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Proche-Orient

Israël s’en prend à la «relève» palestinienne

Le porte-parole de la Maison Blanche a vivement critiqué la fermeture par Israël du bureau du président de l’université Al Qods à Jérusalem-Est.
Il n'est pas si fréquent, ces derniers temps, que la Maison Blanche émette publiquement des critiques à l'encontre du gouvernement israélien. Voici quelques jours à peine, George Bush avait même manifesté de la compréhension pour la poursuite de l'occupation des territoires palestiniens tant que la situation en matière de sécurité ne serait pas améliorée.

Pourtant, c'est un cinglant rappel à l'ordre que vient d'effectuer le porte-parole de la présidence, Ari Fleischer à l'adresse d'Ariel Sharon. Mardi, sur ordre du ministre de la Sécurité Ouzi Landau, qui appartient à la tendance dure du Likoud, la police avait fermé les bureaux de Sari Nousseibeh, une personnalité palestinienne modérée, à l'université d'Al Qods, située à Jérusalem-Est. La police ne s'était pas contentée de fermer les locaux, elle avait également emporté des documents et les ordinateurs qui se trouvaient sur place.

Ouzi Landau reprochait au professeur Nousseibeh, qui est aussi en charge du dossier de Jérusalem pour l'OLP depuis la mort de Fayçal Husseini, d'exercer des activités politiques pour le compte de l'Autorité palestinienne «en violation des accords d'Oslo», comparant l’opération de mardi à la fermeture de la maison d’Orient l’an passé. Sari Nousseibeh, le président de l'université Al Qods, conteste cette accusation et a annoncé son intention de faire appel de la décision du ministre de la Sécurité devant la justice israélienne.

Cette simple annonce caractérise la personnalité de Nusseibeh : fréquemment, lorsqu’ils contestent une mesure prise par le gouvernement israélien à Jérusalem-Est, les Palestiniens renoncent à s’adresser à la justice israélienne, non seulement parce que celle-ci leur donne généralement tort, mais surtout parce que cela équivaut à reconnaître de facto la souveraineté de l’État juif sur la partie orientale de la Ville Sainte, conquise et annexée en 1967. Or, Sari Nusseibeh est précisément la personne à qui Arafat a confié la défense des droits palestiniens sur Jérusalem-Est. Plus que tout autre, il aurait des raisons de ne pas s’adresser aux tribunaux israéliens.

Un bras cassé par des étudiants palestiniens

Mais Sari Nusseibeh n’est pas un dirigeant palestinien comme les autres. Issu de l’une des plus grandes familles arabes de Jérusalem, son père a été ministre du roi Hussein avant 1967. Il s’était fait remarquer, dès la première intifada en entamant un dialogue en 1988 avec un dirigeant modéré du Likoud Moshe Amirav. Ce qui avait valu à cet enseignant de l’université de Bir Zeit d’être tabassé par certains de ses étudiants qui voyaient en lui un traître. Il en était resté avec un bras cassé et seule, la protection appuyée de Yasser Arafat, depuis son exil tunisien, lui avait assuré la sécurité par la suite.

Plus récemment, Nousseibeh s’est singularisé dans les tout derniers mois, en se prononçant pour l’abandon de la revendication du droit au retour des réfugiés palestiniens, pour la démilitarisation du futur État palestinien. Des déclarations qui, en leur temps, lui avaient valu des compliments de certains dirigeants israéliens... et des États-Unis.

Au moment où l’administration américaine cherche ouvertement à faire émerger des dirigeants palestiniens modérés pour prendre le relais de l’Autorité palestinienne de Yasser Arafat, l’action de la police israélienne ne pouvait plus mal tomber pour la Maison Blanche. Certes, ni George Bush, ni sa conseillère pour la Sécurité Condoleeza Rice, ni le secrétaire d’État Powell n’ont cité de nom, mais il est clair pour tous que Sari Nusseibeh, comme Hanane Ashraoui, font partie de ces personnalités palestiniennes qu’ils souhaitent voir jouer un rôle de premier plan dans les années à venir.

En s’en prenant à Sari Nousseibeh, le gouvernement Sharon semble donner raison à ceux qui estiment, y compris au sein de l’administration américaine, que le Premier ministre israélien ne souhaite pas vraiment avoir en face de lui des interlocuteurs nouveaux avec lesquels il serait obligé d’entreprendre de véritables négociations pour mettre fin au conflit israélo-palestinien.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 11/07/2002