Proche-Orient
L’Autorité palestinienne appelle à la fin de l’Intifada
Le ministre de l’Intérieur palestinien demande l’arrêt de la lutte armée dans et en dehors des Territoires. Une annonce sans précédent rejetée officiellement par les groupes armés. Mais en coulisses, les tractations continuent entre la direction palestinienne et la base militante.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Dans une déclaration d’une vigueur inédite, le ministre de l’Intérieur palestinien Abdel Razak Yehyah a convié ses compatriotes à mettre un terme à la lutte armée. «Tous les actes de résistance caractérisés par de la violence tel le recours à des armes et même à des pierres sont nuisibles, a-t-il dit. J’appelle à la résistance civile dans le cadre de la lutte politique». Alors que le général Yehyah se contentait jusque là d’exiger un arrêt des attentats suicide, il appelle désormais à la fin des attaques, à l’extérieur comme à l’intérieur des Territoires. Sa déclaration est d’autant plus forte qu’elle est assortie d’un constat d’échec d’une franchise inédite dans la bouche d’un haut responsable palestinien. «Il faut l’admettre. Nous avons perdu beaucoup. Je ne dis pas que tel camp doit être condamné, ou tel autre. Je dis que nous sommes occupés et que tenter de résoudre la question de l’occupation de cette façon nous a fait du tort. C’est pour cela que nous devons trouver une façon de résoudre ce problème». Un diplomate étranger analyse: «Les mots ne sont pas là mais la stratégie est claire. Yehyah veut mettre un terme à l’Intifada armée».
Signe que le fossé se creuse entre l’Autorité et la base militante, toutes les factions palestiniennes, y compris les Brigades des martyrs d’El Aqsa, proche du Fatah de Yasser Arafat, ont rejeté cet appel sans ménagement. Pour le dirigeant du FPLP, (Front populaire de libération de la Palestine, marxiste) Djamil Majdalawi, Yahya cède aux pressions américaines et israéliennes. «Après avoir qualifié la résistance de violence, je ne serais pas surpris que Yahyah la qualifie de terrorisme, comme le font les Américains», a-t-il dit. Un haut responsable du Djihad islamique, Abdallah al Chami, a estimé lui aussi que les propos du ministre palestinien reflétait la ligne prônée par Ariel Sharon et Georges Bush. «Le Djihad islamique ne va prêter aucune attention à ces déclarations absurdes et poursuivra la résistance sous toutes ses formes parce que c'est ce que veut le peuple palestinien», a déclaré Chami. Même réaction au Hamas. «Au lieu de demander l’arrêt de la résistance, Yehyah devrait demander l’arrêt de l’agression israélienne, dit Abdel Aziz Rantissi, le porte-parole du mouvement. La lutte armée est légitime et elle continuera. L’Autorité finira par se rallier à notre point de vue car c’est celui du peuple. Plutôt être massacré qu’être occupé».
Baisse sensible des attaques
Ces harangues musclées sont néanmoins à prendre avec précaution. Quarante-huit heures après un week-end au cours duquel onze civils palestiniens ont été fauchés, le mot d’ordre est forcément à la fermeté. En revanche, dans les deux zones autonomes où l’Autorité a repris partiellement ou totalement les rênes de la sécurité en vertu de l’accord «Gaza et Bethléem d’abord», les consignes d’apaisement l’emportent. Dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a elle-même reconnu une baisse sensible de la fréquence des attaques depuis quelques semaines. A Bethléem, les groupes armées qui réinvestissaient la ville sainte à chaque retrait israélien, n’ont pas fait leur retour cette fois ci. Selon un résident cité par le quotidien israélien Ha’aretz, la police palestinienne, désormais omniprésente, aurait empêché la semaine dernière un groupe de chebabs d’ouvrir le feu sur la colonie voisine de Gilo. Localement, les groupes armés semblent donc adopter le profil bas prôné par l’Autorité, bon gré, mal gré.
Pour beaucoup d’observateurs, l’hostilité de façade affichée par les partis d’opposition au plan de Yehyah ne constitue pas un niet définitif à l’idée de cessez-le-feu. Selon le journaliste Akiva Eldar, l’un des analystes les plus pointus de la presse israélienne, le Hamas pourrait même se rallier en douceur à la position du ministre de l’Intérieur: «Le cheikh Ahmed Yassine [le leader du Hamas, ndlr] est tenté de mesurer son pouvoir politique dans les urnes et il sait que la tenue des élections dépend du succès du cessez-le-feu, écrit-il dans Ha’aretz. Les responsables du Fatah recommandent de ne pas s’inquiéter de ses déclarations enflammées à la presse. Ils sont convaincus que le Hamas ralliera le cessez-le-feu». Un membre des services secrets palestiniens l’affirme: «L’accord sur le cessez-le-feu est une question de jours».
La principale inconnue qui pèse sur les efforts de Yehyah, est en définitive l’attitude d’Israël. «Si les Israéliens ne font pas un geste pour nous aider, les chances d’arriver à un cessez-le-feu seront très minces, s’exclame Ziad Abu Zayyad, une figure du Fatah, le parti de Yasser Arafat. Si les assassinats ciblés, les couvre feu et les check points continuent, il ne faut pas s’attendre à ce que les Palestiniens se transforment en colombes». Un leader national du FPLP, qui tient à garder l’anonymat, renchérit: «Le problème, ce n’est pas nous, c’est Sharon. Nous ne serons jamais un obstacle à la paix. Il s’avère juste qu’à chaque cessez-le-feu, Sharon a tout fait pour le détruire».
