Proche-Orient
Israël va juger Barghouti en public
Le ministère israélien de la Justice a renoncé au procès militaire. Mais le leader palestinien emprisonné entend bien profiter de la tribune qui lui sera offerte contre ses accusateurs.
Marwan Barghouti sera jugé dans les prochaines semaines par un tribunal civil et bénéficiera d'un procès public. Ainsi en a décidé le ministère israélien de la Justice après trois mois de tergiversations sur ce qu'il convenait de faire du dirigeant palestinien le plus important détenu par Israël, accusé d’être le chef d’orchestre des attentats-suicides menés par les «Brigades des martyrs d’Al Aqsa».
Des semaines durant les experts juridiques et les dirigeants israéliens ont pesé le pour et le contre : un procès militaire permettrait de garder la confidentialité sur les sources des accusations portées contre Barghouti, et notamment l’identité des témoins qui le mettent en cause. Il éviterait aussi que le contenu des débats soit rapporté par la presse et que ce procès permette au dirigeant palestinien de bénéficier d’une tribune politique.
Pourtant, le gouvernement israélien a, semble-t-il, finalement conclu que les inconvénients l’emportaient sur les avantages : maintenu au secret depuis sa capture à Ramallah le 15 avril dernier, Marwan Barghouti, dont la détention administrative est renouvelée tous les dix jours depuis, n’a pu que rarement rencontrer son avocat. Ce dernier dénonce les conditions de sa détention, et notamment les privations de sommeil dont il aurait été l’objet. Déjà, de nombreuses organisations internationales et plusieurs gouvernements occidentaux s’inquiétaient, publiquement ou non, des conditions dans lesquelles la justice pourrait trouver son compte avec un procès militaire. Par ailleurs, Israël, qui s’était bruyamment réjoui de son arrestation, entendait faire un exemple de son procès, ce qui paraissait difficile à accomplir avec un procès à huis clos mené par un tribunal militaire.
L’un des successeurs possibles d’Arafat
Dès l’annonce de la décision du gouvernement israélien, le défenseur de Marwan Barghouti, Jawad Boulos, a fait savoir que son client ne coopérerait pas avec la justice israélienne car il considère son arrestation illégale. Barghouti n’est pas un détenu comme un autre : âgé de 42 ans, secrétaire général du Fatah en Cisjordanie et membre du Conseil législatif, il bénéficie d’une très forte popularité dans les territoires palestiniens et n’a jamais été accusé, au contraire d’autres dirigeants de l’Autorité palestinienne, d’être corrompu ou d’avoir perdu le contact avec le peuple. Barghouti, qui appartient à une influente famille cisjordanienne, a souvent été présenté comme l’un des successeurs possibles d’Arafat.
L’un des résultats de sa capture par les soldats israéliens a d’ailleurs été de renforcer encore davantage sa stature dans l’opinion palestinienne. S’il n’entend pas coopérer avec la justice israélienne qui, selon lui, n’a pas compétence pour juger un élu palestinien couvert par l’immunité capturé dans un territoire qui n’est pas sous juridiction israélienne, tout indique en revanche que lui et ses défenseurs entendent mettre à profit le procès pour le retourner contre l’État d’Israël. Un collectif de 25 avocats internationaux a été constitué, parmi lesquels l’ancien avocat de Nelson Mandela Abdullah Omar. Tout un symbole.
Mais si ce procès a lieu, c’est sans doute Barghouti lui-même qui sera son meilleur avocat : ce tribun maîtrise parfaitement l’hébreu, qu’il a appris au cours des six années qu’il a passées dans une prison israélienne, lors de la première intifada, et cette perspective est sans doute ce qui a longtemps retenu Israël d’opter pour un procès public.
Pourtant, il se pourrait bien que l’annonce d’un procès civil masque le fait que le procès ne se tiendra jamais : la radio militaire israélienne a en effet indiqué ce vendredi qu’un accord sur un échange de prisonniers était proche d’être conclu entre Israël et le Hezbollah libanais. Marwan Barghouti devrait en être l’un des bénéficiaires. Si la nouvelle se confirmait, cela éviterait certainement un embarras considérable à l’État d’Israël. Car, au-delà des audiences proprement dites, resterait un dilemme politico-judiciaire : que faire de Barghouti ? Compte tenu des accusations de meurtre et de terrorisme portées contre lui, un tribunal israélien pourrait difficilement le relâcher. Et s’il est condamné à une longue peine de prison, le risque serait élevé d’en faire un enjeu international, le «Mandela palestinien», en quelque sorte.
