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Proche-Orient

Le principal négociateur palestinien démissionne

Deux semaines à peine après avoir pris ses fonctions de ministre chargé des négociations de paix avec Israël, Saëb Erakat jette l’éponge. Il a en effet remis jeudi soir une lettre de démission au Premier ministre Mahmoud Abbas (Abou Mazen). Cette décision intervient à la veille de la première rencontre de haut niveau entre Palestiniens et Israéliens depuis le déclenchement de l’Intifada en septembre 2000. Au cours de cette rencontre, le chef du gouvernement palestinien va tenter de convaincre son homologue Ariel Sharon de donner son accord à la feuille de route proposée par le quartette et qui prévoit la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005. Une mission de taille puisque le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, avait échoué.
Saëb Erakat n’a fourni aucune explication quant aux raisons qui l’ont poussé à présenter sa démission, estimant notamment qu’il s’agissait d’une affaire interne palestinienne. Il a juste indiqué n’avoir pour l’instant reçu aucune réponse de la part du Premier ministre Mahmoud Abbas. Un officiel palestinien a toutefois indiqué que le ministre démissionnaire, qui a mené les principales discussions de paix avec l’Etat hébreu depuis plus de dix ans, était mécontent de n’avoir pas été inclus dans la délégation qui va rencontrer samedi dans la soirée Ariel Sharon et de façon plus générale de la façon dont les contacts sont actuellement menés avec Israël. «Cette démission est très clairement le résultat de tensions internes au gouvernement», a ainsi affirmé ce responsable qui a souhaité gardé l’anonymat. «Certains au cabinet ne veulent pas le voir assurer les négociations et refusent de participer au comité ministériel ad hoc lorsqu’il s’y trouve», a-t-il même précisé.

Le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, aurait repoussé cette démission et demandé à Saëb Erakat de revenir sur sa décision. Mahmoud Abbas aurait pour sa part réclamé une semaine de réflexion avant de se prononcer. Mais qu’elle soit confirmée ou non, cette démission révèle le profond malaise qui prévaut au sein la direction palestinienne depuis l’entrée en fonction il y a deux semaines à peine du tout nouveau gouvernement. De nombreux responsables politiques, fidèles à Yasser Arafat, vivent très mal la nomination de Mahmoud Abbas au poste de Premier ministre, considérée comme imposée par les Etats-Unis et Israël. Les négociations, plusieurs semaines durant pour la formation d’un gouvernement, ont témoigné d’ailleurs de ces tensions. Dans ce contexte, certains observateurs interprètent la démission du ministre chargé des négociations comme une confirmation de la division du paysage politique palestinien entre une vieille garde, fidèle à Yasser Arafat, et une nouvelle génération plus proche des idées de son Premier ministre.

Même s’il ne fait pas partie de la vieille garde, Saëb Erakat, qui est connu pour sa loyauté envers Yasser Arafat, s’est ainsi forgé de solides inimitiés au sein du cabinet de Mahmoud Abbas. Cela explique sans doute sa mise à l’écart pour la rencontre de samedi à laquelle doivent participer Mohamed Dahlan, le ministre délégué pour les Affaires de sécurité et Ahmed Qoraï, le président du parlement palestinien. Le ministre démissionnaire n’a d’ailleurs pas caché le peu de légitimité qu’il accordait à cette délégation, estimant qu’elle n’était pas représentative des Palestiniens de l’intérieur. Saëb Erakat a en effet toujours considéré le Premier ministre et ses proches comme des «hommes de Tunis», proche de Yasser Arafat depuis l’époque de son exil tunisien. Ils les a accusé à de nombreuses reprises d’avoir détourné l’aide humanitaire pour notamment offrir à leurs proches des villas luxueuses.

Démission à la veille d’une rencontre cruciale

La démission du principal négociateur intervient à la veille de la première rencontre de haut niveau entre Palestiniens et Israéliens depuis le déclenchement en septembre 2000 de l’Intifada. Elle intervient également alors que les négociations autour de la feuille de route proposée par le quartette qui regroupe les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie et les Nations unies, vont enfin se mettre en place. Réagissant à cette démission, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, l’un des parrains du processus de paix au Proche-Orient, a indiqué qu’il ignorait si cette décision allait ou non affecter les négociations en cours. «Je ne sais pas si cela va améliorer ou dégrader les perspectives de succès des discussions entre le Premier ministre Mahmoud Abbas et son homologue Ariel Sharon», a-t-il notamment affirmé.

Mais de l’avis même des Palestiniens, la rencontre de samedi est d’ores et déjà vouée à l’échec, les deux parties campant sur leur positions quant aux sujets qui seront abordés lors de cette réunion. Le chef du gouvernement palestinien a en effet indiqué à de nombreuses reprises que les discussions porteront uniquement sur la feuille de route. Mahmoud Abbas entend convaincre Ariel Sharon d’accepter ce plan de paix qui prévoit la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005. Or côté israélien, on a bien l’intention de n’aborder que les questions de sécurité, l’Etat hébreu exigeant un arrêt total des attaques anti-israéliennes avant tout début de négociations. Ariel Sharon, qui a émis de nombreuses réserves sur la feuille de route estimant notamment que l’arrêt des colonies n’est pas une priorité, doit être reçu la semaine prochaine à la Maison Blanche.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 16/05/2003