Proche-Orient
Bush veut un État palestinien sans Arafat
Le président américain a appelé le peuple palestinien à se choisir de nouveaux leaders, dans un effort pour coexister pacifiquement avec Israël. Dans ce discours annoncé de longue date, George Bush laisse miroiter la création d'un État Palestinien aux frontières non définies d'ici trois ans, au prix de conditions drastiques.
De notre correspondant à New York
Sourcils froncés, regard impénétrable, le président Bush a dévoilé hier sa vision pour la paix au Proche-Orient. Le discours, attendu depuis plus de dix jours, conditionne implicitiment la création d'un État palestinien au remplacement de Yasser Arafat. «La paix exige une direction palestinienne nouvelle et différente, afin que puisse naître un État palestinien. J'appelle le peuple palestinien à élire de nouveaux dirigeants, des dirigeants qui ne soient pas compromis avec le terrorisme», a solennellement déclaré le président depuis la Maison Blanche, encadré de son équipe de politique extérieure, avec le secrétaire d'État Colin Powell, le ministre de la Défense Donald Rumsfeld et la conseillère à la Sécurité nationale Condoleezza Rice. C'est la première fois depuis le début de l'intifada que le gouvernement américain s'en prend si clairement à Yasser Arafat, qui préside aux destinées du peuple palestinien depuis 1968. Contrairement à son prédécesseur, George W. Bush se refusait jusque-là à accueillir Yasser Arafat à la Maison Blanche ou à Camp David. Cette fois, il tente de l'enterrer politiquement, pour le plus grand plaisir du dirigeant Israélien Ariel Sharon qui martelle depuis des mois que son homologue palestinien est «hors jeu».
«Quand le peuple palestinien aura de nouveaux dirigeants, de nouvelles institutions et de nouveaux arrangements en matière de sécurité avec ses voisins, les États-Unis d'Amérique soutiendront la création d'un État palestinien, dont les frontières et certains aspects de la souveraineté seront provisoires, jusqu'à ce qu'ils soient décidés dans le cadre d'un règlement final» a expliqué George W. Bush. Selon sa vision, un tel État serait doté d'une constitution, d'un gouvernement démocratique, d'un système judiciaire juste et d'une économie fleurissante, à condition bien sûr que les changements au sommet se fassent en profondeur. Même s'il est le premier président Américain à aller si loin dans la description d'un État Palestinien, les conditions imposées, dans un délai de trois ans, semblent peu réalistes, tant en ce qui concerne le niveau de démocratie possible dans la région, qu'en ce qui concerne les arrangements de sécurité avec Israël. «L'État palestinien ne sera jamais créé par la terreur» a-t-il prévenu.
Bush s’en prend aux leaders arabes
Une fois encore, le président américain a rappelé sa vision de «deux États vivant côte à côte, dans la paix et dans la sécurité» qui ne seront pas atteintes selon lui «avant que toutes les parties ne combattent le terrorisme». «Il est intenable pour les citoyens israéliens de vivre dans la peur. Il est intenable pour les Palestiniens de vivre dans la misère et l'occupation» a assuré le président américain, qui avait réservé quelques traits pour les Israéliens. «Alors que nous progressons vers la sécurité, les forces israéliennes doivent se retirer complètement sur les positions qu'elles tenaient avant le 28 septembre 2000» a-t-il affirmé, ajoutant qu'il «faut que prennent fin les activités israéliennes de colonies de peuplement dans les territoires occupés». A terme, a-t-il rappelé, Israël devra se retrancher derrière ses frontières antérieures à 1967. Mais jusqu'où George Bush ira-t-il pour forcer Ariel Sharon à fléchir ? Par le passé, le dirigeant israélien a superbement ignoré les requêtes de son allié.
Comme souvent, George W. Bush s'en est pris à mots couverts aux leaders arabes de la région, qu'il accuse d'attiser le feu. «Comme je l'ai dit par le passé, les nations sont avec nous ou contre nous dans la guerre contre le terrorisme. (...) Chaque leader réellement engagé pour la paix fera cesser les incitations à la violence dans les médias officiels et dénoncera publiquement les attentats homicide (homicide bombings)» a-t-il prévenu, désignant clairement le Hamas, le Jihad islamique et le Hezbollah, et ceux qui les soutiennent, les financent et les équipent. En conclusion, il cité la Bible (sic): «Je vous ai mis face à la vie et à la mort. Choisissez donc la vie». Il est désormais probable que le secrétaire d'État Colin Powell parte dans la région, quand la situation le permettra, mais la conférence internationale voulue cet été par Washington semble reportée pour cause de guerre. Au moment où le président Bush s'exprimait, l'armée israélienne s'enfonçait un peu plus en territoire palestinien, assiégeant de nouveau le quartier général de Yasser Arafat. Selon Ariel Sharon, il ne s'agissait que du début d'une «opération massive» qui a déjà provoqué la mort de six Palestiniens dont deux dirigeants du Hamas, liquidés par Tsahal.
