais in fine, les rebelles sont rentrés dans le rang. A contre-cœur. «Nous n’avons pas voté la confiance au gouvernement, nous l’avons laissé passer», dit Mohamed Hourani qui en septembre dernier parlait de «victoire de la démocratie». «Je n’aime pas ce gouvernement qui n’a rien de neuf, mais dans le contexte politique actuel, nous ne pouvions rien faire d’autre. Toute opposition aurait été utilisé par Israël comme une arme contre Arafat». Et il ajoute, mi-penaud, mi-philosophe: «Tant qu’on a la volonté d’aller de l’avant, on peut faire un pas en arrière».
La pression exercée par l’État hébreu ne suffit pas à expliquer ce revirement. Le Fatah a notamment monnayé sa docilité contre l’octroi à l’un des siens, du portefeuille de l’Intérieur – en l’occurrence Hani El Hassan. «Le Fatah a obligé ses membres à voter la confiance car la redistribution des positions le sert, analyse Mustafa Barghouti, le leader du Parti du Peuple (ex-communiste). Tactiquement, c’est une victoire pour Arafat, mais stratégiquement, c’est une autre histoire». Ghassan El Khattib, le ministre du Travail, ne croit pas non plus que la cause des réformes soit enterré par ce remaniement homéopathique. «Il y a eu des changements en juin (lors de la nomination du précédent gouvernement), il y en a aujourd’hui. On bouge dans la bonne direction à petit pas».
Un optimisme mesuré, voire forcé, que ne partageait pas Hanane Achraoui. L’ancienne ministre de l’Éducation, érigée en porte-voix de la société civile, a voté contre et l’a fait savoir. «Il est faux de dire qu’en s’opposant à ce gouvernement, nous aurions fait le jeu d’Israël. C’est précisément parce que nous faisons face à de grands périls, que nous aurions dû exiger un gouvernement renforcé, qui tienne compte des attentes de l’opinion publique».
Il reste que le mandat de cette nouvelle équipe est extrêmement limité. En terme d’action car le quadrillage des Territoires palestiniens par l’armée israélienne rend hautement difficile l’exercice de l’autorité publique. Et dans la durée car les élections législatives prévues au mois de janvier prochain, en même temps que le scrutin présidentiel, pourraient, si elles se tiennent, bouleverser la scène politique palestinienne.
Cinquante-six voix pour et dix-huit contre. Le cinquième gouvernement de l’Autorité palestinienne a été approuvé à une large majorité mardi après midi par le Parlement réuni dans la salle de réception fraîchement rénovée de la Mouqataa, le QG de Yasser Arafat. Sommés de donner leur confiance sous peine d’être accusés de faire le jeu d’Israel, les députés ont investi une équipe qui est la copie quasi conforme de celle qu’ils avaient poussé à la démission en septembre dernier.
Le cabinet qui passe de 21 à 19 membres ne comprend en effet que cinq nouvelles têtes, dont une seule véritablement significative: celle de Hani El Hassan nommé au ministère de l’Intérieur. Ce proche d’Arafat, qui fut du siège de Beyrouth en 1982 et de celui plus récent de la Mouqataa en septembre dernier, remplace Abderrazzak Yahya, un député indépendant qui s’était discrédité auprès de la population en appelant à l’arrêt des violences, «y compris des jets de pierres». Pour le reste, le leader palestinien, a démontré une nouvelle fois sa capacité à faire du neuf avec du vieux.
Des neuf ministres dont le Fatah, le parti du raïs, avait expressément exigé le départ pour cause de corruption ou d’incompétence, six ont été reconduits dans leur fonction. Parmi ceux-ci, on trouve les caciques, qui depuis 1994 cumulent les fonctions de négociateurs et de ministres: Nabil Chaath à la Coopération, Saëb Erekat aux Affaires locales et Yasser Abed Rabbo à l’Information et à la Culture. Également maintenus, Salam Fayyad et Ghassan El Khattib, ministres des Finances et du Travail, dont les nominations en juin dernier avaient été vues comme un pas salutaire dans le sens des réformes. Dans les sortants figurent Riad Za’noun, jusqu’alors en charge de la santé et désireux de s’éclipser pour cause de maladie, ainsi que Jamil Al Tarifi, l’ex-ministre des Affaires civiles, unanimement détesté dans les Territoires pour ses accointances sonnantes et trébuchantes avec les Israéliens. Autant dire que ce gouvernement n’a de nouveau que le nom.
Les députés rebelles rentrent dans le rang
A la proclamation des résultats, les partisans d’Arafat ont applaudi leur champion avant d’aller le féliciter à la tribune. De fait, le vote, même s’il a été ponctué de débats houleux, est une victoire pour lui. Fragilisé par la fronde de la jeune garde du Fatah en septembre, le raïs a retourné la situation par un tour de passe-passe dont lui seul détient le secret. En 1998 déjà, il avait su mettre au pas le Parlement en lui imposant à quelques noms près le même gouvernement, renvoyé un peu plus tôt. Cette fois-ci, la manœuvre n’a pas été simple. Les reports à répétition de la réunion des députés disent combien les tractations ont été intenses entre Arafat et son parti. Mais in fine, les rebelles sont rentrés dans le rang. A contre-cœur. «Nous n’avons pas voté la confiance au gouvernement, nous l’avons laissé passer», dit Mohamed Hourani qui en septembre dernier parlait de «victoire de la démocratie». «Je n’aime pas ce gouvernement qui n’a rien de neuf, mais dans le contexte politique actuel, nous ne pouvions rien faire d’autre. Toute opposition aurait été utilisé par Israël comme une arme contre Arafat». Et il ajoute, mi-penaud, mi-philosophe: «Tant qu’on a la volonté d’aller de l’avant, on peut faire un pas en arrière».
La pression exercée par l’État hébreu ne suffit pas à expliquer ce revirement. Le Fatah a notamment monnayé sa docilité contre l’octroi à l’un des siens, du portefeuille de l’Intérieur – en l’occurrence Hani El Hassan. «Le Fatah a obligé ses membres à voter la confiance car la redistribution des positions le sert, analyse Mustafa Barghouti, le leader du Parti du Peuple (ex-communiste). Tactiquement, c’est une victoire pour Arafat, mais stratégiquement, c’est une autre histoire». Ghassan El Khattib, le ministre du Travail, ne croit pas non plus que la cause des réformes soit enterré par ce remaniement homéopathique. «Il y a eu des changements en juin (lors de la nomination du précédent gouvernement), il y en a aujourd’hui. On bouge dans la bonne direction à petit pas».
Un optimisme mesuré, voire forcé, que ne partageait pas Hanane Achraoui. L’ancienne ministre de l’Éducation, érigée en porte-voix de la société civile, a voté contre et l’a fait savoir. «Il est faux de dire qu’en s’opposant à ce gouvernement, nous aurions fait le jeu d’Israël. C’est précisément parce que nous faisons face à de grands périls, que nous aurions dû exiger un gouvernement renforcé, qui tienne compte des attentes de l’opinion publique».
Il reste que le mandat de cette nouvelle équipe est extrêmement limité. En terme d’action car le quadrillage des Territoires palestiniens par l’armée israélienne rend hautement difficile l’exercice de l’autorité publique. Et dans la durée car les élections législatives prévues au mois de janvier prochain, en même temps que le scrutin présidentiel, pourraient, si elles se tiennent, bouleverser la scène politique palestinienne.
par Benjamin Barthe
Article publié le 30/10/2002