Proche-Orient
Powell entame une tournée cruciale
Colin Powell commence ce samedi une visite en Israël et en Palestine pour relancer le processus de paix sur la base de la Feuille de route du Quartette. Jamais, depuis plusieurs années, les circonstances n’ont paru aussi favorables à une reprise du processus de paix, mais la fenêtre est étroite.
Plus d’un an après son dernier voyage au Proche-Orient, le secrétaire d’État américain Colin Powell arrive ce samedi dans la région pour y rencontrer les dirigeants israéliens et palestiniens. L’an passé, il avait rendu visite à Yasser Arafat, assiégé par l’armée israélienne à la mouqataa, son QG de Ramallah pour lui délivrer une sévère mise en garde. Pas cette fois-ci. Depuis le discours du 24 juin du président Bush, les Américains considèrent le président palestinien comme «irrelevant» (hors-jeu), tout comme les Israéliens. C’est donc avec le nouveau Premier ministre palestinien, Abou Mazen, et son ministre des Affaires étrangères Nabil Chaath que s’entretiendra dimanche matin le chef de la diplomatie américaine après avoir vu la veille au soir le Premier ministre d’Israël, Ariel Sharon.
A l’ordre du jour : la mise en œuvre de la fameuse «feuille de route» rendue publique par le Quartette (États-Unis, Union européenne, Russie, Onu) le 30 avril dernier, après la confirmation du gouvernement d’Abou Mazen par le Conseil législatif palestinien.
Ces derniers jours, le Premier ministre israélien a fait flèche de tout bois pour souligner dans les médias qu’il était prêt à des «concessions douloureuses» et qu’il ne raterait pas l’occasion de conclure la paix si elle se présentait. La multiplication de ces proclamations a d’ailleurs suscité une certaine nervosité chez ses alliés d’extrême droite et parmi les représentants du conseil des Yeshas, qui représente les colons juifs des territoires occupés.
Mais depuis qu’il a pris ses fonctions, Ariel Sharon a veillé avec un soin jaloux à ne pas froisser l’administration Bush qu’il considère, sans doute à juste titre, comme son meilleur atout politique. Or, le président américain s’est prononcé à plusieurs reprises pour un État palestinien vivant en paix à côté de l’État d’Israël, et Ariel Sharon lui a emboîté le pas, sans toutefois préciser ce qu’il entendait exactement par là.
La première fois qu’Ariel Sharon a évoqué des «concessions douloureuses», c’était dans une interview à un magazine américain avant les élections de janvier 2001. Il avait à l’époque précisé qu’il entendait par là renoncer éventuellement à une réoccupation de la Cisjordanie et de Gaza. Depuis lors, l’armée israélienne a réoccupé presque toute la Cisjordanie et s’emploie actuellement à morceler la Bande de Gaza.
Les Palestiniens ont publiquement adopté sans réserve, mais sans enthousiasme, la feuille de route du Quartette, tout simplement parce qu’ils n’ont pas le choix. Ariel Sharon, pour sa part, a déjà fait savoir qu’il voulait soumettre une quinzaine de modifications au texte «non modifiable» publié par le Quartette. Quant à ce dernier, Sharon a indiqué à un journal américain qu’il ne fallait pas le prendre au sérieux : seul compte à ses yeux le plan sur lequel Israël et les États-Unis se sont mis d’accord. Le Premier ministre israélien n’en a pas dit davantage et la Feuille de route a officiellement reçu la bénédiction du président Bush. Mais ce n’est un secret pour personne qu’au gouvernement israélien, les proches du Premier ministres estiment que la Feuille de route est l’œuvre des «arabisants» du département d’État, violemment critiqués par les amis d’Israël au Pentagone et à la Maison Blanche.
Ariel Sharon se réserve pour sa rencontre avec Bush
Si l’on en croît certains éditorialistes israéliens, la politique de Sharon consisterait à ne pas critiquer publiquement la Feuille de route, puisqu’elle a reçu l’imprimatur présidentielle, tout en sachant que la Maison Blanche se montrera en temps utile très réceptive aux arguments israéliens indiquant que l’attitude des Palestiniens ne permet pas à Israël de tenir ses engagements.
Côté palestinien justement, on se déclare persuadé qu’Israël a fait échouer la mission Powell avant que le secrétaire d’État ne soit même arrivé. Pour Nabil Chaath, le nouveau ministre palestinien des Affaires étrangères, qui était de passage à Paris ce vendredi, en indiquant publiquement ce qu’il dirait à Colin Powell lorsqu’il le rencontrerait, Ariel Sharon a «tué» la mission du secrétaire d’État, se réservant pour sa rencontre en tête-à-tête avec George Bush le 20 mai prochain à la Maison Blanche. Nabil Chaath veut espérer, sans trop y croire, que les États-Unis montreront assez de fermeté avec leur allié israélien pour conditionner l’invitation à une acceptation préalable et sans réserve de la Feuille de route par Ariel Sharon.
Quoi qu’il en soit, tous les acteurs concernés sont d’accord sur au moins deux points : la Feuille de route est le seul sujet de discussion qui fasse l’objet d’un minimum de consensus, et la période qui s’est ouverte avec la fin du conflit en Irak est propice à une éventuelle percée au Proche-Orient, mais pas pour longtemps. George W. Bush, auréolé de sa victoire militaire, et désireux de démontrer aux Arabes et aux Européens que son engagement à se saisir du problème du Proche-Orient était sérieux semble avoir mis son poids dans la balance en soutenant visiblement la mission de Colin Powell. Mais chacun sait bien qu’à partir de l’automne, les États-Unis seront en campagne électorale pour les élections de 2004, un contexte extrêmement peu propice au processus de paix, surtout s’il implique pour le président candidat à sa réélection d’exercer des pressions sur Israël.
