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Proche-Orient

Sharon donne la priorité à l’économie

Le nouveau gouvernement d’Ariel Sharon a obtenu vendredi la confiance de la Knesset après un long débat au cours duquel le Premier ministre a largement privilégié la relance économique, remettant à plus tard les négociations de paix censées aboutir à la création d’un Etat palestinien. Soixante-six députés ont ainsi soutenu le programme d’Ariel Sharon, 48 ayant voté contre. En s’appuyant sur le parti laïc centriste Shinoui, sur le Parti national religieux, considéré comme le porte-parole des colons et sur la coalition d’extrême droite de l’Union nationale, le nouveau chef du gouvernement israélien s’était assuré une majorité de 68 voix contre les 120 que compte la Knesset. Mais le nouveau cabinet qui n’a pas encore commencé à travailler semble d’ores et déjà miné par ses contradictions, deux partis de la coalition gouvernemental, le PNR et l’UN s’étant déjà prononcé contre la création d’un Etat palestinien.
Avec ses 40 députés au Parlement, le Likoud s’est taillé la part du lion dans le nouveau gouvernement israélien en occupant 14 postes ministériels sur les 21 qu’il compte pour le moment. Contre toute attente et alors qu’Ariel Sharon s’était pourtant engagé lors des primaires du parti à lui offrir le poste de chef de la diplomatie, Benjamin Netanyahou a finalement accepté, contraint et forcé, le portefeuille des Finances. Si certains analystes ont vu dans cette nomination une habile manœuvre du Premier ministre pour dégrader son rival de toujours, d’autres plus pragmatiques ont estimé qu’elle constituait un signal clair sur la situation catastrophique de l’économie israélienne, minée par la récession et le chômage, devenue aujourd’hui la priorité des priorités d’Ariel Sharon. Il l’a d’ailleurs affirmé dans son discours devant la Knesset. «Notre première tâche sera de nous attaquer à la situation économique, d’essayer de maintenir la stabilité sur le front économique et de revenir sur la voie de la croissance», a-t-il déclaré. Conscient des difficultés qu’il devra affronter, Benjamin Netanyahou a exigé non seulement une lettre du Premier ministre l’assurant de tout son soutien mais aussi une large autonomie qui en fait aujourd’hui le numéro 2 du gouvernement.

Pour mener à bien son programme et surtout pour éviter les tensions au sein du Likoud, Ariel Sharon a dû également donner satisfaction à deux autres barons du parti. Ehoud Olmert, l’ancien maire de Jérusalem qui avait démissionné de son poste dans l’espoir d’être nommé aux Finances, a finalement accepté le ministère de l’Industrie et du commerce à la seule condition d’être également Premier ministre par intérim avec de larges attributions politiques. Et l’ancien ministre des Finances Silvan Shalom, fidèle d’entre les fidèles d’Ariel Sharon, s’est vu contre attente attribuer le portefeuille des Affaires étrangères. Ce novice en diplomatie, estiment certains analystes, sera sans doute plus enclin à suivre les directives du Premier ministre que son prédécesseur Benjamin Netanyahou, qui avait des positions très tranchées et bien plus radicales que celles d’Ariel Sharon. Dans ce nouveau cabinet, la défense est restée entre les mains de Shaoul Mofaz tandis que la sécurité intérieure a été confiée au ministre de l’Environnement sortant Tsahi Hanegbi. Les deux hommes sont considérés comme des faucons au sein du Likoud.

En vertu des accords conclus, le Shinoui –troisième formation politique du pays avec 15 députés– a de son côté obtenu cinq portefeuilles dont celui de l’Intérieur et de la Justice occupé par son président Tommy Lapid qui voit ainsi son vœu le plus cher exaucé. L’Union nationale s’est vue attribuer deux ministères, celui du Tourisme et des Transport tandis que le Parti national religieux compte bien récupérer les portefeuilles de l’Habitat et des Affaires sociales toujours entre les mains d’Ariel Sharo. Cette formation qui prône ouvertement la poursuite de la colonisation occupera dans ce contexte un poste stratégique.

La question d’un Etat palestinien repoussée

Conscient d’être à la tête d’une coalition hétéroclite constituée d’un parti laïc, favorable à la poursuite des négociations de paix, et de deux autres partis –l’un religieux et l’autre d’extrême droite– farouchement opposés à la création d’un Etat palestinien, Ariel Sharon s’est bien gardé de mentionner en toutes lettres cette épineuse question dans son programme. «La question de l’Etat palestinien sera portée, le moment venu, devant le gouvernement qui prendra une décision», s’est-il contenté de déclarer. Soucieux toutefois de conserver de bonnes relations avec la Maison Blanche, il a appuyé «la vision» du président Bush sur la coexistence pacifique de deux Etats en expliquant qu’il avait donné à plusieurs reprises sa position sur le sujet. Il a également profité de l’occasion pour répéter avec force qu'il ne saurait y avoir d'avancée politique dans le dossier israélo-palestinien sans «un arrêt du terrorisme, des réformes au sein de l'Autorité palestinienne et un changement de la direction palestinienne actuelle», en allusion au départ réclamé de Yasser Arafat.

Cette position affichée par le Premier ministre a été fortement critiquée côté palestinien. «Sharon n’est pas sérieux sur la question de l’Etat palestinien», a ainsi affirmé le principal conseiller de Yasser Arafat, Nabil Abou Roudeina. «Ce discours va à l'encontre de la position du président Bush qui veut un Etat palestinien d'ici à 2005. Il s'agit d'une nouvelle tentative de détruire les efforts internationaux» pour un règlement du conflit, a-t-il également ajouté. Le président américain avait déclaré mercredi que son administration travaillait sur la feuille de route présentée par le quartette qui outre les Etats-Unis réunit la Russie, les Nations unies et l’Union européenne.

Le quotidien israélien Haaretz croit toutefois savoir que le Premier ministre mène actuellement une course contre la montre dans le but de modifier cette fameuse feuille de route. Selon lui, Ariel Sharon aspire à la remplacer par un arrangement israélo-américain qui neutraliserait toute influence européenne, beaucoup plus exigeante envers l’Etat hébreu comme en témoignent notamment les déclarations des Premiers ministres britannique et espagnol. «La Grande-Bretagne et l'Espagne sont absolument d'accord sur la priorité absolue à donner à la relance du processus de paix au Proche-Orient», a ainsi affirmé Tony Blair lors d’une conférence de presse conjointe avec Jose Maria Aznar à Madrid. «Nous avons un accord très clair de par le monde sur le fait que la solution la plus équitable, c'est l'existence de deux Etats, un Israël qui a confiance en sa sécurité, un Etat palestinien viable, vivant côte à côte», a-t-il ajouté en assurant que Londres et Madrid allaient «jouer le rôle nécessaire pour y parvenir».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/02/2003