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Proche-Orient

Palestiniens : la tentation de la clandestinité

Après la révolte populaire puis la militarisation de l'Intifada, de plus en plus de Palestiniens préconisent un passage à la lutte armée souterraine. Un changement radical qui priverait Yasser Arafat de contrôle sur la base.
De notre correspondant dans les Territoires Palestiniens

Jusqu'à maintenant, seules les branches militaires du Hamas et du Jihad islamique ainsi que quelques groupuscules dissidents du Fatah agissent dans l'ombre. Les liquidations d'activistes pratiquées par l'Etat hébreu encouragent le saut dans la clandestinité des militants intégristes recherchés, mais aussi des plus durs du Fatah, que la sécurité d'Arafat a déjà du mal à contrôler dans certains endroits ou ne contrôlent plus dans d'autres.

Depuis que le convoi de Marwan Barghouti, chef du Fatah en Cisjordanie, a été la cible d'une attaque israélienne, la plupart des chefs de cellules des Tanzim, le bras armé du Fatah, serait désormais cachée. La multiplication des assassinats ciblés radicalise la population qui reproche aux forces de sécurité de ne pas pouvoir protéger ses leaders ou ceux qui «résistent» pour mettre fin à l'occupation. Les signes de grogne tendent à se multiplier. Vendredi, un tract des Brigades al-Aqsa, un groupe armé proche du Fatah, appelait à «donner une leçon de nationalisme» à Yasser Abed Rabbo, le ministre de l'information qui avait réprimandé un leader local, après l'attaque israélienne sur la direction du Hamas à Naplouse (huit tués).

Un virage islamiste qui inquiète les dirigeants palestiniens

Un débat agite actuellement les cercles officiels et ceux de la société civile. Des rencontres ont eu lieu au sein de l'autorité d'une part, et entre l'autorité et les factions politiques et les activistes de l'autre, pour discuter du passage à la lutte clandestine, révèle Ghassan al-Khatib, un analyste. «Il y a deux écoles de pensée, explique Madi Abdel Hadi, politologue. L'establishment lié à l'Autorité croit encore possible de construire des ponts avec le camp de la paix en Israël ou d'utiliser le soutien européen, mais il est minoritaire. Pour les autres, il est clair que Sharon n'offrira jamais un Etat, ni même une autonomie. Son but est d'éliminer les figures de la résistance pour garder le contrôle sur les Palestiniens. Puisque nous ne pouvons faire face à la supériorité militaire israélienne, nous devons trouver les moyens de nous réorganiser.»Jusqu'à maintenant, aucun «service» en bloc n'a rallié «la résistance», mais à l'intérieur, la pression monte. Plusieurs groupes armés, dont des factions du Fatah, ont demandé à tous les membres des forces de sécurité de rejoindre la guérilla.

Plusieurs «recherchés» sont maintenant «abrités» dans la police. L'appel du maquis peut attirer certains membres de la Force 17, la garde rapprochée de Yasser Arafat, dont les bâtiments sont régulièrement attaqués par les hélicoptères israéliens. Dans le sud de la bande de Gaza, la guérilla souterraine est déjà amorcée. A Rafah et Khan Younès, l'union des forces nationalistes et islamistes a engendré une extrémisation, voire un virage islamiste, des combattants, qui inquiète la direction palestinienne.

Pour M. Abdel Hadi, la lutte clandestine permettrait de faire naitre une nouvelle génération de responsables, créerait un nouveau consensus au sein de la société, et ferait entrer les femmes dans le combat. «C'est un cauchemar pour Arafat qui avait tout misé sur la négociation avec Israël, ajoute M. Abdel Hadi, cela revient en effet à un mini-coup d'état au sein de l'autorité». «La balle est dans le camp de Sharon», ajoute M. al-Khatib. Le moment de vérité pourrait sonner après un attentat anti-israélien sanglant qui entraînerait une riposte massive contre l'autorité ou la population.



par Georges  Malbrunot

Article publié le 08/08/2001