Proche-Orient
Un plan de paix à reculons
En visite ce week-end en Israël et dans les Territoires palestiniens, Colin Powell devait lancer la mise en œuvre de la Feuille de route. Mais le refus obstiné d’Ariel Sharon d’accepter le texte en l’état a empêché les deux parties de se rapprocher.
De notre correspondant dans les territoires palestiniens.
Il n’y a pas eu de miracle en Terre sainte. Venu promouvoir un processus de paix bis, Colin Powell est reparti sans même en avoir goûté les prémices. Alors que la Feuille de route, le plan de paix international soutenu par les Etats-Unis, prévoit une série de mesures concrètes, censées aboutir à la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005, les hôtes israéliens et palestiniens du secrétaire d’Etat américain sont restés dans le flou. Fidèle à l’extrême prudence manifestée par la Maison Blanche sur ce dossier, Colin Powell ne s’est pas attardé. Sa tournée express de 24 heures, présentée comme l’amorce du réengagement américain dans la région, laisse un persistant sentiment d’impuissance.
Face à ses appels appuyés à ce que le plan «démarre maintenant», Ariel Sharon et Abou Mazen ont en effet multiplié les réserves, éludant sciemment le point crucial du texte : celui qui demande aux Palestiniens de s’attaquer de front au terrorisme et aux Israéliens de geler la colonisation. Certes ces sujets ont été évoqués lors des discussions entre délégations. Abou Mazen s'est engagé à «éradiquer» la violence des organisations radicales palestiniennes, selon un haut responsable américain. Il «a été beaucoup plus explicite en privé» sur cette question que dans ses commentaires publics, a assuré ce responsable sous couvert de l'anonymat. De même, le secrétaire d'Etat a indiqué qu'il avait abordé avec M. Sharon la «difficile question» de la colonisation. «Ce dont nous avons parlé est le fait que les colonies sont un problème», a dit M. Powell dans une interview à la deuxième chaîne de télévision israélienne.
Mais aucun des deux Premiers ministres n’a fait d’annonces concrètes sur ces sujets épineux. Tout en rappelant son acceptation de la Feuille de route, le Premier ministre palestinien a énuméré une longue liste de demandes, notamment la libération par Israël de milliers de prisonniers palestiniens et la levée de l’interdiction de mouvement imposée sur Yasser Arafat. En réponse, fidèle à son refus de négocier «sous le feu», le chef du gouvernement israélien a fait de l’arrêt intégral des violences le préalable à toute contrepartie. Alors que la Feuille de route est bâtie sur le principe de concessions simultanées, Ariel Sharon veut borner la réponse d’Israël à des gestes humanitaires.
Libération de détenus administratifs
Dans ce cadre, son gouvernement a annoncé hier soir l’extension de la zone de pêche au large de Gaza, la libération de 180 prisonniers et l’octroi de 25 000 nouveaux permis de travail en Israël. Des mesures largement symboliques. En effet, les Palestiniens libérés ne sont pas des combattants. Il s’agit d’ex-détenus administratifs, c’est à dire des personnes souvent appréhendés au cours de rafles, maintenues derrière les barreaux en l’absence de charge et qui de ce fait auraient dû être élargis depuis plusieurs mois. Sur les 5 000 Palestiniens incarcérés par Israël, près d’un millier sont dans cette situation, selon l’organisation de défense des droits de l’homme israélienne, B’Tselem. Par ailleurs, la délivrance de permis de travail n’est rien sans l’ouverture des points de passage entre les Territoires et Israël. Or depuis la mi-mars, ceux ci sont fermés. Après avoir été levé à la veille de l’arrivée de Powell, le bouclage a été réimposé vingt-quatre heures plus tard sur la bande de Gaza.
Le principal blocage réside en fait dans le refus obstiné d’Ariel Sharon d’accepter la Feuille de route en l’état. Lors de la conférence de presse tenue à l’issue de sa rencontre avec Powell, il a soigneusement évité de la mentionner. «Israël voudrait que l’on mette en œuvre nos engagements et que l’on reporte les siens», dit Yasser Abed Rabbo, ministre des Affaires gouvernementales. Et pour cause : la reconnaissance officielle du principe de deux Etats pour deux peuples, la clé de voûte du plan, comme le gel de la colonisation pourraient disloquer la coalition au pouvoir à Jérusalem. «Sur les 23 ministres, 18 appartiennent à des partis dont la plate-forme s’oppose à la création d’un Etat palestinien», dit Michaël Tarazi, un conseiller juridique d’Abou Mazen. Pour sortir de ce piège, Sharon table sur sa visite à la Maison Blanche le 20 mai prochain, durant laquelle il escompte renégocier les termes de la Feuille de route. «Depuis sa finalisation par le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Nations Unies) en décembre dernier, les Israéliens n’ont pas cessé de soulever des objections, confie Michael Tarazi. Leur stratégie est claire : repousser ce plan de paix indéfiniment pour qu’il meure de lui-même». Un danger dont Abou Mazen pourra s’entretenir avec Ariel Sharon en tête-à-tête. La première rencontre officielle entre les deux hommes est prévue d’ici la fin de la semaine.
