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Proche-Orient

Cent mille Israéliens pleurent la mort de Rabin

Sept ans après son assassinat par un extrémistes juif, Yitzhak Rabin continue à mobiliser le camp de la paix en Israël. Quelques 100 000 personnes se sont en effet rassemblées samedi soir sur la place qui porte son nom à Tel Aviv et où il était tombé sous les balles du fanatique Ygal Amir, opposé aux accords d’Oslo. Cette manifestation intervient sur fond de crise politique, quelques jours après la démission des travaillistes du gouvernement d’union nationale dirigée par Ariel Sharon. Ce dernier, soucieux d’éviter coûte que coûte la convocation d’élections anticipées, courtise les partis d’extrême droite en vue de la formation d’un cabinet restreint. Son grand rival au sein du Likoud, Benyamin Netanyahu, a d’ores et déjà accepté d’y participer en tant que ministre des Affaires étrangères.
La cérémonie à la mémoire d’Yizthak Rabin a été baptisée «Souvenons-nous ensemble – Croire à la paix». En ces temps de violences, les quelque 100 000 personnes qui se sont rassemblées à Tel Aviv ont voulu ainsi rendre hommage à l’artisan des accords d’Oslo. Une imposante banderole, barrée d’un «sept ans après» et sur laquelle figure le portrait de l’ancien Premier ministre, surmontait une tribune où se sont relayés chanteurs et orateurs venus évoquer la personnalité du dirigeant assassiné. Le plus emblématique d’entre eux a sans doute été Ami Ayalon, l’ancien patron du Shin Beth, le service de sécurité intérieur, qui a appelé à la poursuite du dialogue avec les Palestiniens. «Faire la paix est la seule manière pour Israël de profiter de la sécurité et de la prospérité économique», a-t-il notamment affirmé sous les ovations de la foule.

Des messages enregistrés du roi Abdallah de Jordanie, de l’ancien président américain Bill Clinton et de l’Egyptien Hosni Moubarak ont également été diffusés sur un écran géant installé sur la place Rabin. «Je suis honoré de vous parler d’un homme que mon père appelait mon frère», a notamment déclaré le souverain hachémite, en appelant les Israéliens «à choisir intelligemment, à choisir la paix». «Mes amis, si le Premier ministre Rabin était avec nous aujourd’hui, je crois qu’il aurait été consterné, choqué et même en colère en raison de la violence qui persiste dans notre région», a-t-il souligné en ajoutant que ce dernier «n’aurait toutefois pas été découragé car, comme il l’a reconnu il y a longtemps, dans les deux camps la majorité souhaite la paix». L’ancien président américain a pour sa part rappelé que Rabin «n’a pas été tué par une blessure en temps de guerre mais par une blessure infligée lorsqu’il se battait pour la paix». Bill Clinton a également souligné que l’ancien Premier ministre «a toujours été un soldat, mais finalement un soldat de paix». «A vous, à nous tous, a-t-il dit à la foule rassemblée, de continuer son combat vers la terre promise où son rêve sera la réalité de nos enfants». Hosni Moubarak, enfin, a lui voulu rappelé aux Israéliens que leur ancien leader «avait réalisé que l’unique garantie pour la sécurité d’Israël était la paix avec ses voisins».

Récupération politique ?

Cette cérémonie de la mémoire, qui intervient sur fond de crise politique grave en Israël, devait être l’occasion pour les dirigeants du parti travailliste de marquer leur différence idéologique et politique avec le Likoud d’Ariel Sharon. Et leur chef de file, l’ancien ministre de la Défense, Benyamin Ben Eliezer, a d’ailleurs expliqué, en marge de la manifestation, que la démission mercredi des travaillistes du gouvernement d’union nationale représentait «un retour à la voix Sharon». Mais la majorité des pacifistes israéliens ne sont pas dupes de cette volte-face. Ils risquent d’avoir beaucoup de mal à oublier que les ministres travaillistes ont travaillé main dans la main avec le Likoud et cela même si Benyamin Ben Eliezer affirme aujourd’hui qu’Israël a épuisé les options militaires et qu’il lui faut désormais mener ses recherches sur d’autres plans afin de faire apparaître «un horizon politique».

Sur le plan politique, Ariel Sharon a entamé des négociations marathon pour trouver une majorité à la Knesset et éviter ainsi la convocation d’élections anticipées. Il sait qu’il peut déjà compter, pour le porte-feuille de la Défense, sur le général Shaoul Mofaz, l’ancien chef d’état-major, considéré comme un faucon. Acculé, le Premier ministre a même proposé le poste de chef de la diplomatie à son grand rival Benyamin Netanyahu, qui contre toute attente a accepté dimanche soir de participer à son cabinet restreint. Ariel Sharon, enfin, a entrepris ce dimanche des tractions avec l’extrême droite israélienne. En s’entourant de personnalités reconnues pour leur radicalisme, le leader du Likoud, qui est également le fossoyeur des accords d’Oslo, semble laisser très de peu chance à la paix et à une solution politique au conflit israélo-palestinien.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 03/11/2002