Proche-Orient
Abou Abbas capturé à Bagdad
Le leader palestinien Abou Abbas, cerveau du détournement du paquebot italien Achille Lauro en 1985, a été capturé par les forces spéciales américaines à Bagdad, où il séjournait depuis longtemps sans se cacher véritablement.
«Le terroriste palestinien Mohammad Abbas (connu surtout comme Abou Abbas) a été capturé dans la soirée du 14 avril, lors d’une opération dans le sud de Bagdad par des forces spéciales de la coalition. Sa capture élimine une partie du réseau terroriste appuyé par l’Irak et représente une nouvelle victoire dans la guerre mondiale contre le terrorisme». Le Commandement central américain a annoncé avec une certaine emphase l’arrestation du leader palestinien responsable de la prise en otages des 450 passagers du navire italien Achille Lauro, en 1985, au cours de laquelle un citoyen américain handicapé avait été tué. Mais un haut responsable palestinien a aussitôt réclamé sa «libération immédiate». Saëb Erakat a déclaré: «Nous demandons à l’administration américaine de faire libérer immédiatement Abou Abbas et de respecter ainsi l’accord intérimaire de 1995 entre l’OLP et Israël», co-signé par le président américain Bill Clinton, qui stipule que les membres de l’Organisation de Libération de la Palestine ne peuvent être arrêtés et jugés pour des actes commis avant la signature des accords de paix de septembre 1993.
Apparemment, si l’on croit différents envoyés spéciaux en Irak, Abou Abbas ne se cachait guère à Bagdad, où il séjournait régulièrement, même s’il a probablement tenté de se réfugier en Syrie au début de la guerre, le 20 mars dernier, mais se serait heurté au refus du régime de Bachar Assad, selon des médias américains. Prié de dire ce qu’il allait advenir d’Abbas, un porte-parole américain a dit que «justice sera faite», sans préciser où et comment. Ce qui pourrait indiquer que cette arrestation risque de devenir un véritable imbroglio juridico-politique impliquant les Etats-Unis, Israël, l’Italie et, bien entendu, l’OLP.
«Si vous ne frappez pas fort, les gens ne vous entendent pas»
Abou Abbas, en effet, en tant que chef du Front de libération de la Palestine (FLP), a été reconnu coupable d’avoir organisé le détournement du bateau italien, bien qu’il n’ait pas été vu à bord de l’Achille Lauro. De plus, après la reddition des quatre Palestiniens responsables de l’opération, l’avion les transportant, en compagnie d’Abbas, vers la Tunisie, avait été détourné vers une base américaine en Sicile sur ordre du Pentagone, dans le but de capturer les passagers et les amener manu militari aux Etats-Unis. Les forces armées italiennes s'étant opposé à ce coup de force sur l'aéroport de Sigonella, une crise avait aussitôt éclaté entre le gouvernement américain et celui que dirigeait alors Bettino Craxi à Rome. Et c’est sans doute pour cela que finalement Abou Abbas avait obtenu l’autorisation italienne de quitter le pays à destination de Belgrade, l’Italie le considérant comme un simple témoin, et pas un des Palestiniens directement responsables du détournement.
Aujourd’hui âgé de plus de cinquante ans, Abou Abbas n’a pas cessé de voyager entre Bagdad et les autres capitales arabes, voire de participer, à plusieurs reprises à Gaza, à d’importantes réunions de l’OLP, avec l’accord explicite des autorités israéliennes et le feu vert de Washington. De plus, les Etats-Unis ont retiré en 1996 le mandat d’arrêt délivré à son encontre, à la suite de plusieurs condamnations émises par des tribunaux italiens. En 1999, la Cour suprême israélienne lui avait procuré l’immunité dans l’affaire de l’Achille Lauro, une commission de sécurité israélienne l’ayant autorisé à se rendre à Gaza, après avoir conclu qu’Abbas avait définitivement renoncé à la violence.
En effet, Abou Abbas a à plusieurs reprises condamné ce détournement, en le qualifiant d’erreur, et en précisant que le projet de son mouvement était en réalité d’aller attaquer une base navale israélienne: «le navire était juste un moyen de transport, à l’instar de tous les autres moyens de transports que nous avons utilisés pour atteindre notre objectif», a-t-il déclaré à l’agence Reuters en 1998. Mais il n’a jamais formellement regretté les propos très racistes qu’on lui a prêté à l’occasion de l’assassinat de Leon Kinghoffer, un juif américain âgé et handicapé qui avait été tué avant d’être jeté par-dessus bord. Ce qui continue de provoquer la colère de différentes associations juives: en juillet 1996, le Département de la Justice avait même promis à l’Anti-Defamation League (une composante du puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis) de capturer Abou Abbas et le traduire devant la justice américaine.
Héros des Palestiniens, en dépit du fait qu’il a été souvent considéré comme un «agent irakien», Abou Abbas est ainsi devenu l’incarnation du diable aux yeux des Israéliens, et notamment de ceux qui lui reprochent de profiter de la protection constante de Yasser Arafat et de l’OLP. «Je suis poursuivi par le monde entier depuis vingt ans maintenant, a-t-il dit en 1998. Quant l’Amérique vous poursuit, le monde entier vous poursuit». Après le 11 septembre 2001, dans un entretien au New York Times et à Newsweek il avait pris ses distances avec Al-Qaïda, allant jusqu’à condamner les attentats de New York: «Je ne suis pas un terroriste, avait-il précisé. Oussama ben Laden a causé beaucoup de tort à la cause palestinienne. Après le 11 septembre le monde entier s’est révolté contre nous».
