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Proche-Orient

Sharon courtise l’extrême droite

Après la démission des ministres travaillistes du gouvernement d’union nationale qu’il dirigeait depuis vingt mois, Ariel Sharon a réussi in extremis à faire voter son budget d’austérité 2003. Il s’est en effet appuyé sur des formations d’extrême droite qu’il tente aujourd’hui de convaincre de participer à un gouvernement restreint. Car la grande priorité du Premier ministre israélien est d’éviter coûte que coûte la convocation d’élections anticipées qui pourraient amener au pouvoir son grand rival du Likoud, l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahu. Mais même dans le cas où il parviendrait à convaincre l’extrême droite israélienne de participer à la gestion du pays, Ariel Sharon risque d’avoir du mal à se maintenir au pouvoir, son cabinet pouvant être tenté de prendre, sous la pression de ses nouveaux alliés, des décisions qui risquent de fortement déplaire à la communauté internationale.
Même si elle n'est effective que vendredi soir, la démission des ministres travaillistes du gouvernement Sharon est désormais considérée comme un fait acquis en Israël. Le Premier ministre a d’ailleurs entrepris des négociations tous azimuts pour convaincre les formations d’extrême droite, qui lui ont déjà apporté dès mercredi leur soutien pour le vote du budget d’austérité 2003, de participer à un gouvernement restreint. Il sait d’ores et déjà qu’il peut compter sur l’ancien chef d’état-major, Shaoul Mofaz, un faucon, pour occuper le poste de ministre de la Défense, remplaçant ainsi le chef de file des travaillistes Benyamin Ben Eliezer. Considéré comme le chef d’état-major «le plus politique» qu’est connu l’armée israélienne, Shaoul Mofaz pourrait d’ailleurs très bientôt rejoindre le grand parti de droite qu’est le Likoud.

Soucieux d’éviter la convocation d’élections anticipées, Ariel Sharon s’est d’autre part empressé de courtiser les petites formations d’extrême droite qui siègent à la Knesset. Ces petits partis sont regroupés au sein de l’Union nationale que dirige l’ultra-nationaliste Avigdor Liberman et se tâtent encore pour savoir s’ils participeront ou non au nouveau cabinet d’Ariel Sharon. Ce bloc a en effet fait partie de l’ancienne équipe du Premier ministre pendant près d’un an mais a démissionné en mars dernier pour protester contre une décision du cabinet Sharon autorisant Yasser Arafat à quitter son QG de Ramallah sans qu’une période de calme de sept jours n’eut été auparavant observée.

Il y a quelques jours encore, Avigdor Lieberman, un proche de l’ancien Premier ministre Benyamin Netanyahu dont il a été chef de cabinet, s’était dit opposé à l’entrée dans un nouveau gouvernement déserté par les travaillistes, estimant ne pas vouloir jouer le rôle de «roue de secours d’Ariel Sharon». Il est vrai que cet homme ambitieux n’a pas trop d’intérêts à ménager le Premier ministre israélien et se verrait bien dans le rôle de celui qui a accéléré sa chute, convoquant des élections anticipées que pourrait bien remporter son grand allié Netanyahu. Selon un dernier sondage en effet, les deux rivaux que sont Ariel Sharon et Benjamin Netanyahu, seraient, dans le cas d’une primaire, au coude à coude et même si le Likoud est assuré de l’emporter lors des prochaines législatives, Ariel Sharon préférerait attendre le moment opportun pour affronter son rival. Mais Avigdor Lieberman pourrait très vite changer d’avis sous la pression de ses partenaires. L’un deux, Bneny Elon, député à la Knesset s’est en effet d’ores et déjà déclaré favorable à une participation au nouveau cabinet restreint. «M. Sharon, dont la marge de manœuvre était limitée par les travailliste, va enfin pouvoir mener la politique qu’il souhaite et il n’y aucune raison que nous n’entrions pas dans ce gouvernement de droite», a-t-il récemment déclaré.

Sharon a perdu sa caution de gauche

De nombreux analystes israéliens estiment toutefois qu’un gouvernement qui ferait la part belle à l’extrême droite n’aurait que très peu de chance de durer dans le contexte actuel. Sous la pression de ses nouveaux alliés, il pourrait en effet être enclin à prendre des décisions ou des positions qui ne pourront pas laisser de marbre la communauté internationale, surtout si une frappe américaine contre l’Irak venait à être décidée. Ariel Sharon en a d’ailleurs parfaitement conscience. Et c’est sans doute la raison qui l’a poussé à proposer à l’ancien chef de la diplomatie Shimon Peres, qui était opposé au départ des travaillistes du gouvernement d’union nationale, de rester aux Affaires étrangères ou de devenir «un émissaire spécial du gouvernement israélien à l’étranger». Il paraît toutefois peu probable que l’ancien prix Nobel de la paix accepte une telle compromission.

Avec le départ des travaillistes de son gouvernement, Ariel Sharon a donc perdu sa caution de gauche. Il se trouve désormais confronté à deux options. La première consiste à gouverner à court terme avec les formations d’extrême droite puis à démissionner au moment qui lui conviendra le mieux et provoquer ainsi des élections anticipées dans les 90 jours. La seconde option consiste à s’entendre dès maintenant avec les travaillistes pour fixer une date pour les prochaines législatives et faire voter une loi de dissolution du Parlement. Mais ces cas de figure ne pourraient toutefois être envisagés que si la motion de censure déposée par le parti laïc de gauche Meretz ne passe pas. Elle doit en effet être examinée dès lundi par les députés à la Knesset.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 31/10/2002