Dans une déclaration d’une vigueur inédite, le ministre de l’Intérieur palestinien Abdel Razak Yehyah a convié ses compatriotes à mettre un terme à la lutte armée. «Tous les actes de résistance caractérisés par de la violence tel le recours à des armes et même à des pierres sont nuisibles, a-t-il dit. J’appelle à la résistance civile dans le cadre de la lutte politique». Alors que le général Yehyah se contentait jusque là d’exiger un arrêt des attentats suicide, il appelle désormais à la fin des attaques, à l’extérieur comme à l’intérieur des Territoires. Sa déclaration est d’autant plus forte qu’elle est assortie d’un constat d’échec d’une franchise inédite dans la bouche d’un haut responsable palestinien. «Il faut l’admettre. Nous avons perdu beaucoup. Je ne dis pas que tel camp doit être condamné, ou tel autre. Je dis que nous sommes occupés et que tenter de résoudre la question de l’occupation de cette façon nous a fait du tort. C’est pour cela que nous devons trouver une façon de résoudre ce problème». Un diplomate étranger analyse: «Les mots ne sont pas là mais la stratégie est claire. Yehyah veut mettre un terme à l’Intifada armée».
Signe que le fossé se creuse entre l’Autorité et la base militante, toutes les factions palestiniennes, y compris les Brigades des martyrs d’El Aqsa, proche du Fatah de Yasser Arafat, ont rejeté cet appel sans ménagement. Pour le dirigeant du FPLP, (Front populaire de libération de la Palestine, marxiste) Djamil Majdalawi, Yahya cède aux pressions américaines et israéliennes. «Après avoir qualifié la résistance de violence, je ne serais pas surpris que Yahyah la qualifie de terrorisme, comme le font les Américains», a-t-il dit. Un haut responsable du Djihad islamique, Abdallah al Chami, a estimé lui aussi que les propos du ministre palestinien reflétait la ligne prônée par Ariel Sharon et Georges Bush. «Le Djihad islamique ne va prêter aucune attention à ces déclarations absurdes et poursuivra la résistance sous toutes ses formes parce que c'est ce que veut le peuple palestinien», a déclaré Chami. Même réaction au Hamas. «Au lieu de demander l’arrêt de la résistance, Yehyah devrait demander l’arrêt de l’agression israélienne, dit Abdel Aziz Rantissi, le porte-parole du mouvement. La lutte armée est légitime et elle continuera. L’Autorité finira par se rallier à notre point de vue car c’est celui du peuple. Plutôt être massacré qu’être occupé».
Baisse sensible des attaques
Ces harangues musclées sont néanmoins à prendre avec précaution. Quarante-huit heures après un week-end au cours duquel onze civils palestiniens ont été fauchés, le mot d’ordre est forcément à la fermeté. En revanche, dans les deux zones autonomes où l’Autorité a repris partiellement ou totalement les rênes de la sécurité en vertu de l’accord «Gaza et Bethléem d’abord», les consignes d’apaisement l’emportent. Dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a elle-même reconnu une baisse sensible de la fréquence des attaques depuis quelques semaines. A Bethléem, les groupes armées qui réinvestissaient la ville sainte à chaque retrait israélien, n’ont pas fait leur retour cette fois ci. Selon un résident cité par le quotidien israélien Ha’aretz, la police palestinienne, désormais omniprésente, aurait empêché la semaine dernière un groupe de chebabs d’ouvrir le feu sur la colonie voisine de Gilo. Localement, les groupes armés semblent donc adopter le profil bas prôné par l’Autorité, bon gré, mal gré.
Pour beaucoup d’observateurs, l’hostilité de façade affichée par les partis d’opposition au plan de Yehyah ne constitue pas un niet définitif à l’idée de cessez-le-feu. Selon le journaliste Akiva Eldar, l’un des analystes les plus pointus de la presse israélienne, le Hamas pourrait même se rallier en douceur à la position du ministre de l’Intérieur: «Le cheikh Ahmed Yassine [le leader du Hamas, ndlr] est tenté de mesurer son pouvoir politique dans les urnes et il sait que la tenue des élections dépend du succès du cessez-le-feu, écrit-il dans Ha’aretz. Les responsables du Fatah recommandent de ne pas s’inquiéter de ses déclarations enflammées à la presse. Ils sont convaincus que le Hamas ralliera le cessez-le-feu». Un membre des services secrets palestiniens l’affirme: «L’accord sur le cessez-le-feu est une question de jours».
La principale inconnue qui pèse sur les efforts de Yehyah, est en définitive l’attitude d’Israël. «Si les Israéliens ne font pas un geste pour nous aider, les chances d’arriver à un cessez-le-feu seront très minces, s’exclame Ziad Abu Zayyad, une figure du Fatah, le parti de Yasser Arafat. Si les assassinats ciblés, les couvre feu et les check points continuent, il ne faut pas s’attendre à ce que les Palestiniens se transforment en colombes». Un leader national du FPLP, qui tient à garder l’anonymat, renchérit: «Le problème, ce n’est pas nous, c’est Sharon. Nous ne serons jamais un obstacle à la paix. Il s’avère juste qu’à chaque cessez-le-feu, Sharon a tout fait pour le détruire».
par Benjamin Barthe
Article publié le 04/09/2002