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Proche-Orient

Les Arabes entre prudence et irritation

Le discours de George Bush sur sa vision du conflit israélo-palestinienne a suscite beaucoup de perplexité dans le monde arabe, qui oscille entre prudence et irritation.
De notre correspondant à Amman

Dans le camp palestinien, la déception est grande, même si certains analystes politiques comme Daoud Barakat, relève plusieurs points positifs, comme le soutien américain à deux États vivant côte à côte, le rappel des résolutions 242 et 338 des Nations Unies, et l’appel a mettre fin à l’occupation. Pour Ghassan Al-Khatib, politologue et ministre palestinien du Travail, «le discours du Bush contient de bonnes idées, mais il lui manque un mécanisme d’application». C´est pourquoi, beaucoup estiment que le «plan Bush» ne permettra pas de casser le cycle de la violence et de reconstruire un processus de paix aujourd´hui moribond. «Bush propose de créer un État palestinien vassal d´Israël, explique Daoud Talhami, rédacteur en chef d´Al-Massar, la revue du FDLP à Ramallah. Son discours est trop déséquilibré en faveur d´Israël pour qu’il puisse ramener le calme à court terme

Pour les Palestiniens, Georges Bush a donné un feu vert explicite à Ariel Sharon pour poursuivre sa politique de répression et d’occupation dans les Territoires palestiniens. «Ce discours va jeter de l’huile sur le feu», estime de son côte, Mamdouh Nofal, l’un des conseillers du président Yasser Arafat, toujours assiégé dans son quartier général de la Mouqata à Ramallah.

Sur la chaîne de télévision qatatiote, Al Jazira, le Hamas par la voix de Mahmoud Zahar a qualifié la vision du chef de la Maison-Blanche de «discours en hébreu traduit en anglais.» Pour lui et pour son organisation, cette initiative ne change rien sur le fond : les opérations anti-israéliennes vont se poursuivre, y compris les attentats-suicides. Mais surtout, les Palestiniens ont été particulièrement choqués par l’appel de Georges Bush à un changement du leadership palestinien, et donc du remplacement de Yasser Arafat. «C´est une ingérence flagrantes dans nos affaires intérieures», proteste Mahmoud Labadi, directeur général du Conseil législatif palestinien. «L’avenir de Yasser Arafat est dans les urnes», estiment les analystes locaux.

Des sons de cloche divers

Sur le plan arabe, Georges Bush a provoqué des réactions diverses et contradictoires. La Jordanie, l’un des alliés privilégiés de Washington dans la région, a salué la vision du président américain. «C´est le début de la fin du conflit israélo-arabe», affirme un communiqué officiel, ajoutant que «la Jordanie se tenait prête à travailler aux côtes des États-Unis dans le cadre la période de trois ans visant à l´établissement d’un État palestinien.» Reste que d’autres pays arabes, comme l’Égypte, sont moins catégorique que le royaume hachémite. Le Caire s’est dit lui aussi disposé à aider à la réforme des institutions palestiniennes, mais a tenu à préciser le président Hosni Moubarak, «mais nous avons besoin de connaître les intentions américaines» sur ce point et «comment nous pouvons y contribuer».

Hosni Moubarak a précisé qu'il attendait à l'occasion d'une prochaine visite du secrétaire d'État américain Colin Powell que ce dernier clarifie le discours de M. Bush et la façon dont le plan américain peut être mis en pratique. «Si l'Autorité palestinienne a dit soutenir et approuver ce discours, alors nous le soutenons aussi parce qu'il est équilibré. Nous ne pouvons pas être plus royalistes que le roi».

Au demeurant, le silence de la Syrie en dit long sur l’irritation de Damas. Aucune réaction officielle pour commenter la vision du président américain. Dans son discours, George Bush a directement mis en cause la Syrie, comme pays abritant des organisations terroristes. «La Syrie doit choisir le bon camp dans la lutte contre le terrorisme», a lancé le président américain. Mais la Syrie considère que la résistance à l´occupation est légitime alors que le terrorisme aveugle est condamnable.

Le président Bush n´a apparemment pas suivi Damas sur ce terrain, invitant les autorités syriennes à cesser d’abriter les organisations palestiniennes radicales sur son territoire et de soutenir le Hezbollah libanais.



par Christian  Chesnot

Article publié le 26/06/2002