Proche-Orient
Israël veut expulser à Gaza des familles de kamikazes
Le gouvernement d’Ariel Sharon envisage de déporter les proches des auteurs présumés du double attentat suicide de Tel Aviv et de l’attaque contre un bus de colons. Conditionné au feu vert du Procureur général d’Israël, ce projet suscite la réprobation de la communauté internationale.
Le gouvernement israélien d’Ariel Sharon est dans l’impasse. Ni «Rempart», l’offensive coup de massue menée au mois d’avril en Cisjordanie, ni «Voie ferme», la vague de réoccupation des villes autonomes déclenchée à la mi-juin, n’ont découragé les groupes armés palestiniens. L’embuscade contre un bus de colons qui a fait huit morts mardi et le double attentat suicide, commis le lendemain à Tel Aviv, qui a fait trois morts, signalent de façon cinglante les limites du «tout militaire». L’accalmie enregistrée depuis le meurtre de cinq habitants de la colonie d’Itamar, au sud de Naplouse, le 20 juin dernier, a fait long feu.
Résolu à mater l’Intifada par la force, Israël envisage d’élargir son arsenal répressif à une nouvelle mesure : la déportation des familles des kamikazes et des combattants palestiniens impliqués dans des attaques. Dans la nuit de jeudi à vendredi, 21 personnes proches des auteurs présumés de deux dernières opérations, ont été arrêtées en vue d’une expulsion dans la bande de Gaza. «Des frères et des pères de terroristes», selon la radio publique israélienne. Parmi les captifs, se trouvent le père et les quatre frères de Nasser Assidi, un chef de Naplouse des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du mouvement islamiste Hamas, soupçonné d'avoir organisé l’assaut contre le bus de colons. Dans le camp de réfugiés voisin d’Al-Askar, les soldats israéliens ont aussi interpellé le père et les deux frères d'Ali Adjuri, un leader des Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa, le bras armé du parti Fatah de Yasser Arafat, considéré comme le cerveau du double attentat de Tel-Aviv. Conformément à ses habitudes, l’armée a ensuite détruit les domiciles respectifs des deux activistes, qui ont par ailleurs échappé aux rafles.
Selon Daniel Taub, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, la déportation viserait à couper les candidats à l’attentat suicide d’un «environnement favorable». Qualifiant de «pots de vins meurtriers» le soutien financier que leurs familles peuvent recevoir des groupes islamistes comme le Hamas et le Jihad ou d’un pays comme l’Iraq, Daniel Taub ajoute: «Nous avons vu des mères sur les clips vidéos que les kamikazes réalisent avant d’aller commettre leurs atrocités. Nous avons vu des familles exprimant le souhait que d’autres de leurs enfants suivent cet exemple. Nous devons essayer de briser ce cycle, nous devons essayer une forme de dissuasion».
L’Autorité Palestinienne parle de «crime de guerre»
Le gouvernement israélien hésite pourtant à franchir le pas. Inquiet des retombées médiatiques d’une telle mesure, il conditionne sa mise en œuvre au feu vert de son conseiller juridique, le procureur général Elyakim Rubinstein. Alors que son avis définitif n’est attendu que d’ici quelques jours, celui-ci a déjà fait savoir qu’une «expulsion sélective dans la bande de Gaza» est juridiquement défendable. S’il est contre le bannissement «sans preuve» des familles de kamikazes palestiniens, il estime que leur expulsion est possible s'il existe des «preuves tangibles de leur implication directe dans ces activités terroristes».
L’Autorité Palestinienne a aussitôt vilipendé le projet israélien, le taxant de «crime de guerre» et fustigeant «la faillite sécuritaire et politique» du gouvernement d’Ariel Sharon. L’association israélienne de défense des droits de l'Homme, B'Tselem, a affirmé que de telles expulsions «violeraient le droit international» et constitueraient «une tache morale indélébile sur l’Etat d’Israël». A son tour, la Maison Blanche s’est émue des intentions israéliennes. «Nous pensons que punir des gens innocents ne résoudra pas les problèmes de sécurité d’Israël et nous soulèverons cette question avec les Israéliens», a déclaré le porte-parole du Département d’Etat, Richard Boucher. La Convention de Genève de 1949 interdit «les transferts forcés en masse ou individuels» de civils (article 49) et les «peines collectives de même que toute mesure d'intimidation et de terrorisme» (article 33). De son côté, le Hamas a menacé Israël d’une «réponse forte et sanglante». «Nous enverrons des messages explosifs aux sionistes partout où nous pourrons aller», annonce un communiqué des Brigades Ezzedine al-Qassam, le bras armé du Hamas.
