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Proche-Orient

Le Likoud empêtré dans les affaires de corruption

Le parti du Premier ministre israélien Ariel Sharon doit faire face à une vague de scandales de corruption qui pourraient influer sur les résultats des élections législatives anticipées du 28 janvier prochain.
Le chef de l’opposition israélienne, Amram Mitzna, ne mâche pas ses mots pour décrire le fonctionnement du parti au pouvoir, le Likoud. «Nous aurons bientôt une Knesset, et peut-être même un gouvernement, contrôlé par le crime organisé», a déclaré le chef de file du Parti travailliste lundi lors d’une rencontre avec des étudiants israéliens. «Le risque de voir un parti au pouvoir marqué par la corruption devrait nous inquiéter tous».

Les appréhensions d’Amram Mitzna illustrent la grave crise que vit le parti du Likoud depuis quelques semaines. Donné largement gagnant des élections législatives anticipées du 28 janvier prochain, il ne semblait devoir se soucier que du nombre exact de sièges qu’il allait obtenir à la Knesset, une chambre de 120 députés. Après sa réélection à la tête du Likoud, le Premier ministre Ariel Sharon déclarait voilà au mois au quotidien Yedioth Ahronot qu’il se fixait un seuil minimum de quarante sièges, rappelant qu’en dessous de ce chiffre, son parti devrait rechercher un accord avec les partis d’extrême droite pour obtenir la majorité.

Les calculs du Likoud sont désormais bien différents, les derniers sondages publiés dans les médias israéliens ne lui donnant plus que 35 sièges. Cette baisse des intentions de vote semble découler directement de la multiplication de scandales dans lesquels le Likoud se retrouve impliqué. Le principal concerne la façon dont se sont déroulées les élections primaires internes du Likoud pour désigner les candidats aux prochaines législatives. Plusieurs membres du comité central sont accusés d’avoir touché de fortes sommes d’argent pour voter en faveur de candidats déterminés. Une grave affaire de pots-de-vins qui a amené le procureur de l’Etat d’Israël, Elyakim Rubinstein, à ouvrir une enquête le 15 décembre.

Il a, depuis, recueilli les témoignages de plusieurs candidats à l’investiture parlementaire qui ont publiquement dénoncé l’existence de la corruption. Après sa défaite, l’un d’entre eux, Haïm Cohen, a ainsi déclaré aux policiers qu’un membre du comité central du parti lui avait réclamé 70 000 dollars en échange d’une place sur la liste du Likoud. Certains membres du comité central auraient également perçu des avantages en nature. La députée Naomi Blumenthal, en neuvième position sur la liste du Likoud pour les prochaines élections, devra ainsi répondre prochainement aux questions des policiers qui enquêtent sur le règlement de factures élevées d’un hôtel dans lequel les membres du comité central ont passé plusieurs nuits.

Le fils d’Ariel Sharon directement mis en cause

Le travail d’enquête de la police, qui a déjà arrêté plusieurs militants du Likoud pour les interroger, représente un motif d’inquiétude grandissant pour le chef de file de cette formation politique. Réagissant avec virulence, Ariel Sharon s’est prononcé voilà quelques jours en faveur de l’exclusion pure et simple de tous ceux qui auraient baigné dans ce scandale de corruption et il s’est engagé à réformer le système d’investiture des candidats aux élections législatives. Des propos qu’il n’a cependant pas répété mercredi lors de l’ouverture de la campane électorale de son parti.

L’embarras d’Ariel Sharon est d’autant plus grand que la police israélienne s’intéresse à son propre fils, Omri Sharon, 27 ème sur la liste de la Knesset. Lui aussi va être interrogé au sujet de cette affaire de pots-de-vins, ainsi que sur les relations qu’il entretient avec un homme d’affaires à la réputation douteuse, Shlomi Oz, qui a notamment purgé 32 mois de détention pour extorsion de fonds. Interrogé à ce sujet, Ariel Sharon a vivement pris la défense de son fils en déclarant qu’il n’avait rien à voir «avec les éléments criminels qui ont réussi à entrer dans le comité central». Il répondait alors notamment aux accusations portées par le quotidien Haaretz selon lesquelles Omri Sharon aurait personnellement remis des formulaires d’adhésion du Likoud à plusieurs personnes soupçonnées de se livrer au trafic de drogue.

Ariel Sharon a réussi jusqu’à présent à reléguer ces tracas de politique intérieure au second plan, les risques d’un éventuel conflit en Irak semblant accaparer toute l’attention de l’opinion publique. Selon un sondage publié ce vendredi par le quotidien Yediot Ahronot, près de deux Israéliens sur trois sont en faveur d’une attaque américaine contre l’Irak. Et la population suit du coup avec beaucoup d’attention le plan de défense mis en œuvre par le gouvernement d’Ariel Sharon visant à prévenir toute éventuelle agression de l’Irak contre Israël en riposte à l’attaque américaine. Des préparatifs extrêmement médiatisés qui, selon l’opposition, seraient surtout destinés à faire oublier les affaires de corruption.

Une telle manœuvre de diversion serait peu efficace à moyen terme si le scandale qui secoue le comité interne du Likoud continuait d’enfler. D’autant que ce parti doit également faire face à d’autres accusations dans le même temps. Le quotidien Maariv a ainsi révélé jeudi que le gouvernement israélien avait engagé des tractations politiques avec l’Eglise orthodoxe grecque dans le but de réaliser des transactions immobilières avec elle. Une nouvelle affaire qui ne peut que contribuer à ternir un peu plus l’image du Likoud à cinq semaines des élections législatives.



par Olivier  Bras

Article publié le 27/12/2002