Proche-Orient
Le contentieux s'alourdit entre Israël et l'ONU
Deux salariés des Nations Unies ont été tués dans le raid de l'armée israélienne hier matin sur Gaza. Un drame qui s'ajoute à la mort d'un autre employé de l'ONU à Jénine fin novembre et à la destruction dimanche dernier d'un dépôt de nourriture. Dans une lettre ouverte, des membres des agences onusiennes dénoncent «un harcèlement et une violence croissants de la part des miliaires israéliens».
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Les relations de l'Etat hébreu avec les Nations unies n'ont jamais été faciles. Depuis quelques semaines, elles n'ont peut être jamais été aussi houleuses. En l'espace de quinze jours, l'armée israélienne a tué trois membres de l'organisation internationale et détruit un de ses dépôts alimentaires dans les territoires occupés. A la mort de Iain John Hook le 22 novembre dernier à Jénine, s'est ajouté hier matin, le décès de deux autres employés de l'UNRWA (United Nations Relief and Work Agency), l'agence de l'ONU en charge des réfugiés, tués au cours d'un raid de Tsahal dans un camp de la bande de Gaza qui a fait en tout dix morts et dix-neuf blessés. «En un an, le tribut payé par l'UNRWA s'élève à cinq morts. Ces pertes de civils, de travailleurs humanitaires, sont complètement inacceptables. Je condamne le recours à la force armée brute dans des zones aussi densément peuplé». a déclaré Peter Hansen, le délégué général de l'Agence.
Les deux victimes, des Palestiniens, vivaient dans le camp d'Al Bureij, où s'entassent 30 000 réfugiés, au milieu de la bande de Gaza. Ossama Tahrawi, âgé de 31 ans, travaillait comme gardien dans une école gérée par l'UNRWA et Ahlam Kandil, âgée de 32 ans, comme institutrice. Vers deux heures du matin, une vingtaine de chars israéliens appuyés par des hélicoptères, ont attaqué El Bureij. Les soldats avaient pour mission de détruire une cellule de combattants palestiniens, responsable de la destruction de trois tanks Merkava ces derniers mois. Des affrontements ont aussitôt éclaté avec les militants armés embusqués dans le camp. Ossama Tahrawi est mort dans l'explosion d'un missile dans la cour de son domicile. Un nombre indéterminé de ses proches (deux ou trois selon les rapports) ont péri avec lui. Ahlam Kandil, a, quant à elle, été blessée par balle dans son appartement avant de décéder à l'hôpital
Pour l'UNRWA, ces pertes qui surviennent en plein milieu de l'Aid El Fitr, la fête de la fin du ramadan, ravivent la douleur et la colère causées par la mort de Iain John Hook, abattu fin novembre par un sniper israélien à Jénine. Ce quinquagénaire anglais qui pilotait la reconstruction du camp, téléphonait devant les baraquements de l'agence, lorsqu'il a été touché. Des échanges de tirs venaient d'opposer l'armée à des shebabs (jeunes palestiniens) et Hook négociait alors avec un officier israélien, l'évacuation de son équipe. Depuis ce jour, l'armée a reconnu la bavure. Le tireur, dit-elle, aurait confondu le téléphone avec un pistolet. L'Etat major soutient en revanche que des Palestiniens avaient ouvert le feu depuis les locaux de l'UNRWA, ce que l'organisme dément formellement. Une dizaine de minutes avant sa mort, Hook avait certes précisé par téléphone à son officier de liaison que des jeunes palestiniens avaient pratiqué un trou dans le mur de son bureau et qu'ils s'efforçaient d'y pénétrer mais selon l'UNRWA, ils n'y sont jamais parvenus.
