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Proche-Orient

Sharon promet des représailles

Triomphalement réélu à la tête du Likoud, Ariel Sharon a promis de venger les Israéliens tués ou blessés dans l'attentat de Mombasa.
Pour les Israéliens, la tragédie de Mombasa a presque la force symbolique du massacre de leurs athlètes aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 que Golda Meïr, le Premier ministre de l’époque, avait juré de venger. Le Mossad, les services secrets de l’État hébreu, y avaient mis le temps et le moyen, mais en trente ans, au prix de quelques bavures, les agents israéliens ont réussi à identifier tous les auteurs de la prise d’otage meurtrière et à en éliminer la plupart.

C’est un serment du même genre que vient de faire Ariel Sharon qui a assuré qu’Israël «poursuivra ceux qui ont versé le sang de ses citoyens». «Notre bras les atteindra», a surenchéri Shaoul Mofaz, le ministre de la Défense. Pour la population israélienne, le choc est considérable: non seulement les Israéliens sont vulnérables aux attentats dans leur propre pays, mais lorsqu’ils cherchent à échapper à cet enfermement en partant en vacances à l’étranger, des terroristes particulièrement bien renseignés et organisés parviennent à les atteindre dans des attentats meurtriers dont l’ampleur véritable n’a pas été atteinte du fait que les missiles tirés sur l’avion au départ de Mombasa ont manqué leur cible.

Pour l’heure, sans perdre de temps, les enquêteurs israéliens sont arrivés au Kenya où ils ont retrouvé leurs collègues américains, venus renforcer l’antenne du FBI mise en place après les attentats de Nairobi et Dar Es Salaam d’août 1998. Le fait que les attentats ont été revendiqués par une «Armée de libération de la Palestine» inconnue n’empêche pas la majorité des commentateurs israéliens de soupçonner Al-Qaïda. Mais si tel est le cas, on voit mal comment et contre qui Israël pourrait lancer rapidement l’opération de représailles que tout le monde attend ? Sûrement pas contre le Kenya, ami et victime en la circonstance. Contre la Somalie ? Contre le Yémen ? Sans l’exclure totalement, ce n’est sans doute pas l’hypothèse la plus probable. Une fois n’est pas coutume, les responsables israéliens n’ont pas mis en cause l’Autorité palestinienne. On peut en revanche s’attendre qu’Israël saisisse l’occasion de frapper un grand coup contre le Hezbollah au Liban Sud. Le mouvement intégriste chiite est régulièrement mis en cause par les responsables israéliens et américains dans le développement du terrorisme international et, voici quelques semaines, un sénateur américain appelait ouvertement Washington à bombarder les camps du Hezbollah au Liban avant toute opération en Irak.

Une victoire sans appel

Quoiqu’il décide, Ariel Sharon aura les mains libres pour agir de la part de son opinion. Symboliquement, c’est le jour même où les militants du Likoud le reconduisaient triomphalement à la tête du parti que se produisaient les attentats au Kenya et l’attaque, également meurtrière, contre une permanence du Likoud où votaient les militants au nord d’Israël. Sa victoire contre son rival Benyamin Netanyahou est sans appel: 15 points le séparent de ce dernier qui a reconnu sa défaite. Les sondages donnant actuellement la droite largement favorite des prochaines élections législatives au mois de février, Ariel Sharon a donc toutes les chances de se succéder à lui-même. Ouvertement soutenu par la Maison Blanche, le Premier ministre israélien se range résolument derrière la campagne de George Bush contre l’Irak. Il a déjà obtenu de ce dernier de ne pas avoir à se prononcer sur la «feuille de route» du Quartette (États-Unis, ONU, UE et Russie) avant les élections. Il espère bien que des opérations militaires contre Bagdad le dispenseront dans la foulée de s’engager plus avant dans le processus de paix. Car si Sharon s’est, à plusieurs reprises, prononcé pour un État palestinien, c’est essentiellement, de façon tactique, pour ne pas contredire le président américain qui a dévoilé sa «vision» d’un tel État. Mais, les rares fois où Sharon s’est prononcé sur ce que serait cet État, c’était pour préciser qu’il serait démilitarisé, qu’Israël en contrôlerait les frontières et l’espace aérien, qu’il n’aurait pas le droit de conclure des traités d’alliance avec des États étrangers. Bref, que cet État serait dépourvu des attributs étatiques essentiels.

Tirant les leçons de cette nouvelle configuration, le numéro deux de l’OLP, Mahmoud Abbas (Abou Mazen) a sobrement résumé la situation: «Nous n’avons pas d’autre alternative : négocier avec Sharon ou poursuivre la lutte armée».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 29/11/2002