Proche-Orient
Le désarroi des chrétiens
Minoritaires en Palestine, où ils représentent environ 2% de la population, les chrétiens sont une nouvelle fois tentés de prendre le chemin de l’exil et de construire leur avenir à l’étranger pour échapper aux humiliations israéliennes et au chômage. Reportage à Beit Sahour et à Bethléem.
De notre envoyé spécial dans les Territoires palestiniens
«2002 sera une année sanglante en Palestine». Dans son bureau de l’hôtel de ville, Fouad Kokaly, le maire de Beit Sahour, ne cache pas son inquiétude. «Même si la population palestinienne n’a guère d’espoir pour le futur, elle veut un Etat indépendant et la fin de l’occupation israélienne», ajoute-t-il.
En attendant, les villes chrétiennes de Bethléem, de Beit Jala et de Beit Sahour sont complètement asphyxiées économiquement, à l’instar des autres villes de Cisjordanie. Plus encore peut-être, car ces localités vivent principalement du tourisme. Et le blocus israélien dissuade les visiteurs étrangers de se rendre dans la ville où naquit Jésus.
Ateliers de fabrication de souvenirs, restaurants et hôtels ont pour la plupart fermés leurs portes, quand ils n’ont pas été détruits ou mis à sac par l’armée israélienne, comme l’Hôtel Paradise et l’Hôtel Jacer Palace, tous deux situés à l’entrée de Bethléem. A Beit Sahour, 120 ateliers et quatre boutiques de souvenirs ont baissé leurs rideaux, affirme le maire.
Cette ville de 13 000 habitants, où 80% de la population est chrétienne, est lourdement pénalisée par le blocus israélien. Avant le déclenchement de l’Intifada, une partie de la population avait un emploi en Israël et près de 400 personnes travaillaient au casino de Jéricho: autant d’emplois qui se sont envolés. Résultat: cette ville prospère est aujourd’hui dans une situation financière préoccupante.
«Les gens ne paient plus leurs factures et les taxes, explique Fouad Kokaly, privant du même coup la municipalité de ressources financières. Pour fonctionner, la mairie doit emprunter de l’argent auprès des banques. Nous mettons aussi à contribution les communautés chrétiennes de la diaspora. Ainsi, nous avons reçu 9000 dollars des Palestiniens du Michigan aux Etats-Unis et 8000 dollars de Jordanie, mais notre dette s’élève à 200 000 dollars».
Avec un taux de chômage qui dépasse les 60% la pauvreté a fait son apparition à Beit Sahour, dont la population qui appartient à la classe moyenne ne parvient plus à payer les études des jeunes. «Les demandes d’aides se multiplient, affirme Fouad Kokaly. Nous avons reçu 250 dossiers d’étudiants qui ne peuvent plus acquitter les frais de scolarité».
Beit Sahour, symbole du nationalisme palestinien
Un signe du désarroi des chrétiens de Beit Sahour ne trompe pas: 78 familles ont émigré aux Etats-Unis et en Europe depuis le déclenchement de l’Intifada. Contrairement à Bethléem et à Beit Jala, l’émigration chrétienne n’a jamais été massive à Beit Sahour. La ville est considérée comme un bastion du nationalisme palestinien où les organisations politiques de gauche tiennent le haut du pavé comme le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) ou les communistes. Ici, on a toujours mis un point d’honneur à rester au pays, envers et contre tout. Pendant la première Intifada, la ville s’est ainsi distinguée en décrétant la grève des taxes imposées par les autorités d’occupation. Mais cette fois-ci, la vie quotidienne devient franchement insupportable. «Les jeunes sont désespérés, explique le père Majdi Al-Siyriani, le curé de Beit Sahour. Pourquoi aller étudier, se demandent-ils quand il n’y a pas de travail. Leur rêve, c’est l’Amérique».
Sur la colline d’en face, les premiers colons juifs commencent à prendre possession de leurs appartements dans l’implantation de Har Homa, jadis Jabal Abou Ghoneim. Pour les Palestiniens de Beit Sahour, Har Homa symbolise à elle seule la volonté de domination et de destruction des Israéliens. Une fois terminée la colonie comptera 6500 logements. Symboliquement, un collectif d’ONG de la mairie de Romans (Drôme), jumelée avec Beit Sahour, a lancé l’opération «1000 arbres pour la paix en Palestine». Des oliviers viennent ainsi d’être plantés devant la colonie de Har Homa, comme un signe de résistance pacifique. «Les Israéliens ont arraché la forêt de Jabal Abou Ghnoneim, explique Suzanne Sahouri, de la municipalité de Beit Sahour, et ont confisqué nos terres. Ils comptent aussi construire de nouvelles routes pour finir de nous encercler». Déjà, la ville palestinienne est prise en tenaille par la colonie Har Homa et un camp militaire israélien. Ce dernier a été installé sur deux nappes phréatiques pour contrôler l’alimentation en eau de cette zone. Ainsi, sur les 320 mètres cubes d’eau produite par heure, seuls 70 mètres cubes/heure approvisionnent Beit Sahour, tout le reste étant destiné aux colonies juives. Une situation intolérable pour les Palestiniens, qui semblent désormais confrontés à une seule alternative: partir ou résister.