Cinq cent tonnes de denrées alimentaires détruites par l'armée
Une semaine plus tard, le contentieux ONU-Israël s'est encore alourdi. Au cours d'une incursion menée le 1er décembre, dans le nord de la bande de Gaza, l'armée a fait exploser un dépôt de nourriture du Programme alimentaire mondial (PAM), une autre agence des Nations unies. Cinq-cent-trente tonnes de denrées de première nécessité, de la farine, du riz et de l'huile, ont été réduits en miettes. Ce stock d'une valeur de 270 000 dollars devait être distribué à 40 000 Palestiniens. En raison de la lourdeur des procédures de contrôle israélien, il avait mis deux mois selon le PAM à franchir les cinquante kilomètres qui séparent le port d'Ashdod, en Israël, lieu de son débarquement, à la bande de Gaza. Là encore, la version de l'armée et des Nations unies ne concorde pas. Le porte-parole de Tsahal reconnaît l'erreur mais prétend que l'armée n'avait pas été prévenue de l'existence d'un dépôt alimentaire dans le bâtiment où elle menait une fouille. Une déclaration contredite par le PAM, qui affirme que le lieu était clairement identifié, drapeau à l'appui, comme un entrepôt des Nations unies. A aucun moment, déplore l'agence humanitaire, l'armée israélienne n'a cherché à la contacter.
Cette série de bavures se greffe sur un flot continuel de tracasseries et de vexations: fouille, attente aux check points, refoulement des convois parfois. Pour dénoncer ce qu'ils appellent un «harcèlement et une violence croissant de la part des militaires israéliens», 64 employés des agences onusiennes travaillant dans les territoires occupés, tous expatriés, ont signé à titre personnel une pétition de protestation. «La protection que les deux lettres bleues «U N» (pour «United Nations», Nations unies, ndlr) sont censées nous apporter est constamment érodée. Plutôt que de formuler des regrets faciles, nous attendons du gouvernement israélien qu'il prenne des mesures pour mettre un terme au harcèlement, au passage à tabac et au meurtre du personnel de l'ONU» écrivent-ils. Et la pétition conclut sur un ton acerbe: «Seules les pires sociétés permettent à des bandits en uniforme de tuer (des travailleurs humanitaires) sans crainte d'une sanction».
Ce texte a été accueilli avec indifférence par l'armée israélienne. «Nous rejetons l'idée que des soldats puissent harceler intentionnellement des employés de l'ONU. Nous respectons le travail des Nations unies et cela comprend notre engagement à assurer leur sécurité». Mais davantage que l'armée, la pétition visait la direction de l'ONU. Un signataire explique: «L'ensemble des agences a le sentiment que le siège est beaucoup trop prudent avec Israël. Depuis des mois, les violations du droit humanitaire sont graves et répétées. Avec trois employés morts en deux semaines, peut être qu'ils vont enfin comprendre».
Les relations de l'Etat hébreu avec les Nations unies n'ont jamais été faciles. Depuis quelques semaines, elles n'ont peut être jamais été aussi houleuses. En l'espace de quinze jours, l'armée israélienne a tué trois membres de l'organisation internationale et détruit un de ses dépôts alimentaires dans les territoires occupés. A la mort de Iain John Hook le 22 novembre dernier à Jénine, s'est ajouté hier matin, le décès de deux autres employés de l'UNRWA (United Nations Relief and Work Agency), l'agence de l'ONU en charge des réfugiés, tués au cours d'un raid de Tsahal dans un camp de la bande de Gaza qui a fait en tout dix morts et dix-neuf blessés. «En un an, le tribut payé par l'UNRWA s'élève à cinq morts. Ces pertes de civils, de travailleurs humanitaires, sont complètement inacceptables. Je condamne le recours à la force armée brute dans des zones aussi densément peuplé». a déclaré Peter Hansen, le délégué général de l'Agence.