George W. Bush n’a pas oublié que son père George H. Bush, vainqueur de l’Irak qui avait fait pression sur Shamir pour organiser la conférence de Madrid a perdu quelques mois plus tard la Maison Blanche au profit d’un certain Bill Clinton, auquel les lobbies pro-israéliens avaient apporté un soutien massif. Son fils a bien retenu la leçon et fera tout pour que l’histoire ne se répète pas.
A l’ordre du jour : la mise en œuvre de la fameuse «feuille de route» rendue publique par le Quartette (États-Unis, Union européenne, Russie, Onu) le 30 avril dernier, après la confirmation du gouvernement d’Abou Mazen par le Conseil législatif palestinien.
Ces derniers jours, le Premier ministre israélien a fait flèche de tout bois pour souligner dans les médias qu’il était prêt à des «concessions douloureuses» et qu’il ne raterait pas l’occasion de conclure la paix si elle se présentait. La multiplication de ces proclamations a d’ailleurs suscité une certaine nervosité chez ses alliés d’extrême droite et parmi les représentants du conseil des Yeshas, qui représente les colons juifs des territoires occupés.
Mais depuis qu’il a pris ses fonctions, Ariel Sharon a veillé avec un soin jaloux à ne pas froisser l’administration Bush qu’il considère, sans doute à juste titre, comme son meilleur atout politique. Or, le président américain s’est prononcé à plusieurs reprises pour un État palestinien vivant en paix à côté de l’État d’Israël, et Ariel Sharon lui a emboîté le pas, sans toutefois préciser ce qu’il entendait exactement par là.
La première fois qu’Ariel Sharon a évoqué des «concessions douloureuses», c’était dans une interview à un magazine américain avant les élections de janvier 2001. Il avait à l’époque précisé qu’il entendait par là renoncer éventuellement à une réoccupation de la Cisjordanie et de Gaza. Depuis lors, l’armée israélienne a réoccupé presque toute la Cisjordanie et s’emploie actuellement à morceler la Bande de Gaza.
Les Palestiniens ont publiquement adopté sans réserve, mais sans enthousiasme, la feuille de route du Quartette, tout simplement parce qu’ils n’ont pas le choix. Ariel Sharon, pour sa part, a déjà fait savoir qu’il voulait soumettre une quinzaine de modifications au texte «non modifiable» publié par le Quartette. Quant à ce dernier, Sharon a indiqué à un journal américain qu’il ne fallait pas le prendre au sérieux : seul compte à ses yeux le plan sur lequel Israël et les États-Unis se sont mis d’accord. Le Premier ministre israélien n’en a pas dit davantage et la Feuille de route a officiellement reçu la bénédiction du président Bush. Mais ce n’est un secret pour personne qu’au gouvernement israélien, les proches du Premier ministres estiment que la Feuille de route est l’œuvre des «arabisants» du département d’État, violemment critiqués par les amis d’Israël au Pentagone et à la Maison Blanche.
Ariel Sharon se réserve pour sa rencontre avec Bush
Si l’on en croît certains éditorialistes israéliens, la politique de Sharon consisterait à ne pas critiquer publiquement la Feuille de route, puisqu’elle a reçu l’imprimatur présidentielle, tout en sachant que la Maison Blanche se montrera en temps utile très réceptive aux arguments israéliens indiquant que l’attitude des Palestiniens ne permet pas à Israël de tenir ses engagements.
Côté palestinien justement, on se déclare persuadé qu’Israël a fait échouer la mission Powell avant que le secrétaire d’État ne soit même arrivé. Pour Nabil Chaath, le nouveau ministre palestinien des Affaires étrangères, qui était de passage à Paris ce vendredi, en indiquant publiquement ce qu’il dirait à Colin Powell lorsqu’il le rencontrerait, Ariel Sharon a «tué» la mission du secrétaire d’État, se réservant pour sa rencontre en tête-à-tête avec George Bush le 20 mai prochain à la Maison Blanche. Nabil Chaath veut espérer, sans trop y croire, que les États-Unis montreront assez de fermeté avec leur allié israélien pour conditionner l’invitation à une acceptation préalable et sans réserve de la Feuille de route par Ariel Sharon.
Quoi qu’il en soit, tous les acteurs concernés sont d’accord sur au moins deux points : la Feuille de route est le seul sujet de discussion qui fasse l’objet d’un minimum de consensus, et la période qui s’est ouverte avec la fin du conflit en Irak est propice à une éventuelle percée au Proche-Orient, mais pas pour longtemps. George W. Bush, auréolé de sa victoire militaire, et désireux de démontrer aux Arabes et aux Européens que son engagement à se saisir du problème du Proche-Orient était sérieux semble avoir mis son poids dans la balance en soutenant visiblement la mission de Colin Powell. Mais chacun sait bien qu’à partir de l’automne, les États-Unis seront en campagne électorale pour les élections de 2004, un contexte extrêmement peu propice au processus de paix, surtout s’il implique pour le président candidat à sa réélection d’exercer des pressions sur Israël.
George W. Bush n’a pas oublié que son père George H. Bush, vainqueur de l’Irak qui avait fait pression sur Shamir pour organiser la conférence de Madrid a perdu quelques mois plus tard la Maison Blanche au profit d’un certain Bill Clinton, auquel les lobbies pro-israéliens avaient apporté un soutien massif. Son fils a bien retenu la leçon et fera tout pour que l’histoire ne se répète pas.
par Olivier Da Lage
Article publié le 10/05/2003