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Proche-Orient

Arafat fait le ménage dans ses services de sécurité

Au terme de deux jours de bras de fer avec Yasser Arafat, les deux principaux responsables des services de sécurité ont remis leur démission au président de l’autorité palestinienne.
Le bras de fer entre Yasser Arafat et Jibril Rajoub n’aura duré que deux jours. Jeudi midi, le patron de la Sécurité préventive palestinienne pour la Cisjordanie, en charge de la lutte anti-terroriste, a accepté son limogeage après avoir tenté en vain de s’y opposer. «Je respecte cette décision et je vais l’appliquer», a-t-il affirmé, en soulignant cependant avoir été démis de ces fonctions «de manière déshonorante».

De notre correspondant dans les territoires palestiniens
Rajoub n’est pas le seul haut responsable des services de sécurité mis à l’écart. Le chef de la police, Ghazi Jabali et le commandant de la Défense civile, Mahmoud Abou Marzouk, ont également été remerciés.

«La population exige davantage d’efficacité dans le maintien de l’ordre et le respect de la loi, explique le nouveau ministre du Travail, Ghassan El Khatib. Ces hommes avaient failli à leur poste respectif. Leur limogeage constitue un pas important dans le sens d’une réforme de l’appareil sécuritaire palestinien». En réaction, Ghazi Jabali a annoncé qu’il entendait se présenter contre Arafat lors du scrutin présidentiel prévu pour janvier prochain. «C’est une blague, affirme El Khatib. Jabali est peut-être l’homme le moins populaire de la bande de Gaza. Il n’a aucune chance. Ce qui compte, c’est qu’il ait accepté son limogeage».

Mardi, le ministre des Travaux publics de l’Autorité, Azzam Al Ahmed, avait indiqué que le colonel Rajoub avait été remplacé à son poste par l’ancien gouverneur de Jénine, Zoheir El Manasreh. Donné pour mort politiquement depuis la fin de l’opération Rempart au cours de laquelle il avait ordonné à 400 de ses hommes retranchées dans son QG de se rendre à l’armée israélienne, Rajoub avait d’abord feint d’ignorer son éviction. Arguant du fait qu’Arafat n’avait donné aucun ordre écrit, il parlait de rumeurs et de tentatives de déstabilisation. Mercredi, ses principaux adjoints étaient venus à son domicile de Ramallah lui apporter leur soutien, jurant qu’ils n’accepteraient pas de servir sous les ordres d’un autre chef. Un nouvel affrontement Arafat-Rajoub se profilait alors.

Renforcement de la mainmise sur l'appareil de sécurité

Il y a cinq ans, le raïs avait déjà tenté de se débarrasser de celui que les médias israéliens présentent rituellement comme «l’homme fort de la Cisjordanie» et un possible successeur d’Arafat. Mais Rajoub avait échappé au couperet. Il y a six mois, une autre dispute avait éclaté entre les deux hommes à propos de la gestion de l’Intifada. Le leader palestinien avait giflé en public le chef de la Sécurité préventive et avait collé son pistolet contre sa tempe avant de hurler : «Il veut prendre ma place !». Ghazi Jabali et Mahmoud Abou Marzouk ne jouissaient pas du tout du même poids politique. A l’inverse de Rajoub, des rumeurs insistantes de corruption courent sur leur compte. A la tête des policiers qui ont plus d’une fois réprimé avec férocité les manifestations de l’opposition, Ghazi Jabali était particulièrement détesté par la population.

Avec ces changements qui interviennent peu après la démission de Mohamed Dahlan, l’homologue de Rajoub pour la bande de Gaza, Yasser Arafat renforce à coup sûr sa mainmise sur les organes de sécurité. Le successeur de Rajoub, El Manasreh, est un fidèle de l’OLP, peu susceptible de lui faire de l’ombre. De même qu’Abderrazak Yahya, le nouveau ministre de l’Intérieur, de qui dépendent désormais sur le papier, les services de sécurité internes. Les autres responsables encore en poste, Tawfik Tirawi, le patron des services secrets et Abou Awad, le chef de la force 17, la garde présidentielle, figurent tous deux sur la liste des personnes recherchées par Israël pour leur participation supposée à l’intifada et ils jouent profil bas.

«Les services de sécurité sont en train d’être remis sous les ordres directs de l’Autorité Palestinienne, assure Ghassan El Khatib. C’est un gage de sérieux et d’efficacité. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour le gouvernement israélien qui n’est intéressé que par l’affaiblissement de l’Autorité».



par Benjamin  Barthe

Article publié le 04/07/2002