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Proche-Orient

Désaccords entre Washington et Londres

A défaut d’obtenir de l’administration américaine la publication de la feuille de route mise en place par le quartette pour un règlement du conflit israélo-palestinien, les Britanniques ont réussi à arracher au président George W. Bush la promesse que ce texte sera bientôt publié. Alors que depuis plusieurs semaines Londres spécule sur la date à laquelle sera révélé ce plan de paix qui prévoit notamment la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005, Washington traîne les pieds, soucieux de protéger Israël, son principal allié dans la région. Malgré les démentis de la Grande-Bretagne, le règlement du conflit israélo-palestinien apparaît donc de plus en plus comme un sujet de désaccord entre Américains et Britanniques.
Londres réclame depuis plusieurs semaines la publication de la feuille de route préparée depuis des mois par le quartette qui regroupent outre les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie et les Nations unies. Cette feuille de route prévoit à long terme la création d’un Etat palestinien en 2005 et insiste non seulement sur le gel des colonisations israéliennes mais aussi sur le retrait de l’Etat hébreu des territoires palestiniens qu’il a réoccupés depuis septembre 2000. La révélation de ce plan aurait sans doute permis au Premier ministre Tony Blair de tenter de faire avaler aux opinions publiques arabes l’amère pilule d’une intervention militaire en Irak, en convaincant notamment certains pays de rallier une nouvelle résolution du Conseil de sécurité. Mais le gouvernement britannique s’est vu signifier une fin de non recevoir par la Maison Blanche, plus que jamais attentive à protéger son plus grand allié dans la région, Israël. Car si George W Bush a déclaré jeudi, après avoir longuement reçu son ami Tony Blair, que la feuille de route –destinée selon ses termes à «transformer une vision en réalité»– sera «bientôt» publiée, il s’est bien gardé de fixer une date, laissant le Premier ministre britannique s’enferrer dans des promesses difficiles à tenir.

La feuille de route est en effet prête depuis plusieurs mois mais Washington, craignant dans un premier temps de gêner le Premier ministre israélien Ariel Sharon alors en pleine campagne électorale, avait repoussé sa publication après les législatives israéliennes du 28 janvier. La Maison Blanche a ensuite estimé que cette feuille de route ne pouvait être mise en place sans une réforme profonde des institutions palestiniennes. Londres s’était alors proposé d’en discuter avec les principaux intéressés et avait à ce sujet organisé deux conférences dans la capitale britannique. L’une d’elle avait même dû être réalisée par vidéo-conférence, Israël refusant aux délégués palestiniens de quitter les territoires occupés. Ces rencontres ont certes abouti à une réforme de taille puisque les instances palestiniennes ont accepté la création d’un poste de Premier ministre dont les prérogatives limitent le pouvoir de Yasser Arafat. Mais malgré cet acquis de taille, la feuille de route n’a pas été publiée. Aujourd’hui Tony Blair affirme qu’elle le sera «une fois que sera confirmé dans les règles le nouveau Premier ministre palestinien». Une affirmation qui risque d’être très rapidement démentie par les faits, Washington n’étant visiblement pas prêt à céder aux demandes de Londres.

Relations tendues entre Britanniques et Israéliens

En Israël, un haut responsable, qui a souhaité garder l’anonymat, a d’ailleurs déclaré que le plan de paix du quartette ne serait pas publié avant la fin de la guerre en Irak. «Nous nous attendons à ce que ce document ne soit pas publié avant la fin de la campagne en Irak et avant que les Etats-Unis ne nous consultent auparavant», a-t-il notamment affirmé en exprimant sa grande «satisfaction» sur le fait que le président américain n’ait fixé aucune échéance. Encore plus radical, le conseiller diplomatique d’Ariel Sharon a pour sa part estimé que «la publication de ce document importait moins que sa mise en application». «D’une certaine façon, a ainsi estimé Zalman Shoval, la feuille de route a déjà été publiée dans ses grandes lignes, mais non finalisée. Ce qui compte c’est la façon dont elle sera appliquée». Selon lui, cela dépendra dans une large mesure des résultats du conflit en cours, selon qu’il permettra ou non un remodelage du Moyen-Orient. Zalman Shoval s’est en outre vanté du fait que son pays pouvait largement compter sur l’appui des Etats-Unis.

Les relations entre la Grande-Bretagne et Israël se sont par ailleurs brusquement détériorées après les déclarations jeudi de Jack Straw. Le chef de la diplomatie britannique a en effet affirmé sur la BBC que l’Occident, y compris la Grande-Bretagne, suivait une politique de deux poids deux mesures en agissant contre l’Irak mais pas contre Israël. «Il existe des préoccupations vis-à-vis du double langage des pays occidentaux d'un côté disant que les résolutions de l'Onu doivent être appliquées en Irak, et de l'autre concernant l'application des résolutions sur Israël et la Palestine», a-t-il notamment affirmé. Ces déclarations de Jack Straw ont été vivement dénoncées par la presse israélienne et l’ambassadeur britannique à Tel Aviv a été convoqué par le ministère des Affaires étrangères pour que lui soit signifié que l’Etat hébreu estimait les propos de Jack Straw «graves et totalement infondés», voire «révoltants».

Londres a certes tenté d’apaiser la polémique en expliquant notamment que le ministre britannique «faisait valoir que toutes les résolutions des Nations unies devaient être mises en œuvre, pas seulement celles relatives à l’Irak» et en affirmant qu’à aucun moment il n’avait suggéré que les deux situations étaient analogues. Mais le mal semble fait et pourrait contribuer à tendre un peu plus les relations entre Britanniques et Américains, ces derniers n’entendant visiblement pas se laisser dicter leur conduite par un allié, aussi fidèle soit-il.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/03/2003