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Proche-Orient

La réforme de l’Autorité palestinienne discutée à Londres

Soucieux de sortir de son isolement et de répondre aux pressions insistantes de la communauté internationale, Yasser Arafat s’est finalement résolu à accepter, la semaine dernière, la nomination d’un Premier ministre de l’Autorité palestinienne. Cette décision est intervenue à la veille d’une deuxième rencontre à Londres destinée à étudier les réformes des institutions palestiniennes, préalable à la mise en place de la feuille de route du quartette (Etats-Unis, Nations unies, Union européenne et Russie) qui prévoit notamment la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005. Parallèlement, le gouvernement israélien a timidement repris le contact avec certains responsables de l’Autorité palestinienne pour discuter de questions sécuritaires et d’un éventuelle retrait de Tsahal de certaines villes autonomes palestiniennes réoccupées depuis plusieurs mois.
L’annonce vendredi dernier par Yasser Arafat de son accord à la nomination d’un Premier ministre de l’Autorité palestinienne est passée quasiment inaperçue tant la crise irakienne mobilisait ce jour-là toutes les attentions. Mais cette décision, qui est intervenue quelques jours avant les réunions de Londres sur la réforme des institutions palestiniennes, revêt aujourd’hui toute son importance. Elle signe en effet le timide retour du leader palestinien. Certes les pressions de la communauté internationale étaient insistantes mais Yasser Arafat jouait surtout sa survie politique. En acceptant de partager le pouvoir comme le réclamaient depuis plusieurs mois Américains et Israéliens, il a surtout empêché sa mise à l’écart qui semblait inéluctable dans le contexte de la crise irakienne, Ariel Sharon ayant menacé à plusieurs reprises, à la faveur d’une guerre en Irak, de se débarrasser de lui d’une manière ou d’une autre. Certains analystes estiment ainsi que la communauté internationale avait besoin d’une telle mesure pour calmer Ariel Sharon. Et il ne fait aucun doute, selon eux, que Washington fera pression sur le Premier ministre israélien pour le convaincre de ne rien faire dans le soucis d’éviter une radicalisation des opinions arabes.

Si la décision de nommer un Premier ministre de l’Autorité palestinienne a été approuvée par les travaillistes israéliens –Shimon Peres a estimé qu’elle allait «dans la bonne direction»–, le cabinet d’Ariel Sharon s’est bien gardé de faire le moindre commentaire. Seul l’ancien maire de Jérusalem, Ehud Olmert, un des barons du Likoud, a accueilli la décision de Yasser Arafat avec scepticisme. «Je conseillerais de ne pas s’émerveiller outre mesure de cette déclaration qui nécessitera encore beaucoup de preuves», a-t-il notamment affirmé. Côté palestinien, on assure que cette décision n’est pas «une concession aux Etats-Unis». «Elle est en conformité avec notre programme de réformes», a insisté le ministre palestinien des Collectivités locales Saëb Erakat en soulignant que «le président Arafat souhaitait poursuivre l’application de ces obligations conformément à la feuille de route présentée par le quartette».

Cette mesure ne pouvait que conforter la Grande-Bretagne qui avait maintenu mi-janvier une réunion sur les réformes des institutions palestiniennes, malgré le refus de l’Etat hébreu, qui n’y avait pas été convié, d’autoriser une délégation palestinienne de se rendre à Londres. Le chef de la diplomatie britannique Jack Straw a ainsi «salué» la décision de Yasser Arafat, y voyant «une contribution importante au processus de réformes palestiniennes».

Sharon desserre l’étau

Les réunions de Londres vont porter à la fois sur la réforme des institutions palestiniennes et sur la feuille de route du quartette. Cette feuille de route non encore finalisée prévoit essentiellement un règlement de paix en trois phases conduisant à la création à l’horizon 2005 à la création d’un Etat palestinien. L’Etat hébreu avait repoussé son examen durant la campagne électorale israélienne, affirmant ne pas souhaiter que cette question soit abordée avant la fin des élections. L’aspect économique sera également étudié. La Norvège qui préside un comité de coordination économique au profit de la Palestine, a en effet convié une conférence des donateurs à laquelle devraient participer plusieurs pays dont les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et l’Egypte ainsi que plusieurs institutions comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Israël qui traverse l’une des crises économiques les plus dures de son histoire doit de son côté participer à une série de réunions sur les réformes économiques.

Sur le terrain, l’armée israélienne a levé mardi le bouclage total des territoires occupés qu’elle avait instauré depuis le 10 février. Elle a en outre autorisé 6 000 travailleurs de la bande de Gaza à se rendre en Israël et 3 500 autres à gagner la zone industrielle d’Erez située à l’entrée nord de ce territoire. C’est la première fois depuis les élections israéliennes du 28 janvier que l’Etat hébreu autorise les travailleurs palestiniens à quitter les territoires autonomes. Sur le plan politique des réunions sécuritaires se sont tenues entre responsables des deux parties. Elles avaient pour objectif l’établissement d’un cessez-le-feu et l’étude des conditions de redéploiement des policiers palestiniens dans les zones autonomes de Cisjordanie que l’armée israélienne réoccupe depuis plus de sept mois.

Ariel Sharon a par ailleurs rencontré plusieurs dirigeants palestiniens dont le ministre des Finances Salam Fayad, un des candidats potentiels au nouveau poste de Premier ministre. La télévision avait la semaine dernière indiqué que le chef du gouvernement israélien avait également rencontré secrètement le numéro 2 de l’Organisation de libération de la Palestine, Mahmoud Abbas (Abou Mazen), ainsi que le président du Conseil législatif palestinien Ahmed Qoreï (Abou Alaa). Ces rencontres n’ont pas été confirmées par les Palestiniens qui y voient une manœuvre politicienne destinée à convaincre les travaillistes de participer à un gouvernement d’union nationale en Israël.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/02/2003