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Proche-Orient

Le sort d’Arafat divise le «quartette»

Contrairement au Président Bush, l'Union Européenne, la Russie et l'ONU refusent de marginaliser Yasser Arafat qu'ils considèrent toujours comme un partenaire de paix légitime. Les membres du «quartette» ont réaffirmé l'objectif commun de deux Etats israélien et palestinien cohabitant dans la paix, mais seuls les Etats-Unis font de l'arrêt des violences une condition préalable à la reprise du processus politique.
De notre correspondant à New York

Rien n'y a fait. Le secrétaire d'Etat américain Colin Powell n'a pas pu convaincre ses partenaires de l'ONU, de la Russie et de l'Union européenne, réunis en «quartette», de se débarasser du président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat. Le président Bush exige pourtant depuis le 24 mai dernier le départ de Yasser Arafat, condition préalable à la reconnaissance par les Etats-Unis d'un Etat palestinien «provisoire». Les diplomates américains, ces derniers jours, ont même brandi un certain nombre de scénarios qui ont en commun de faire de Yasser Arafat le président fantoche d'une autorité palestinienne qui serait réellement aux mains d'un nouveau premier ministre, choisis par les soins de Washington.

Malgré les manoeuvres et les pressions, les trois autres membres du «quartette» ont tenu bon. «L'ONU continue de reconnaître le président Arafat et nous continuerons à travailler avec lui jusqu'à ce que les Palestiniens en décident autrement» a affirmé sans équivoque le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. A ses côtés, le ministre russe des affaires étrangères, Igor Ivanov, et son homologue danois, Per Stig Moeller, au nom de l'Union européenne ont également tenu bon, affirmant tous deux qu'il «ne revient qu'au peuple palestinien de décider qui il veut comme dirigeant». Du coup, Colin Powell a dû battre en retraite, se contentant d'affirmer: «Nous avons employé la plupart de notre temps à parler de choses concrètes et réelles, nous n'avons pas beaucoup parlé des personnalités».

Sharon demande une aide humanitaire pour les Palestiniens

La Russie, l'Europe et l'ONU ont également tenu tête aux Etats-Unis sur la marche à suivre par ramener l'ordre au Proche-Orient. «Tout commence par la création d'un meilleur sentiment de sécurité» a affirmé Colin Powell, fidèle à la doctrine américano-israélienne selon laquelle l'arrêt des violences est un préalable à la reprise des négociations de paix. Poliment mais fermement, Kofi Annan a immédiatement repris le secrétaire d'Etat américain en affirmant que «à moins d'obtenir des progrès dans les autres domaines (règlement politique et aide humanitaire) cela ne marcherait pas». Dans une déclaration commune, les quatre dirigeants ont toutefois trouvé un terrain d'entente en réaffirmant «la vision de deux Etats, Israël et une Palestine indépendante, viable, et démocratique, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité». Ils se sont également entendus pour reconnaître les besoins de réforme de l'autorité palestinienne passant par des élections «libres ouvertes et démocratiques» au sein de l'autorité palestinienne.

La seule surprise est finalement venue du dirigeant israélien Ariel Sharon qui a appelé Kofi Annan pour réclamer «une opération humanitaire mondiale pour soulager le sort des Palestiniens». L'initiative était d'autant plus surprenante que depuis plusieurs mois, Israël impose des restrictions à la distribution de denrées humanitaires. Non sans ironie, le secrétaire général de l'ONU a souligné qu'un «plein accès humanitaire serait le moyen le plus rapide pour commencer à améliorer le sort des Palestiniens». Reconnaissant aussi que les Palestiniens avaient grand besoin d'une aide humanitaire d'urgence, les Etats-Unis ont toutefois critiqué la façon dont les Européens distribuent leur aide au travers de l'Autorité palestinienne. Washington donne à l'ONU ou à des organisations humanitaires pour soigneusement éviter la structure palestinienne, qu'ils accusent de détourner l'argent. En répondant aux questions de la presse, Javier Solana s'est toutefois défendu en assurant que les fonds accordés aux Palestiniens étaient les plus contrôlés au monde.

A défaut d'un véritable plan pour relancer le processus de paix, le «quartette» s'est éparpillé en soutenant des initiatives variées telles que le programme de réforme en 100 jours annoncé par l'autorité palestinienne ou la «task force» incluant la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), le Japon et la Norvège. Les grandes puissances se sont également référé à un «plan d'action» des plus vagues, établissant des jalons vers l'établissement d'un Etat Palestinien. Colin Powell a pour sa part annoncé que les Etats-Unis étaient sur le point de présenter de nouvelles idées en matière de restructuration des forces de sécurité palestiniennes. Une délégation américaine pourrait même se rendre dans la région d'ici deux semaines pour commencer à travailler, sans doute avec l'aide de pays arabes.

En restant tout aussi imprécis, les ministres jordanien et égyptien des affaires étrangères, Marouan Al-Mouacher et Ahmad Maher, qui se sont joints au «quartette», ont promis de tout faire pour participer aux efforts de paix. Ils rencontreront George Bush jeudi à Washington, en présence du chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud Al-Fayça. De son côté, le représentant de la Palestine à l'ONU, Nasser Al-Kidwa estime que «en l'absence de calendrier ou de plan d'action concret, on peut avoir des doutes quant à l'utilité de cette rencontre».



par Philippe  Bolopion

Article publié le 17/07/2002