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Proche-Orient

Immunité zéro pour les terroristes

Fort du soutien affiché de l’administration Bush, qui a refusé de condamner l’élimination de cheikh Ahmed Yassine, Israël semble plus que jamais déterminé à poursuivre sa politique de liquidation d’activistes palestiniens. Les condamnations quasi-unanimes de la communauté internationale, qui a multiplié les mises en garde contre un embrasement de la région, n’ont visiblement eu aucun effet sur les responsables israéliens qui affirment être prêts à affronter des représailles qui semblent désormais inévitables. Les forces de sécurité sont depuis lundi en état d’alerte maximale, une situation qui pourrait durer des semaines.
La vague de condamnations qui a suivi la liquidation du chef spirituel du Hamas n’a à aucun moment entamé le sentiment du devoir accompli affiché lundi par Ariel Sharon et par son ministre de la Défense Shaoul Mofaz. Le chef du gouvernement israélien, qui a personnellement ordonné et supervisé la frappe qui a coûté la vie à cheikh Yassine et à sept autres Palestiniens, ne cachait pas sa satisfaction après l’élimination de l’un des ennemis les plus farouches de l’Etat hébreu. «Il était le premier des assassins et des terroristes palestiniens», a-t-il justifié. Et reprenant à son compte la terminologie chère à l’administration Bush, il a affirmé que «la guerre contre le terrorisme n’était pas finie». «Elle se poursuivra chaque jour, a-t-il ajouté. C’est le droit du peuple juif d’attaquer ceux qui se dressent pour l’éliminer».

Mettant de côté les désaccords qui ont pu ces dernières semaines les opposer –notamment concernant le plan de retrait unilatéral de la bande de Gaza–, Shaoul Mofaz lui a emboîté le pas, n’hésitant pas à qualifier cheikh Yassine de «Ben Laden des Palestiniens». «Le Hamas, a-t-il insisté, est responsable de 425 attaques qui ont fait 337 morts et 2076 blessés, civils et militaires, et de 54 attentats suicide qui ont tué 288 personnes». Pour le ministre de la Défense, le Hamas est désormais «un ennemi stratégique d’Israël et doit à ce titre être détruit».

Le message est donc on ne peut plus clair pour tous les dirigeants du Hamas qui sont aujourd’hui des cibles toutes désignées. Les autorités israéliennes semblent en effet plus que jamais décidées à poursuivre la liquidation des activistes palestiniens. «Nous sommes passés de la défensive à l’offensive et dans cette bataille, tous les membres de la direction du Hamas constituent des cibles légitimes», a ainsi confirmé le ministre de la Sécurité intérieure Tzahi Hanegbi. «Les jours des chefs et commandants terroristes qui ne consacreront tout leur temps qu’à tenter de survivre et continueront à préparer des attentats son comptés», a-t-il également souligné. Certes les autorités israéliennes reconnaissent que l’opération de lundi pourrait à court terme renforcer la position des franges les plus radicales des organisations palestiniennes.

Les services de sécurité sont d’ailleurs en état d’alerte renforcée de crainte de représailles. Mais comme le justifie le chef de l’état-major, Moshé Yaalon, «décapiter les organisations terroristes constitue l’un des moyens dans la guerre que nous menons contre elles». Selon lui, «à court terme, l’élimination de Yassine va peut-être renforcer la motivation du Hamas à commettre des attentats mais à long terme tout cela va renforcer les éléments modérés parmi les Palestiniens». Ce discours offensif semble avoir aujourd’hui un large écho au sein de la société israélienne où plus de 60% de la population a approuvé la liquidation du chef spirituel du Hamas. Il y a quelques mois pourtant ils étaient nombreux à critiquer cette stratégie du pire qui enfermait la région dans le cycle infernal des attaques et des représailles.

La cible Arafat

Outre l’émotion et la rage qu’il a provoquées chez les Palestiniens, l’assassinat de cheikh Ahmed Yassine a ravivé leur crainte pour la vie de leur leader historique incontesté, Yasser Arafat, confiné depuis plus de deux ans et demi dans son quartier général de Ramallah. Pour beaucoup en effet, la liquidation du chef spirituel du Hamas s’apparente à une répétition générale avant l’attaque, programmée à leurs yeux depuis des mois, contre le chef de l’Autorité palestinienne. Les déclarations mardi du ministre israélien de la Défense ont d’ailleurs de quoi les inquiéter. Shaoul Mofaz a en effet élargi les liquidations ciblées à tous les dirigeants d’organisations palestiniennes islamistes ou laïque, citant notamment le Jihad islamique mais aussi le Fatah de Yasser Arafat. Interrogé sur le fait de savoir si le président de palestinien constituait une cible pour l’armée israélienne, Shaoul Mofaz s’est contenté de sourire. «Vous devriez le lui demander», a-t-il également suggéré.

Le chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, avait certes affirmé quelques heures plus tôt que Yasser Arafat n’était pas dans la ligne de mire de l’armée israélienne. «Nous opérons contre les leaders extrémistes du Hamas et du Jihad islamique qui sont derrière des centaines d’attaques contre Israël», avait-il insisté. Mais la menace qui plane contre le président palestinien n’en demeure pas moins réelle. L’un des proches conseillers d’Ariel Sharon, Amos Gilad, n’a-t-il pas quelques heures après l’assassinat de cheikh Yassine affirmé que Yasser Arafat était «l’homme le plus dangereux et le plus destructeur qui ait vu le jour au Proche-Orient» ? Sans compter qu’une majorité d’Israéliens souhaitent aujourd’hui la liquidation du leader palestinien.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/03/2004