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Proche-Orient

Une nouvelle colonie au cœur de Jérusalem-est

Une cinquantaine de logements réservés aux juifs ont ouvert dans le quartier arabe de Ras el-Amoud à Jérusalem-est, juste en face de l’esplanade des Mosquées. L’attitude de la Maison Blanche à l’égard de ce nouveau coup de force du gouvernement israélien, sera un test de sa détermination à s’impliquer ou non dans l’avenir du Proche-Orient à l’issue de la guerre en Irak.
De notre correspondant dans les territoires palestiniens

Sa construction avait été ralentie par les manifestations des Palestiniens. Son ouverture avait été gelée sous les pressions de la communauté internationale. Il y a trois semaines, sur l’intervention de la Maison Blanche soucieuse d’éviter la moindre fausse note à l’orée de son offensive en Irak, Ariel Sharon avait consenti à repousser encore une fois l’emménagement des colons. C’est désormais chose faite. Mercredi 2 avril, profitant de la polarisation des médias sur la guerre en Irak, le Premier ministre israélien a donné son feu vert à l’ouverture de la colonie de Ma’ale Hazeitim, au cœur du quartier de Ras el-Amoud, à Jérusalem-est.

Pour l’instant, seules quelques familles sont entrées dans les 35 appartements déjà achetés sur les 51 déjà bâties. D’autres devraient s’installer dans les prochaines semaines parallèlement à la poursuite des travaux. A terme, la colonie est censée comprendre 120 unités d’habitation. Dans un quartier exclusivement arabe, cette intrusion d’habitants juifs constitue une «véritable provocation», selon Yariv Oppenheimer, le porte-parole de l’organisation pacifiste israélienne La paix maintenant, qui met en garde contre un «nouveau Hébron» (l’un des points les plus chauds de Cisjordanie, où 120 000 palestiniens cohabitent avec 500 colons installés dans le centre-ville, théâtre du massacre de 29 fidèles musulmans par un extrémiste juif en 1994, ndlr).

Empêcher toute division de la ville sainte

Le projet a été initié en plein processus de paix, en 1997, par l’ancien maire de Jérusalem, Ehud Olmert de concert avec le grand argentier des colons, l’américain Irving Moskowitz. En septembre de cette année, une poignée d’Israéliens avait investi une maison achetée par ce milliardaire juif de Miami à Ras el-Amoud. Devant le tollé suscité par cette violation flagrante de l’esprit d’Oslo, le gouvernement de Benyamin Netanyahou avait obtenu que les colons soient remplacés par une dizaine d’étudiants talmudiques, ce qui revenait à entériner la présence juive dans le quartier arabe. Puis en février 1998, le cabinet israélien avait accordé son autorisation administrative à la mise en chantier d’une véritable colonie sur un terrain qui était agrandi un mois plus tard, par l’ajout d’une nouvelle propriété, acquise par Moskowitz, grâce à l’entremise d’Ariel Sharon, alors ministre des Affaires étrangères.

Coup de force d’une poignée d’extrémistes, complicités hauts placées, pause tactique pour désamorcer la grogne internationale puis relance du projet avec la bénédiction gouvernementale: le processus de création de Ma’ale Hazeitim est d’un classicisme éprouvé. Ce qui la distingue des autres colonies c’est son emplacement, qui en fait une véritable bombe à retardement. En ciblant un quartier du cœur de la Jérusalem arabe, le gouvernement israélien conforte sa politique visant à empêcher toute division de la ville sainte. Objectif inavoué selon Dan Bittan, de la Paix maintenant, «saboter toute possibilité de règlement du conflit car tout le monde sait que si les Palestiniens n’obtiennent pas Jérusalem-est, il n’y aura pas de paix». De plus Ma’ale Hazeitim, qui est implanté juste en face de l’esplanade des Mosquées, vise à couper la route Jéricho-Jérusalem, qui relie la Cisjordanie à la vieille ville. Un axe stratégique, emprunté par des milliers qui dans les accords Beilin-Abou Mazen, devait assurer aux Palestiniens un accès protégé aux lieux saints musulmans, sans avoir à transiter par Israël. «Les colons sont des fascistes, dit Dan Bittan. Ils ne veulent pas de paix avec les Palestiniens et le gouvernement les encourage. A mon avis, le sang va couler bientôt par ici».

Selon la presse israélienne, la Maison Blanche n’aurait pas renoncé à obtenir d’Ariel Sharon un gel de l’arrivée des colons. Irak oblige, les pressions américaines ont pour l’instant été timides. Mais l’après-guerre en Irak pourrait changer la donne. Les états arabes désireux de toucher les dividendes de leur silence et Tony Blair pressé de monnayer son ralliement à Washington pourraient inciter le Département d’Etat à hausser le ton. La feuille de route, le projet de règlement israélo-palestinien patronné par le Quartet qui prévoit un gel de la colonisation, est d’ailleurs censé être présenté dans les plus brefs délais. A cet égard, Ma’ale Hazeitim sera un test de la détermination américaine à s’impliquer ou non, dans l’avenir du Proche-Orient.



par Benjamin  Barthe

Article publié le 10/04/2003