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Proche-Orient

Mitzna quitte la direction du parti travailliste

Amram Mitzna, le président du parti travailliste, a annoncé dimanche qu’il abandonnait ses fonctions à la tête du parti travailliste, six mois après y avoir été triomphalement porté par les militants.
Voici seulement quelques jours, Mitzna envisageait la possibilité pour son parti de rejoindre le gouvernement d’union nationale que conduit Ariel Sharon s’il acceptait la mise en œuvre de la «Feuille de route» publiée par le Quartette (États-Unis, Nations unies, Europe et Russie). Mais dimanche soir, c’est une tout autre déclaration qu’il a faite : «A mon grand regret, en dépit de la forte majorité avec laquelle j’ai été élu, il y a des gens qui n’ont pas respecté la volonté des électeurs et ont tout fait pour porter atteinte à ma capacité de diriger le parti. Aujourd’hui, je restitue le mandat que j’ai reçu des membres du parti travailliste et démission de mes fonctions de chef du parti».

La mise en cause, directe et publique, vise principalement son prédécesseur, l’ancien ministre de la Défense Benyamin Ben Eliezer qui n’a jamais accepté sa défaite en novembre dernier face à Mitzna. L’échec électoral du 28 janvier avait déchaîné les partisans de Ben Eliezer qui accusaient Mitzna d’en porter seul la responsabilité. Le principal reproche adresser au leader du parti était d’avoir exclu par avance tout accord d’union nationale avec Ariel Sharon. Mais Mitzna voulait au contraire rompre avec la politique passée du parti, consistant à partager le pouvoir avec le Likoud, au point que l’électorat ne parvenait plus à discerner ce qui séparait Ben Eliezer de Sharon. Par contraste, Mitzna brisait un tabou en se déclarant prêt à rencontrer Arafat sans condition préalable et à renouer avec le processus de paix à un moment où nombre de dirigeants et de médias dénoncent au contraire les «criminels d’Oslo».

Mais les adversaires malheureux de Mitzna lui auraient sans doute pardonné cette excentricité si, comme tous ses prédécesseurs, il avait accepté après la défaite un accord avec Sharon leur permettant de revenir au gouvernement. Mais obstinément, Mitzna s’en est tenu à ses engagements préélectoraux : pas d’accord avec le Likoud en l’absence d’un engagement clair d’une reprise du processus de paix, ce qu’il n’a évidemment pas obtenu du Premier ministre israélien qui, bien que désireux d’avoir les travaillistes avec lui, ne veut pas pour autant rompre avec ses partenaires d’extrême droite au sein de la coalition.

Un parti déchiré par les ambitions

Mitzna ne manquait pourtant pas d’atouts : une fraction importante de la base du parti (celle qui l’a élu en novembre) souhaitait que le parti retrouve une identité de gauche. Ancien général comme Ben Eliezer, il avait ses lettres de créances «sécuritaires» sans lesquelles il est désormais impossible d’accéder à une fonction de premier plan en Israël. Enfin, maire de Haïfa, ville mixte, il est parvenu à faire coexister sans problème juifs et Arabes dans sa commune.

Il reste un parti travailliste déchiré par les ambitions de ses leaders, qui a dévoré en quelques années ses dirigeants avant de les rejeter brutalement : Peres, Barak, Ben Eliezer et à présent Mitzna. Certains leaders ont préféré le quitter pour rejoindre le parti de gauche Meretz, comme la «colombe» Yossi Beilin, artisan des accords d’Oslo. D’autres sont restés, attendant des jours meilleurs. Mais ce lundi, l’un des prétendants à la direction du parti, l’ancien syndicaliste Haïm Ramon n’hésite plus à parler ouvertement de la fin du parti travailliste. Le nouveau président devrait être désigné d’ici la fin juillet, ce qui promet de nouvelles déchirures et de belles empoignades. Et l’absence des travaillistes dans le débat politique à l’heure où Sharon se demande comment éviter la mise en oeuvre de la Feuille de route, sans s’y opposer ouvertement afin de ne pas fâcher George W. Bush.

Mitzna part comme il est arrivé : avec une réputation d’intégrité intacte, mais sans avoir pu changer la politique israélienne comme il pensait pouvoir le faire.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 05/05/2003