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Proche-Orient

Mahmoud Abbas confronté à un premier attentat suicide

Un kamikaze palestinien s’est fait exploser jeudi matin dans l’entrée d’une gare routière israélienne tuant une personne et blessant treize autres. Cette attaque suicide intervient quelques heures à peine après la conclusion à l’arraché d’un accord sur la formation d’un nouveau gouvernement palestinien. Elle a été revendiquée par les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, un groupe armé lié au Fatah du président Yasser Arafat. Ce nouvel attentat illustre les difficultés qui attendent le nouveau Premier ministre, Mahmoud Abbas, partisan d’une démilitarisation de l’Intifada.
L’explosion est survenue peu après sept heures du matin, en pleine heure de pointe, au moment où les voyageurs pénétraient dans la gare de Kfar Saba qui dessert Tel Aviv et ses faubourgs. Selon des témoins, le kamikaze a actionné sa charge lorsqu’un agent de la sécurité israélienne lui a demandé sa carte d’identité. Outre le terroriste et l’agent de sécurité tués sur le coup, treize autres personnes ont également été blessées dont deux grièvement. Cet attentat, qui aurait pu faire un nombre beaucoup plus important de victimes, a été revendiqué par téléphone, quelques heures après l’explosion, par un homme se réclamant des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, un groupe armé responsable de nombreuses attaques suicide en Israël et lié au Fatah que dirige Yasser Arafat. Le porte-parole officiel de cette organisation a toutefois démenti cette information, imputant l’attentat à un groupe dissident. Cette attaque intervient après quatre semaines de relative accalmie en Israël, la dernière opération suicide de ce genre remontant au 30 mars dernier. Un kamikaze s’était fait exploser à Netanya, dans le nord du pays, blessant une vingtaine de personnes.

Réagissant à cette nouvelle opération suicide, les autorités israéliennes ont très vivement dénoncé «une attaque vicieuse contre des civils israéliens et la volonté de créer un climat de terreur dans le pays». Elles ont également mis en garde le nouveau Premier ministre palestinien. «Tant que ce genre d’attentat barbare continuera, il ne pourra pas y avoir de discussions de paix sérieuses», a notamment affirmé un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. Le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, s’est pour sa part empressé de «condamner une opération menée contre des civils israéliens», soulignant qu’il la jugeait «inacceptable», tandis que la direction palestinienne qualifiait l'attentat «d'opération terroriste» allant «à l'encontre des intérêts nationaux palestiniens».

Une mise en garde à Mahmoud Abbas ?

L’attentat de Kfar Saba a été perpétré au lendemain de la conclusion, après plusieurs semaines d’âpres négociations au sein de la direction palestinienne, d’un accord portant sur la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par Mahmoud Abbas. Sous la pression de la communauté internationale, le président Arafat a en effet finalement accepté, contraint et forcé, d’abandonner une partie de ses prérogatives en matière de sécurité à son Premier ministre. Ce dernier, qui aura également en charge le portefeuille de l’Intérieur, a ainsi réussi à imposer au poste de ministre délégué à la sécurité intérieure le très redouté colonel Mahmoud Dahlan, l’ancien chef de la sécurité préventive de la bande de Gaza qui avait démissionné avec fracas en mai dernier, n’hésitant pas à critiquer Yasser Arafat. Les deux hommes plaident depuis plusieurs mois pour une «démilitarisation de l’Intifada», à savoir l’arrêt des attentats anti-israéliens, ce que refusent catégoriquement les mouvements extrémistes palestiniens. Yasser Arafat, pris entre deux feux et soucieux de se concilier la rue palestinienne soumise depuis des mois à l’occupation et au blocus israéliens, était pour sa part partisan de l’arrêt des attentats sur le sol israélien mais à leur poursuite dans les territoires occupés, estimant qu’il ne pouvait s’opposer à des actes de résistance des palestiniens.

Aussitôt l’accord conclu sur la formation du nouveau cabinet, les mouvements extrémistes palestiniens ont mis en garde Mahmoud Abbas, lui intimant notamment de ne pas «faire la guerre aux activistes palestiniens». «Si le nouveau gouvernement combat le terrorisme pratiqué par l’entité sioniste, alors nous lui sommes favorables, mais s’il fait la guerre à nos combattants, alors notre peuple lui réservera un accueil défavorable», a ainsi prévenu un dirigeant du Hamas. «Aucun gouvernement ne peut faire la guerre aux moujahidine car l’ensemble du peuple est avec eux», a-t-il insisté. Un responsable du Jihad islamique a pour sa part affirmé craindre les représailles que pourrait lancer, sous la pression des Etats-Unis et d’Israël, le nouveau gouvernement contre les militants des groupes radicaux palestiniens. «Nous sommes inquiets, a-t-il déclaré, car une fois que les Palestiniens et les Israéliens reprendront les négociations qui seront très longues, cela ne pourra qu’affecter la résistance et détruire l’Intifada».

Dans ce contexte, l’attentat de Kfar Saba, même s’il n’a pas été perpétré par ces deux groupes extrémistes, sonne comme une mise en garde très clair au nouveau Premier ministre. Avant même d’être investi, Mahmoud Abbas, que certains accusent déjà d’être l’homme des Américains et d’Israël, apparaît donc d’ores et déjà affaibli puisque l’appui international dont il jouit risque de lui nuire plus qu’autre chose auprès des Palestiniens.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 24/04/2003