L'administration Bush a longtemps hésité à délivrer ce discours-cadre, alors que la poudre parle en Israël et dans les territoires occupés. Les principaux conseillers du président ont également eu toutes les peines du monde à s'accorder sur la marche à suivre. Après avoir reporté quotidiennement le discours la semaine dernière dans l'attente d'une amélioration de la situation, le président a préféré se lancer malgré tout, non seulement pour ne pas laisser les «terroristes» dicter son agenda, mais aussi pour ne pas laisser passer le G8.
Côté palestinien, on s'est contenté d'accueillir favorablement «les idées» proposées par le président américain, tout en rappelant qu'un décret de Yasser Arafat prévoyait une élection présidentielle au début de l'an prochain. Mais le dirigeant palestinien Saëb Erakat a clairement fait comprendre qu'il revenait au peuple palestinien, et à lui seul, de choisir ses dirigeants. Ariel Sharon a pour sa part accueilli avec prudence le discours américain (il considère les territoires acquis après 1967 comme revenant de droit à Israël), mais son ministre de la défense, Ben-Eliezer, a décrit la vision de George Bush comme «historique».
«Le discours et le plan qu'il a proposé donnent l'impression que les Palestiniens sont les seuls responsables de leurs propres souffrances» a déclaré James Zogby, président du Arab-American Institute, selon qui le président américain ne fait que miner les efforts de paix. Pour Judith Kipper, directrice de la section Proche-Orient du Center for Strategic and International Studies, les États-Unis ne s'engagent pas suffisamment: «Il est bien de faire un discours, mais ce n'est pas de mots dont nous avons besoin en ce moment. Nous avons besoin d'une médiation américaine, volontaire et soutenue. Appeler à se débarasser d'Arafat ne va pas aider la cause».
Ecouter aussi:
Robert Malley, ancien conseiller pour le Proche-Orient de Bill Clinton (Invité matin, 25 juin 2002, Diane Galliot, 8'10").
Sourcils froncés, regard impénétrable, le président Bush a dévoilé hier sa vision pour la paix au Proche-Orient. Le discours, attendu depuis plus de dix jours, conditionne implicitiment la création d'un État palestinien au remplacement de Yasser Arafat. «La paix exige une direction palestinienne nouvelle et différente, afin que puisse naître un État palestinien. J'appelle le peuple palestinien à élire de nouveaux dirigeants, des dirigeants qui ne soient pas compromis avec le terrorisme», a solennellement déclaré le président depuis la Maison Blanche, encadré de son équipe de politique extérieure, avec le secrétaire d'État Colin Powell, le ministre de la Défense Donald Rumsfeld et la conseillère à la Sécurité nationale Condoleezza Rice. C'est la première fois depuis le début de l'intifada que le gouvernement américain s'en prend si clairement à Yasser Arafat, qui préside aux destinées du peuple palestinien depuis 1968. Contrairement à son prédécesseur, George W. Bush se refusait jusque-là à accueillir Yasser Arafat à la Maison Blanche ou à Camp David. Cette fois, il tente de l'enterrer politiquement, pour le plus grand plaisir du dirigeant Israélien Ariel Sharon qui martelle depuis des mois que son homologue palestinien est «hors jeu».
«Quand le peuple palestinien aura de nouveaux dirigeants, de nouvelles institutions et de nouveaux arrangements en matière de sécurité avec ses voisins, les États-Unis d'Amérique soutiendront la création d'un État palestinien, dont les frontières et certains aspects de la souveraineté seront provisoires, jusqu'à ce qu'ils soient décidés dans le cadre d'un règlement final» a expliqué George W. Bush. Selon sa vision, un tel État serait doté d'une constitution, d'un gouvernement démocratique, d'un système judiciaire juste et d'une économie fleurissante, à condition bien sûr que les changements au sommet se fassent en profondeur. Même s'il est le premier président Américain à aller si loin dans la description d'un État Palestinien, les conditions imposées, dans un délai de trois ans, semblent peu réalistes, tant en ce qui concerne le niveau de démocratie possible dans la région, qu'en ce qui concerne les arrangements de sécurité avec Israël. «L'État palestinien ne sera jamais créé par la terreur» a-t-il prévenu.