Les deux victimes, des Palestiniens, vivaient dans le camp d'Al Bureij, où s'entassent 30 000 réfugiés, au milieu de la bande de Gaza. Ossama Tahrawi, âgé de 31 ans, travaillait comme gardien dans une école gérée par l'UNRWA et Ahlam Kandil, âgée de 32 ans, comme institutrice. Vers deux heures du matin, une vingtaine de chars israéliens appuyés par des hélicoptères, ont attaqué El Bureij. Les soldats avaient pour mission de détruire une cellule de combattants palestiniens, responsable de la destruction de trois tanks Merkava ces derniers mois. Des affrontements ont aussitôt éclaté avec les militants armés embusqués dans le camp. Ossama Tahrawi est mort dans l'explosion d'un missile dans la cour de son domicile. Un nombre indéterminé de ses proches (deux ou trois selon les rapports) ont péri avec lui. Ahlam Kandil, a, quant à elle, été blessée par balle dans son appartement avant de décéder à l'hôpital
Pour l'UNRWA, ces pertes qui surviennent en plein milieu de l'Aid El Fitr, la fête de la fin du ramadan, ravivent la douleur et la colère causées par la mort de Iain John Hook, abattu fin novembre par un sniper israélien à Jénine. Ce quinquagénaire anglais qui pilotait la reconstruction du camp, téléphonait devant les baraquements de l'agence, lorsqu'il a été touché. Des échanges de tirs venaient d'opposer l'armée à des shebabs (jeunes palestiniens) et Hook négociait alors avec un officier israélien, l'évacuation de son équipe. Depuis ce jour, l'armée a reconnu la bavure. Le tireur, dit-elle, aurait confondu le téléphone avec un pistolet. L'Etat major soutient en revanche que des Palestiniens avaient ouvert le feu depuis les locaux de l'UNRWA, ce que l'organisme dément formellement. Une dizaine de minutes avant sa mort, Hook avait certes précisé par téléphone à son officier de liaison que des jeunes palestiniens avaient pratiqué un trou dans le mur de son bureau et qu'ils s'efforçaient d'y pénétrer mais selon l'UNRWA, ils n'y sont jamais parvenus.
Cinq cent tonnes de denrées alimentaires détruites par l'armée
Une semaine plus tard, le contentieux ONU-Israël s'est encore alourdi. Au cours d'une incursion menée le 1er décembre, dans le nord de la bande de Gaza, l'armée a fait exploser un dépôt de nourriture du Programme alimentaire mondial (PAM), une autre agence des Nations unies. Cinq-cent-trente tonnes de denrées de première nécessité, de la farine, du riz et de l'huile, ont été réduits en miettes. Ce stock d'une valeur de 270 000 dollars devait être distribué à 40 000 Palestiniens. En raison de la lourdeur des procédures de contrôle israélien, il avait mis deux mois selon le PAM à franchir les cinquante kilomètres qui séparent le port d'Ashdod, en Israël, lieu de son débarquement, à la bande de Gaza. Là encore, la version de l'armée et des Nations unies ne concorde pas. Le porte-parole de Tsahal reconnaît l'erreur mais prétend que l'armée n'avait pas été prévenue de l'existence d'un dépôt alimentaire dans le bâtiment où elle menait une fouille. Une déclaration contredite par le PAM, qui affirme que le lieu était clairement identifié, drapeau à l'appui, comme un entrepôt des Nations unies. A aucun moment, déplore l'agence humanitaire, l'armée israélienne n'a cherché à la contacter.
Cette série de bavures se greffe sur un flot continuel de tracasseries et de vexations: fouille, attente aux check points, refoulement des convois parfois. Pour dénoncer ce qu'ils appellent un «harcèlement et une violence croissant de la part des militaires israéliens», 64 employés des agences onusiennes travaillant dans les territoires occupés, tous expatriés, ont signé à titre personnel une pétition de protestation. «La protection que les deux lettres bleues «U N» (pour «United Nations», Nations unies, ndlr) sont censées nous apporter est constamment érodée. Plutôt que de formuler des regrets faciles, nous attendons du gouvernement israélien qu'il prenne des mesures pour mettre un terme au harcèlement, au passage à tabac et au meurtre du personnel de l'ONU» écrivent-ils. Et la pétition conclut sur un ton acerbe: «Seules les pires sociétés permettent à des bandits en uniforme de tuer (des travailleurs humanitaires) sans crainte d'une sanction».
Ce texte a été accueilli avec indifférence par l'armée israélienne. «Nous rejetons l'idée que des soldats puissent harceler intentionnellement des employés de l'ONU. Nous respectons le travail des Nations unies et cela comprend notre engagement à assurer leur sécurité». Mais davantage que l'armée, la pétition visait la direction de l'ONU. Un signataire explique: «L'ensemble des agences a le sentiment que le siège est beaucoup trop prudent avec Israël. Depuis des mois, les violations du droit humanitaire sont graves et répétées. Avec trois employés morts en deux semaines, peut être qu'ils vont enfin comprendre».
par Benjamin Barthe
Article publié le 08/12/2002