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Proche-Orient

Nouveau Noël sous tension

Alors que tout le pays se prépare activement à la perspective d’un conflit armé en Irak, les autorités militaires israéliennes ont décidé de retirer leurs chars du centre de Bethléem à la veille des célébrations religieuses de Noël.
Yasser Arafat sera une nouvelle fois le grand absent de la Messe de minuit organisée dans la basilique de la Nativité. Tout comme l’année dernière, il n’a pas été autorisé par les autorités israéliennes à se rendre dans la ville autonome palestinienne de Bethléem. Sa présence n’a pas été jugée souhaitable, le général Amos Gilad, coordinateur des activités israéliennes dans les territoires palestiniens, n’hésitant pas à déclarer qu’Arafat était celui qui faisait «le plus de mal aux chrétiens avec sa campagne de meurtres et de terrorisme». Le président palestinien s’est insurgé contre cette décision et a revendiqué le droit pour tout Palestinien de pouvoir se rendre dans le village natal du Christ. «Est-il juste que le monde entier puisse célébrer Noël en toute liberté alors que le peuple palestinien en général, et les habitants de Bethléem en particulier, ne peuvent pas assister aux célébrations ?», a demandé le raïs lors d’une rencontre à Ramallah avec des dirigeants palestiniens de confession chrétienne.

L’armée israélienne a précisé qu’elle autoriserait les chrétiens de Cisjordanie munis de permis spéciaux de circulation à entrer dans le centre-ville de Bethléem. Elle a également choisi de retirer tous ses chars et véhicules blindés du cœur de cette cité le temps des festivités religieuses. «On ne pourra pas voir à la télévision une ville assiégée, car nous ferons tout pour que les cérémonies se déroulent normalement», a expliqué le général Amos Gilad. Bethléem a été de nouveau occupée par les troupes israéliennes au mois de novembre à la suite d’un attentat-suicide palestinien commis à Jérusalem. Le général Gilad a justifié le maintien de l’occupation de Bethléem par l’existence de risques d’attentats dans cette ville. Tsahal a réoccupé depuis le mois de juin huit des neufs principales agglomérations de Cisjordanie, à l’exception de l’enclave de Jéricho, pour tenter d’enrayer une vague d’attentats-suicide contre des cibles israéliennes.

L’interdiction faite à Yasser Arafat de se rendre à Bethléem a été vivement critiquée par le gouvernement français, le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valéro, qualifiant cette mesure de «vexatoire et inutile». Il a ajouté que la France appelait Israël à prendre «les mesures appropriées permettant de concilier ses préoccupations de sécurité et la liberté de circulation des fidèles».

Les moustaches de Saddam Hussein

Une recrudescence d’attentats sur le territoire israélien au cours des prochaines semaines fait partie des différents scénarios envisagés par l’Etat hébreu. Un éventuel conflit en Irak pourrait, selon la radio militaire israélienne, entraîner trois scénarios différents: une série d’attaques de missiles non-conventionnels irakiens, une vague de «méga-attentats » en Israël et une escalade des affrontements dans les territoires palestiniens. Face à ces multiples dangers, les militaires ont reçu l’instruction de terminer leurs préparatifs d’ici au 30 janvier. Les médias israéliens ont annoncé que le pays serait placé en état d’alerte renforcée à partir du 15 janvier dans la perspective d’un conflit dans le Golfe entre le 27 janvier et le 26 février, prenant ainsi en compte la date du butoir du 27 janvier à laquelle les inspecteurs de l’ONU doivent rendre un rapport sur leur mission en Irak.

Se gardant bien d’annoncer publiquement tout calendrier, le ministère israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, a confirmé que le pays se préparait à d’éventuelles attaques irakiennes. Il a effectué lundi une visite d’inspection au quartier général de la défense passive, située sur la base de Tsrifin, au terme de laquelle il a déclaré qu’Israël était «mieux protégé que jamais» contre d’éventuelles attaques. Les préparatifs baptisés «Muraille d’acier» comprennent notamment la distribution massive de masques à gaz à la population. Le quotidien à grand tirage Yedioth Ahronot a publié dimanche une double page expliquant comment utiliser les masques à gaz et recourir à un antidote en cas d’attaque au gaz innervant. Et les autorités israéliennes réfléchissent également à la possibilité de lancer bientôt une campagne de vaccination contre la variole.

Pendant la guerre du Golfe de 1991, l’Irak avait tiré 39 missiles Scud sur Israël, faisant deux morts et des centaines de blessés. Face à la menace engendrée par l’éventualité d’une nouvelle attaque irakienne, le Premier ministre israélien s’est montré plutôt rassurant. «Il faut dire la vérité au public qui s’inquiète: il y a un danger, mais nous avons pris toutes les mesures pour y faire face», a déclaré lundi Ariel Sharon après avoir inspecté le quartier général de la défense passive en compagnie de Shaoul Mofaz. Ces propos destinés à éviter tout mouvement de panique au sein de la population éveillent une certaine suspicion au sein de quelques médias qui accusent Ariel Sharon d’utiliser la menace irakienne à des fins politiques, dans le but de faire oublier le scandale de corruption qui éclabousse son parti, le Likoud. Dans un éditorial intitulé «Jeux de peur», le quotidien Maariv a ainsi souligné que l’attention des médias était «détournée vers les moustaches de Saddam Hussein», le cliché de Sharon avec un masque à gaz faisant «meilleur effet que les photos des inspecteurs du département des fraudes».



par Olivier  Bras

Article publié le 24/12/2002