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Proche-Orient

Mahmoud Abbas prend la défense d’Arafat

Avant même l’investiture du gouvernement de Mahmoud Abbas par le Conseil législatif palestinien et la publication de la feuille de route qui doit relancer les négociations israélo-palestiniennes, une crise commence d’ores et déjà à se profiler concernant la mise à l’écart souhaitée par Washington et Tel Aviv de Yasser Arafat. Les déclarations de responsables américains et israéliens se sont en effet multipliées ces derniers jours appelant notamment la communauté internationale à boycotter le vieux leader et apporter son soutien au nouveau Premier ministre. Ce dernier, en quête de légitimité auprès de la rue palestinienne, a pris fermement position en affirmant que sa priorité était «la levée du siège imposé à Yasser Arafat».
Le soutien affiché de Washington et Tel Aviv à Mahmoud Abbas semble avant tout desservir le nouveau Premier ministre palestinien. Conscient du peu de popularité qu’il a auprès de la population et au sein même des instances palestiniennes, ce dernier a donc choisi d’opposer une fin de non recevoir à l’invitation de George Bush de le rencontrer à Washington et cela tant qu’Israël n’aura pas rendu sa liberté de mouvement à Yasser Arafat. «Je ne voyagerai nulle part tant que les autorités israéliennes n’auront pas levé le siège sur le président Arafat et n’auront pas donné l’assurance qu’il puisse voyager à l’étranger et rentrer librement à Ramallah», a-t-il notamment affirmé dimanche. Officiellement l’Etat hébreu affirme que M. Arafat est libre de se déplacer comme bon lui semble mais il refuse toutefois de garantir qu’il puisse revenir à son QG, la Mouqataa. Et pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, Mahmoud Abbas a insisté en affirmant que son gouvernement, qui doit recevoir mardi l’investiture du parlement palestinien, «mettra en tête de ses priorités non seulement la levée du siège imposé au président Arafat mais également la libération des prisonniers palestiniens» détenus par Israël.

Ce soutien apparemment sans faille du nouveau Premier ministre au vieux leader intervient au moment où Américains et Israéliens multiplient les déclarations visant à le mettre hors jeu dans les prochaines négociations de paix qui doivent débuter une fois la feuille de route du quartette publiée. La sous-secrétaire d’Etat américaine, Elisabeth Jones, avait notamment appelé la semaine dernière, dans un entretien au quotidien portugais Publico, les responsables européens à cesser de rendre visite au président palestinien. L’UE, en tant que co-auteur de la feuille de route, doit, selon elle, «faire en sorte que Yasser Arafat comprenne qu’il n’est plus responsable et que c’est Mahmoud Abbas qui est responsable et que c’est lui qui doit être soutenu». Sur un ton peu diplomatique, Elisabeth Jones a même affirmé que «plus il y aura de Premiers ministres européens qui iront voir Arafat, plus il sera tenté d’interférer de façon négative» dans les négociations. Cette suggestion a été très peu appréciée à Bruxelles où la Commission européenne lui a opposé une fin de non recevoir. «Arafat reste le président de l’Autorité palestinienne et le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine et je n’ai pas eu vent que cela ait changé», a notamment affirmé un porte-parole du Commissaire européen aux Relations extérieures.

Israël renonce à empêcher les visites à Arafat

Encouragées par l’attitude de Washington, les autorités israéliennes ont elles aussi tenté de convaincre les visiteurs étrangers de boycotter le président palestinien. Le chef de la diplomatie, Silvan Shalom, a ainsi estimé que ses homologues étrangers et notamment européens qui doivent se rendre dans les semaines qui viennent dans la région, «n’ont aucune raison de s’entretenir avec Yasser Arafat dans la mesure où Israël refuse de discuter avec lui et le considère comme hors-jeu». Le ministre israélien a même soutenu que ce type de rencontre «portait atteinte à la position de Mahmoud Abbas». Le Premier ministre Ariel Sharon a même envisagé pour sa part de boycotter tout responsable étranger qui ne se contenterait pas lors de sa visite dans la région de rencontrer Mahmoud Abbas. Mais cette option a très vite été abandonnée, les autorités israéliennes s’étant très vite rétractées. A l’issue d’une réunion avec Ariel Sharon, Silvan Shalom a justifié ce changement d’attitude en affirmant laconiquement qu’une telle politique «porterait atteinte à Israël». L’Etat hébreu n’en poursuit pas moins ses critiques envers les responsables envisageant de rencontrer Yasser Arafat. Le vice-Premier ministre Ehud Olmert, a notamment réaffirmé lundi que cela revenait à «détruire» l'autorité de Mahmoud Abbas «avant même qu'il ne soit nommé».

C’est dans ce contexte tendu que le nouveau Premier ministre doit présenter mardi devant le Conseil législatif palestinien son gouvernement. Même s’il ne jouit que d’une popularité mesurée, Mahmoud Abbas est assuré d’obtenir l’investiture de son cabinet. Les difficultés risquent en revanche de se multiplier une fois la feuille de route publiée et les négociations israélo-palestiniennes enfin de nouveau sur les rails. Le Premier ministre, contre l’avis de la majorité des Palestiniens, plaide en effet pour l’arrêt immédiat des violences, sans avoir au préalable obtenu la moindre concession du côté israélien. Une position à laquelle les groupes radicaux palestiniens ont bien l’intention de s’opposer à leur manière. L’attentat perpétré au lendemain de la conclusion, après plusieurs semaines d’intenses négociations, d’un accord sur la formation du gouvernement palestinien a sonné comme un signal pour Mahmoud Abbas, les extrémistes palestiniens l’ayant mis en garde contre toute tentative d’empêcher ce qu’ils considèrent comme des actes de résistance.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/04/2003