Bush s’en prend aux leaders arabes
Une fois encore, le président américain a rappelé sa vision de «deux États vivant côte à côte, dans la paix et dans la sécurité» qui ne seront pas atteintes selon lui «avant que toutes les parties ne combattent le terrorisme». «Il est intenable pour les citoyens israéliens de vivre dans la peur. Il est intenable pour les Palestiniens de vivre dans la misère et l'occupation» a assuré le président américain, qui avait réservé quelques traits pour les Israéliens. «Alors que nous progressons vers la sécurité, les forces israéliennes doivent se retirer complètement sur les positions qu'elles tenaient avant le 28 septembre 2000» a-t-il affirmé, ajoutant qu'il «faut que prennent fin les activités israéliennes de colonies de peuplement dans les territoires occupés». A terme, a-t-il rappelé, Israël devra se retrancher derrière ses frontières antérieures à 1967. Mais jusqu'où George Bush ira-t-il pour forcer Ariel Sharon à fléchir ? Par le passé, le dirigeant israélien a superbement ignoré les requêtes de son allié.
Comme souvent, George W. Bush s'en est pris à mots couverts aux leaders arabes de la région, qu'il accuse d'attiser le feu. «Comme je l'ai dit par le passé, les nations sont avec nous ou contre nous dans la guerre contre le terrorisme. (...) Chaque leader réellement engagé pour la paix fera cesser les incitations à la violence dans les médias officiels et dénoncera publiquement les attentats homicide (homicide bombings)» a-t-il prévenu, désignant clairement le Hamas, le Jihad islamique et le Hezbollah, et ceux qui les soutiennent, les financent et les équipent. En conclusion, il cité la Bible (sic): «Je vous ai mis face à la vie et à la mort. Choisissez donc la vie». Il est désormais probable que le secrétaire d'État Colin Powell parte dans la région, quand la situation le permettra, mais la conférence internationale voulue cet été par Washington semble reportée pour cause de guerre. Au moment où le président Bush s'exprimait, l'armée israélienne s'enfonçait un peu plus en territoire palestinien, assiégeant de nouveau le quartier général de Yasser Arafat. Selon Ariel Sharon, il ne s'agissait que du début d'une «opération massive» qui a déjà provoqué la mort de six Palestiniens dont deux dirigeants du Hamas, liquidés par Tsahal.
L'administration Bush a longtemps hésité à délivrer ce discours-cadre, alors que la poudre parle en Israël et dans les territoires occupés. Les principaux conseillers du président ont également eu toutes les peines du monde à s'accorder sur la marche à suivre. Après avoir reporté quotidiennement le discours la semaine dernière dans l'attente d'une amélioration de la situation, le président a préféré se lancer malgré tout, non seulement pour ne pas laisser les «terroristes» dicter son agenda, mais aussi pour ne pas laisser passer le G8.
Côté palestinien, on s'est contenté d'accueillir favorablement «les idées» proposées par le président américain, tout en rappelant qu'un décret de Yasser Arafat prévoyait une élection présidentielle au début de l'an prochain. Mais le dirigeant palestinien Saëb Erakat a clairement fait comprendre qu'il revenait au peuple palestinien, et à lui seul, de choisir ses dirigeants. Ariel Sharon a pour sa part accueilli avec prudence le discours américain (il considère les territoires acquis après 1967 comme revenant de droit à Israël), mais son ministre de la défense, Ben-Eliezer, a décrit la vision de George Bush comme «historique».
«Le discours et le plan qu'il a proposé donnent l'impression que les Palestiniens sont les seuls responsables de leurs propres souffrances» a déclaré James Zogby, président du Arab-American Institute, selon qui le président américain ne fait que miner les efforts de paix. Pour Judith Kipper, directrice de la section Proche-Orient du Center for Strategic and International Studies, les États-Unis ne s'engagent pas suffisamment: «Il est bien de faire un discours, mais ce n'est pas de mots dont nous avons besoin en ce moment. Nous avons besoin d'une médiation américaine, volontaire et soutenue. Appeler à se débarasser d'Arafat ne va pas aider la cause».
Ecouter aussi:
Robert Malley, ancien conseiller pour le Proche-Orient de Bill Clinton (Invité matin, 25 juin 2002, Diane Galliot, 8'10").
par Philippe Bolopion
Article publié le 25/06/2002