Si ces expulsions se concrétisaient, il s'agirait d’une première depuis le début de la seconde Intifada, en septembre 2000. Mais durant la première Intifada, l’Etat hébreu a déjà eu recours à cette forme de châtiment collectif. Le 17 décembre 1992, à la suite de l’enlèvement et de l’assassinat d’un garde-frontière par le Hamas près de Tel-Aviv, 415 Palestiniens accusés d’être des militants islamistes avaient été expulsés pour deux ans à Marj el-Zouhour, un no man’s land montagneux du sud-Liban. Les images des bannis entassés dans des tentes de fortune et grelottant sous la neige avaient fait le tour du monde. Yitzhak Rabin, alors Premier ministre, avait fait marche arrière dès le mois de février, en acceptant le retour d’une partie des expulsés et en réduisant la période d’exil pour les autres.
Résolu à mater l’Intifada par la force, Israël envisage d’élargir son arsenal répressif à une nouvelle mesure : la déportation des familles des kamikazes et des combattants palestiniens impliqués dans des attaques. Dans la nuit de jeudi à vendredi, 21 personnes proches des auteurs présumés de deux dernières opérations, ont été arrêtées en vue d’une expulsion dans la bande de Gaza. «Des frères et des pères de terroristes», selon la radio publique israélienne. Parmi les captifs, se trouvent le père et les quatre frères de Nasser Assidi, un chef de Naplouse des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche militaire du mouvement islamiste Hamas, soupçonné d'avoir organisé l’assaut contre le bus de colons. Dans le camp de réfugiés voisin d’Al-Askar, les soldats israéliens ont aussi interpellé le père et les deux frères d'Ali Adjuri, un leader des Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa, le bras armé du parti Fatah de Yasser Arafat, considéré comme le cerveau du double attentat de Tel-Aviv. Conformément à ses habitudes, l’armée a ensuite détruit les domiciles respectifs des deux activistes, qui ont par ailleurs échappé aux rafles.
Selon Daniel Taub, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, la déportation viserait à couper les candidats à l’attentat suicide d’un «environnement favorable». Qualifiant de «pots de vins meurtriers» le soutien financier que leurs familles peuvent recevoir des groupes islamistes comme le Hamas et le Jihad ou d’un pays comme l’Iraq, Daniel Taub ajoute: «Nous avons vu des mères sur les clips vidéos que les kamikazes réalisent avant d’aller commettre leurs atrocités. Nous avons vu des familles exprimant le souhait que d’autres de leurs enfants suivent cet exemple. Nous devons essayer de briser ce cycle, nous devons essayer une forme de dissuasion».
L’Autorité Palestinienne parle de «crime de guerre»
Le gouvernement israélien hésite pourtant à franchir le pas. Inquiet des retombées médiatiques d’une telle mesure, il conditionne sa mise en œuvre au feu vert de son conseiller juridique, le procureur général Elyakim Rubinstein. Alors que son avis définitif n’est attendu que d’ici quelques jours, celui-ci a déjà fait savoir qu’une «expulsion sélective dans la bande de Gaza» est juridiquement défendable. S’il est contre le bannissement «sans preuve» des familles de kamikazes palestiniens, il estime que leur expulsion est possible s'il existe des «preuves tangibles de leur implication directe dans ces activités terroristes».
L’Autorité Palestinienne a aussitôt vilipendé le projet israélien, le taxant de «crime de guerre» et fustigeant «la faillite sécuritaire et politique» du gouvernement d’Ariel Sharon. L’association israélienne de défense des droits de l'Homme, B'Tselem, a affirmé que de telles expulsions «violeraient le droit international» et constitueraient «une tache morale indélébile sur l’Etat d’Israël». A son tour, la Maison Blanche s’est émue des intentions israéliennes. «Nous pensons que punir des gens innocents ne résoudra pas les problèmes de sécurité d’Israël et nous soulèverons cette question avec les Israéliens», a déclaré le porte-parole du Département d’Etat, Richard Boucher. La Convention de Genève de 1949 interdit «les transferts forcés en masse ou individuels» de civils (article 49) et les «peines collectives de même que toute mesure d'intimidation et de terrorisme» (article 33). De son côté, le Hamas a menacé Israël d’une «réponse forte et sanglante». «Nous enverrons des messages explosifs aux sionistes partout où nous pourrons aller», annonce un communiqué des Brigades Ezzedine al-Qassam, le bras armé du Hamas.
Si ces expulsions se concrétisaient, il s'agirait d’une première depuis le début de la seconde Intifada, en septembre 2000. Mais durant la première Intifada, l’Etat hébreu a déjà eu recours à cette forme de châtiment collectif. Le 17 décembre 1992, à la suite de l’enlèvement et de l’assassinat d’un garde-frontière par le Hamas près de Tel-Aviv, 415 Palestiniens accusés d’être des militants islamistes avaient été expulsés pour deux ans à Marj el-Zouhour, un no man’s land montagneux du sud-Liban. Les images des bannis entassés dans des tentes de fortune et grelottant sous la neige avaient fait le tour du monde. Yitzhak Rabin, alors Premier ministre, avait fait marche arrière dès le mois de février, en acceptant le retour d’une partie des expulsés et en réduisant la période d’exil pour les autres.
par Benjamin Barthe
Article publié le 20/07/2002