Des semaines durant les experts juridiques et les dirigeants israéliens ont pesé le pour et le contre : un procès militaire permettrait de garder la confidentialité sur les sources des accusations portées contre Barghouti, et notamment l’identité des témoins qui le mettent en cause. Il éviterait aussi que le contenu des débats soit rapporté par la presse et que ce procès permette au dirigeant palestinien de bénéficier d’une tribune politique.
Pourtant, le gouvernement israélien a, semble-t-il, finalement conclu que les inconvénients l’emportaient sur les avantages : maintenu au secret depuis sa capture à Ramallah le 15 avril dernier, Marwan Barghouti, dont la détention administrative est renouvelée tous les dix jours depuis, n’a pu que rarement rencontrer son avocat. Ce dernier dénonce les conditions de sa détention, et notamment les privations de sommeil dont il aurait été l’objet. Déjà, de nombreuses organisations internationales et plusieurs gouvernements occidentaux s’inquiétaient, publiquement ou non, des conditions dans lesquelles la justice pourrait trouver son compte avec un procès militaire. Par ailleurs, Israël, qui s’était bruyamment réjoui de son arrestation, entendait faire un exemple de son procès, ce qui paraissait difficile à accomplir avec un procès à huis clos mené par un tribunal militaire.
L’un des successeurs possibles d’Arafat
Dès l’annonce de la décision du gouvernement israélien, le défenseur de Marwan Barghouti, Jawad Boulos, a fait savoir que son client ne coopérerait pas avec la justice israélienne car il considère son arrestation illégale. Barghouti n’est pas un détenu comme un autre : âgé de 42 ans, secrétaire général du Fatah en Cisjordanie et membre du Conseil législatif, il bénéficie d’une très forte popularité dans les territoires palestiniens et n’a jamais été accusé, au contraire d’autres dirigeants de l’Autorité palestinienne, d’être corrompu ou d’avoir perdu le contact avec le peuple. Barghouti, qui appartient à une influente famille cisjordanienne, a souvent été présenté comme l’un des successeurs possibles d’Arafat.
L’un des résultats de sa capture par les soldats israéliens a d’ailleurs été de renforcer encore davantage sa stature dans l’opinion palestinienne. S’il n’entend pas coopérer avec la justice israélienne qui, selon lui, n’a pas compétence pour juger un élu palestinien couvert par l’immunité capturé dans un territoire qui n’est pas sous juridiction israélienne, tout indique en revanche que lui et ses défenseurs entendent mettre à profit le procès pour le retourner contre l’État d’Israël. Un collectif de 25 avocats internationaux a été constitué, parmi lesquels l’ancien avocat de Nelson Mandela Abdullah Omar. Tout un symbole.
Mais si ce procès a lieu, c’est sans doute Barghouti lui-même qui sera son meilleur avocat : ce tribun maîtrise parfaitement l’hébreu, qu’il a appris au cours des six années qu’il a passées dans une prison israélienne, lors de la première intifada, et cette perspective est sans doute ce qui a longtemps retenu Israël d’opter pour un procès public.
Pourtant, il se pourrait bien que l’annonce d’un procès civil masque le fait que le procès ne se tiendra jamais : la radio militaire israélienne a en effet indiqué ce vendredi qu’un accord sur un échange de prisonniers était proche d’être conclu entre Israël et le Hezbollah libanais. Marwan Barghouti devrait en être l’un des bénéficiaires. Si la nouvelle se confirmait, cela éviterait certainement un embarras considérable à l’État d’Israël. Car, au-delà des audiences proprement dites, resterait un dilemme politico-judiciaire : que faire de Barghouti ? Compte tenu des accusations de meurtre et de terrorisme portées contre lui, un tribunal israélien pourrait difficilement le relâcher. Et s’il est condamné à une longue peine de prison, le risque serait élevé d’en faire un enjeu international, le «Mandela palestinien», en quelque sorte.
par Olivier Da Lage
Article publié le 12/07/2002