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Proche-Orient

Le gouvernement Sharon menacé d’éclatement

Ce n’est pas la première fois que les ministres travaillistes du gouvernement d’union nationale dirigé par Ariel Sharon menacent de démissionner. Mais il faut croire que la crise qui depuis plusieurs mois les oppose au Premier ministre israélien semble avoir atteint le point de non-retour. Si les députés travaillistes avaient accepté, contraints et forcés de voter en juin denier un budget d’austérité, il refusent désormais de récidiver, estimant notamment inconcevable d’allouer des crédits aux colonies juives alors que le pays traverse la crise économique la plus grave de son histoire. Sauf compromis de dernière minute donc, le cabinet d’union nationale s’oriente vers l’éclatement. Même si Ariel Sharon parvient, grâce à une alliance provisoire avec l’extrême droite israélienne, à faire voter son budget, le pays semble inéluctablement se diriger vers des élections anticipées.
La crise politique qui a éclaté en Israël autour du budget d’austérité qui doit être présenté mercredi devant la Knesset semble sans issue. Les députés travaillistes refusent catégoriquement de voter le budget 2003 si les crédits alloués au colonies juives dans les territoires palestiniens ne sont pas réduits de 150 millions de dollars. Ils estiment en effet que, dans le contexte de la grave crise économique et sociale qui frappe le pays après deux années d’Intifada, cette somme devrait être prioritairement affectée à la création d’emplois et au volet social menacé de coupes importantes. Le comité central du parti travailliste, qui s’est réuni en fin de semaine dernière, a d’ailleurs mandaté ses 25 élus à voter contre le projet de budget d’Ariel Sharon si ces revendications ne sont pas satisfaites. La menace du ministre de la Défense, Benyamin Ben Eliezer, également chef de file des travaillistes, est sans équivoque. «Si le Trésor n’accède pas à nos demandes, nous ne resterons pas au gouvernement», a-t-il notamment affirmé lundi.

Les menaces des travaillistes n’ont semble-t-il pas entamé la détermination d’Ariel Sharon qui refuse systématiquement tout amendement de son budget. Le Premier ministre a même menacé de limoger les membres de son cabinet qui ne voteraient pas son projet. Il s’est également déclaré prêt à l’éventualité d’élections anticipées si l’actuelle crise politique devait mener à l’éclatement de son gouvernement. «Si l’on devait nous forcer à des élections, par suite de conduites irresponsables ou de motifs de politique interne, nous y sommes prêts, nous les remporterons et le Likoud continuera à diriger le pays», a-t-il notamment déclaré visiblement sûr de lui. Mais il semblerait toutefois qu’Ariel Sharon pourrait, au moins pour un temps, éviter ce cas de figure. Il est en effet assuré d’obtenir, malgré la défection des travaillistes, une majorité de rechange avec le soutien d’une formation d’extrême droite qui se dit prête à voter ce budget qui prévoit des coupes de 1,8 milliard de dollars notamment dans le domaine social. Le Premier ministre se prépare donc à gouverner avec une majorité restreinte. Malgré des sondages favorables, Ariel Sharon s’oppose en effet à des élections anticipées alors que le pays, en pleine récession économique, doit affronter la menace d’une guerre en Irak.

Vers des élections anticipées

Le ralliement du Likoud à l’extrême droite ne devrait toutefois être que provisoire. Ariel Sharon n’aura sans doute pas d’autre choix que de convoquer des élections anticipées qui pourraient avoir lieu dès le printemps prochain, alors que les législatives sont normalement prévues pour le 28 octobre 2003. D’après un sondage publié mardi par le quotidien Yédiot Aharonot, le parti du Premier ministre serait le grand vainqueur d’éventuelles élections législatives avec 29 sièges de députés contre 19 actuellement. Même si le succès semble assuré pour le Likoud, Ariel Sharon rechigne encore à une telle éventualité qui pourrait l’acculer, lors des primaires, à un duel sans merci avec son éternel rival, l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu, très populaire au sein du parti. Le chef du gouvernement fait donc comme si des élections anticipées ne sont toujours pas à l’ordre du jour. S’attendant à une démission des ministres travaillistes, il s’est déjà attelé à former un cabinet restreint. Le ministère de la défense pourrait ainsi être confié par l’ancien chef d’état-major, Shaoul Mofaz, classé parmi les faucons au sein de l’armée. Ariel Sharon, en plus de diriger le gouvernement, s’octroierait également le poste de chef de la diplomatie, actuellement occupé par l’ancien Premier ministre Shimon Peres.

Si les travaillistes ne sont pas hostiles à des élections anticipées, leur chef de file Benyamin Ben Eliezer préférerait qu’elle ne se tiennent pas avant le mois de mars prochain. L’actuel ministre de la Défense doit lui aussi affronter en effet des primaires le 19 novembre prochain et le maire de Haïfa, Amram Mitzna, pourrait s’avérer être un concurrent sérieux. Très mal placé pour être reconduit à la tête du parti, Benyamin Ben Eliezer tente donc vaille que vaille de redorer son blason. Et le refus des travaillistes de voter la loi de finance d’Ariel Sharon n’est sans doute pas étranger à cette volonté.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/10/2002