«2002 sera une année sanglante en Palestine». Dans son bureau de l’hôtel de ville, Fouad Kokaly, le maire de Beit Sahour, ne cache pas son inquiétude. «Même si la population palestinienne n’a guère d’espoir pour le futur, elle veut un Etat indépendant et la fin de l’occupation israélienne», ajoute-t-il.
En attendant, les villes chrétiennes de Bethléem, de Beit Jala et de Beit Sahour sont complètement asphyxiées économiquement, à l’instar des autres villes de Cisjordanie. Plus encore peut-être, car ces localités vivent principalement du tourisme. Et le blocus israélien dissuade les visiteurs étrangers de se rendre dans la ville où naquit Jésus.
Ateliers de fabrication de souvenirs, restaurants et hôtels ont pour la plupart fermés leurs portes, quand ils n’ont pas été détruits ou mis à sac par l’armée israélienne, comme l’Hôtel Paradise et l’Hôtel Jacer Palace, tous deux situés à l’entrée de Bethléem. A Beit Sahour, 120 ateliers et quatre boutiques de souvenirs ont baissé leurs rideaux, affirme le maire.
Cette ville de 13 000 habitants, où 80% de la population est chrétienne, est lourdement pénalisée par le blocus israélien. Avant le déclenchement de l’Intifada, une partie de la population avait un emploi en Israël et près de 400 personnes travaillaient au casino de Jéricho: autant d’emplois qui se sont envolés. Résultat: cette ville prospère est aujourd’hui dans une situation financière préoccupante.
«Les gens ne paient plus leurs factures et les taxes, explique Fouad Kokaly, privant du même coup la municipalité de ressources financières. Pour fonctionner, la mairie doit emprunter de l’argent auprès des banques. Nous mettons aussi à contribution les communautés chrétiennes de la diaspora. Ainsi, nous avons reçu 9000 dollars des Palestiniens du Michigan aux Etats-Unis et 8000 dollars de Jordanie, mais notre dette s’élève à 200 000 dollars».
Avec un taux de chômage qui dépasse les 60% la pauvreté a fait son apparition à Beit Sahour, dont la population qui appartient à la classe moyenne ne parvient plus à payer les études des jeunes. «Les demandes d’aides se multiplient, affirme Fouad Kokaly. Nous avons reçu 250 dossiers d’étudiants qui ne peuvent plus acquitter les frais de scolarité».
Beit Sahour, symbole du nationalisme palestinien
Un signe du désarroi des chrétiens de Beit Sahour ne trompe pas: 78 familles ont émigré aux Etats-Unis et en Europe depuis le déclenchement de l’Intifada. Contrairement à Bethléem et à Beit Jala, l’émigration chrétienne n’a jamais été massive à Beit Sahour. La ville est considérée comme un bastion du nationalisme palestinien où les organisations politiques de gauche tiennent le haut du pavé comme le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) ou les communistes. Ici, on a toujours mis un point d’honneur à rester au pays, envers et contre tout. Pendant la première Intifada, la ville s’est ainsi distinguée en décrétant la grève des taxes imposées par les autorités d’occupation. Mais cette fois-ci, la vie quotidienne devient franchement insupportable. «Les jeunes sont désespérés, explique le père Majdi Al-Siyriani, le curé de Beit Sahour. Pourquoi aller étudier, se demandent-ils quand il n’y a pas de travail. Leur rêve, c’est l’Amérique».
Sur la colline d’en face, les premiers colons juifs commencent à prendre possession de leurs appartements dans l’implantation de Har Homa, jadis Jabal Abou Ghoneim. Pour les Palestiniens de Beit Sahour, Har Homa symbolise à elle seule la volonté de domination et de destruction des Israéliens. Une fois terminée la colonie comptera 6500 logements. Symboliquement, un collectif d’ONG de la mairie de Romans (Drôme), jumelée avec Beit Sahour, a lancé l’opération «1000 arbres pour la paix en Palestine». Des oliviers viennent ainsi d’être plantés devant la colonie de Har Homa, comme un signe de résistance pacifique. «Les Israéliens ont arraché la forêt de Jabal Abou Ghnoneim, explique Suzanne Sahouri, de la municipalité de Beit Sahour, et ont confisqué nos terres. Ils comptent aussi construire de nouvelles routes pour finir de nous encercler». Déjà, la ville palestinienne est prise en tenaille par la colonie Har Homa et un camp militaire israélien. Ce dernier a été installé sur deux nappes phréatiques pour contrôler l’alimentation en eau de cette zone. Ainsi, sur les 320 mètres cubes d’eau produite par heure, seuls 70 mètres cubes/heure approvisionnent Beit Sahour, tout le reste étant destiné aux colonies juives. Une situation intolérable pour les Palestiniens, qui semblent désormais confrontés à une seule alternative: partir ou résister.
par Christian Chesnot
Article publié le 04/03/2002