Interrogé sur sa longue lutte contre Israël, il avait dit: «Si vous ne frappez pas fort, les gens ne vous entendent pas». Et à propos de son domicile de Bagdad, il avait dit avoir accepté l’invitation de Saddam Hussein «parce que je n’ai nulle part où aller».
A écouter également :
Xavier Baron, auteur dresse le portrait de ce Palestinien au micro de Frédérique Genot, 16/04/2003, 5'20"
Apparemment, si l’on croit différents envoyés spéciaux en Irak, Abou Abbas ne se cachait guère à Bagdad, où il séjournait régulièrement, même s’il a probablement tenté de se réfugier en Syrie au début de la guerre, le 20 mars dernier, mais se serait heurté au refus du régime de Bachar Assad, selon des médias américains. Prié de dire ce qu’il allait advenir d’Abbas, un porte-parole américain a dit que «justice sera faite», sans préciser où et comment. Ce qui pourrait indiquer que cette arrestation risque de devenir un véritable imbroglio juridico-politique impliquant les Etats-Unis, Israël, l’Italie et, bien entendu, l’OLP.
«Si vous ne frappez pas fort, les gens ne vous entendent pas»
Abou Abbas, en effet, en tant que chef du Front de libération de la Palestine (FLP), a été reconnu coupable d’avoir organisé le détournement du bateau italien, bien qu’il n’ait pas été vu à bord de l’Achille Lauro. De plus, après la reddition des quatre Palestiniens responsables de l’opération, l’avion les transportant, en compagnie d’Abbas, vers la Tunisie, avait été détourné vers une base américaine en Sicile sur ordre du Pentagone, dans le but de capturer les passagers et les amener manu militari aux Etats-Unis. Les forces armées italiennes s'étant opposé à ce coup de force sur l'aéroport de Sigonella, une crise avait aussitôt éclaté entre le gouvernement américain et celui que dirigeait alors Bettino Craxi à Rome. Et c’est sans doute pour cela que finalement Abou Abbas avait obtenu l’autorisation italienne de quitter le pays à destination de Belgrade, l’Italie le considérant comme un simple témoin, et pas un des Palestiniens directement responsables du détournement.
Aujourd’hui âgé de plus de cinquante ans, Abou Abbas n’a pas cessé de voyager entre Bagdad et les autres capitales arabes, voire de participer, à plusieurs reprises à Gaza, à d’importantes réunions de l’OLP, avec l’accord explicite des autorités israéliennes et le feu vert de Washington. De plus, les Etats-Unis ont retiré en 1996 le mandat d’arrêt délivré à son encontre, à la suite de plusieurs condamnations émises par des tribunaux italiens. En 1999, la Cour suprême israélienne lui avait procuré l’immunité dans l’affaire de l’Achille Lauro, une commission de sécurité israélienne l’ayant autorisé à se rendre à Gaza, après avoir conclu qu’Abbas avait définitivement renoncé à la violence.
En effet, Abou Abbas a à plusieurs reprises condamné ce détournement, en le qualifiant d’erreur, et en précisant que le projet de son mouvement était en réalité d’aller attaquer une base navale israélienne: «le navire était juste un moyen de transport, à l’instar de tous les autres moyens de transports que nous avons utilisés pour atteindre notre objectif», a-t-il déclaré à l’agence Reuters en 1998. Mais il n’a jamais formellement regretté les propos très racistes qu’on lui a prêté à l’occasion de l’assassinat de Leon Kinghoffer, un juif américain âgé et handicapé qui avait été tué avant d’être jeté par-dessus bord. Ce qui continue de provoquer la colère de différentes associations juives: en juillet 1996, le Département de la Justice avait même promis à l’Anti-Defamation League (une composante du puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis) de capturer Abou Abbas et le traduire devant la justice américaine.
Héros des Palestiniens, en dépit du fait qu’il a été souvent considéré comme un «agent irakien», Abou Abbas est ainsi devenu l’incarnation du diable aux yeux des Israéliens, et notamment de ceux qui lui reprochent de profiter de la protection constante de Yasser Arafat et de l’OLP. «Je suis poursuivi par le monde entier depuis vingt ans maintenant, a-t-il dit en 1998. Quant l’Amérique vous poursuit, le monde entier vous poursuit». Après le 11 septembre 2001, dans un entretien au New York Times et à Newsweek il avait pris ses distances avec Al-Qaïda, allant jusqu’à condamner les attentats de New York: «Je ne suis pas un terroriste, avait-il précisé. Oussama ben Laden a causé beaucoup de tort à la cause palestinienne. Après le 11 septembre le monde entier s’est révolté contre nous».
Interrogé sur sa longue lutte contre Israël, il avait dit: «Si vous ne frappez pas fort, les gens ne vous entendent pas». Et à propos de son domicile de Bagdad, il avait dit avoir accepté l’invitation de Saddam Hussein «parce que je n’ai nulle part où aller».
A écouter également :
Xavier Baron, auteur dresse le portrait de ce Palestinien au micro de Frédérique Genot, 16/04/2003, 5'20"
par Elio Comarin
Article publié le 16/04/2003