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Proche-Orient

La rue palestinienne au secours d'Arafat

Par milliers, les Palestiniens sont descendus dans la rue soutenir leur président assiégé, malgré le couvre-feu. Les tirs de l’armée israélienne ont fait plusieurs morts.
Le siège de la Mouqataa, entrepris par l'armée israélienne depuis vendredi sous le nom de code «question de temps», a réussi le prodige de propulser à son zénith la popularité de Yasser Arafat, au plus bas chez les Palestiniens depuis plusieurs mois.

Par milliers, les Palestiniens de Cisjordanie ont bravé le couvre-feu pour apporter leur soutien à Yasser Arafat. De Naplouse, Toulkarem, Ramallah et ses environs, ils sont descendus dans la rue. Quatre manifestants ont été tués par l'armée israélienne qui, pour tenter de disperser la foule, a fait usage de balles réelles en plus des grenades lacrymogènes. A Gaza également, jusqu'à présent relativement épargnée par les Israéliens, des milliers de manifestants ont brandi le portrait du président palestinien et tiré des coups de feu en l’air.

Les ingrédients de cette mobilisation inédite sont de nature diverse. Le déclencheur a sans aucun doute été l’ultimatum de l’armée diffusé samedi soir par haut-parleur en arabe, sommant les occupants de la Mouqsataa de sortir les mains levées avant le déclenchement d’une «importante explosion». L’information, relayée par les médias israéliens et la télévision arabe par satellite Al Jazira, s’est instantanément propagée dans tous les territoires palestiniens dont les habitants ont aussitôt craint pour la vie d’Arafat et de ses proches.

Ceux qui ont été en contact téléphonique avec les personnes retranchées dans le bâtiment ont ressenti une grande anxiété devant l’imminence d’une action israélienne pouvant ensevelir sous les gravats tous les occupants de la Mouqataa. Cette anxiété, apparemment réelle, contraste avec l’alarmisme dont les dirigeants palestiniens sont coutumiers. Cette fois, ils craignent vraiment pour leur vie et ce sentiment est partagé par la population.

Dimanche matin, l'armée israélienne a coupé l'approvisionnement en eau, avant de rétablir le circuit en fin de matinée. Les Palestiniens affirment que l'électricité a également été coupée ainsi que le téléphone, ce que dément l'armée israélienne.

Un sentiment d’abandon et de lâchage

Le peu d’empressement des dirigeants arabes à réagir et l’apparente indifférence de la communauté internationale, qui en dehors d’appels à la «retenue» israélienne, ne bouge pas a en outre provoqué chez les Palestinien un sentiment d’abandon et de lâchage. Enfin, l’image, abondamment télévisée, de soldats israéliens remplaçant le drapeau palestinien flottant sur la Mouqataa par un drapeau israélien, a confirmé les Palestinien dans leur conviction, déjà bien ancrée, que cette opération n’a rien à voir avec la lutte antiterroriste, mais est une étape de la réoccupation de la Cisjordanie sur laquelle Israël entend réaffirmer sa souveraineté.

La répétition par les dirigeants israéliens et leurs porte-parole qu’ils ne comptent pas «faire du mal» à Arafat n’empêche pas sur le terrain les soldats israélien de poursuivre méthodiquement la destruction de tous les bâtiments adjacents de celui où le leader palestinien est retranché avec près de 200 personnes, bâtiment sur lequel les mitrailleuses postées autour tirent par ailleurs avec régularité. Benyamin Ben Eliezer a clarifié à nouveau l’objectif affiché par le gouvernement israélien : conduire Arafat à choisir de lui-même l’exil.

Mais le dos au mur et dopé par le soutien d’une opinion qui, naguère encore, n’avait pas de mots assez dur pour juger sa gestion, le «Vieux» a toutes les chances de s’arc-bouter sur un refus intransigeant de céder. Sharon, jusqu’à présent, a résister à la tentation d’utiliser la manière forte directement contre Yasser Arafat, notamment en raison des pressions des Américains et des mises en garde de ses propres services de sécurité. Mais avec l’entrée dans le jeu d’une rue palestinienne livrée à elle-même, sans encadrement, et apparemment prête à se sacrifier, la situation est arrivée à un point d’instabilité extrêmement dangereux. Nul ne peut désormais se hasarder à prédire ce qui se passerait si Yasser Arafat était blessé dans un accident, ni même s’il était frappé d’un malaise.

Et dans les pays voisins, les dirigeants arabes redoutent qu’à leur tour, les Palestiniens des camps de Jordanie ou du Liban ne descendent également dans la rue manifester leur colère contre Israël, les États-Unis… et les régimes en place dans le monde arabe.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 22/09/2002