Il n’y a pas eu de miracle en Terre sainte. Venu promouvoir un processus de paix bis, Colin Powell est reparti sans même en avoir goûté les prémices. Alors que la Feuille de route, le plan de paix international soutenu par les Etats-Unis, prévoit une série de mesures concrètes, censées aboutir à la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005, les hôtes israéliens et palestiniens du secrétaire d’Etat américain sont restés dans le flou. Fidèle à l’extrême prudence manifestée par la Maison Blanche sur ce dossier, Colin Powell ne s’est pas attardé. Sa tournée express de 24 heures, présentée comme l’amorce du réengagement américain dans la région, laisse un persistant sentiment d’impuissance.
Face à ses appels appuyés à ce que le plan «démarre maintenant», Ariel Sharon et Abou Mazen ont en effet multiplié les réserves, éludant sciemment le point crucial du texte : celui qui demande aux Palestiniens de s’attaquer de front au terrorisme et aux Israéliens de geler la colonisation. Certes ces sujets ont été évoqués lors des discussions entre délégations. Abou Mazen s'est engagé à «éradiquer» la violence des organisations radicales palestiniennes, selon un haut responsable américain. Il «a été beaucoup plus explicite en privé» sur cette question que dans ses commentaires publics, a assuré ce responsable sous couvert de l'anonymat. De même, le secrétaire d'Etat a indiqué qu'il avait abordé avec M. Sharon la «difficile question» de la colonisation. «Ce dont nous avons parlé est le fait que les colonies sont un problème», a dit M. Powell dans une interview à la deuxième chaîne de télévision israélienne.
Mais aucun des deux Premiers ministres n’a fait d’annonces concrètes sur ces sujets épineux. Tout en rappelant son acceptation de la Feuille de route, le Premier ministre palestinien a énuméré une longue liste de demandes, notamment la libération par Israël de milliers de prisonniers palestiniens et la levée de l’interdiction de mouvement imposée sur Yasser Arafat. En réponse, fidèle à son refus de négocier «sous le feu», le chef du gouvernement israélien a fait de l’arrêt intégral des violences le préalable à toute contrepartie. Alors que la Feuille de route est bâtie sur le principe de concessions simultanées, Ariel Sharon veut borner la réponse d’Israël à des gestes humanitaires.
Libération de détenus administratifs
Dans ce cadre, son gouvernement a annoncé hier soir l’extension de la zone de pêche au large de Gaza, la libération de 180 prisonniers et l’octroi de 25 000 nouveaux permis de travail en Israël. Des mesures largement symboliques. En effet, les Palestiniens libérés ne sont pas des combattants. Il s’agit d’ex-détenus administratifs, c’est à dire des personnes souvent appréhendés au cours de rafles, maintenues derrière les barreaux en l’absence de charge et qui de ce fait auraient dû être élargis depuis plusieurs mois. Sur les 5 000 Palestiniens incarcérés par Israël, près d’un millier sont dans cette situation, selon l’organisation de défense des droits de l’homme israélienne, B’Tselem. Par ailleurs, la délivrance de permis de travail n’est rien sans l’ouverture des points de passage entre les Territoires et Israël. Or depuis la mi-mars, ceux ci sont fermés. Après avoir été levé à la veille de l’arrivée de Powell, le bouclage a été réimposé vingt-quatre heures plus tard sur la bande de Gaza.
Le principal blocage réside en fait dans le refus obstiné d’Ariel Sharon d’accepter la Feuille de route en l’état. Lors de la conférence de presse tenue à l’issue de sa rencontre avec Powell, il a soigneusement évité de la mentionner. «Israël voudrait que l’on mette en œuvre nos engagements et que l’on reporte les siens», dit Yasser Abed Rabbo, ministre des Affaires gouvernementales. Et pour cause : la reconnaissance officielle du principe de deux Etats pour deux peuples, la clé de voûte du plan, comme le gel de la colonisation pourraient disloquer la coalition au pouvoir à Jérusalem. «Sur les 23 ministres, 18 appartiennent à des partis dont la plate-forme s’oppose à la création d’un Etat palestinien», dit Michaël Tarazi, un conseiller juridique d’Abou Mazen. Pour sortir de ce piège, Sharon table sur sa visite à la Maison Blanche le 20 mai prochain, durant laquelle il escompte renégocier les termes de la Feuille de route. «Depuis sa finalisation par le Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Nations Unies) en décembre dernier, les Israéliens n’ont pas cessé de soulever des objections, confie Michael Tarazi. Leur stratégie est claire : repousser ce plan de paix indéfiniment pour qu’il meure de lui-même». Un danger dont Abou Mazen pourra s’entretenir avec Ariel Sharon en tête-à-tête. La première rencontre officielle entre les deux hommes est prévue d’ici la fin de la semaine.
par Benjamin Barthe
Article publié le 12/05/2003