Proche-Orient
L'Amérique boycottée
Du Caire à Dubai, en passant par Damas et Amman, la campagne de boycott des produits américains prend de l´ampleur, même si son impact économique reste encore marginal pour le moment. Pour autant, son développement témoigne de l´hostilité croissante des opinions publiques arabes vis-à vis de la politique américaine au Proche-Orient, jugée totalement alignée sur Israël.
De notre correspondant à Amman
Les hamburgers et les boissons gazeuses «made in USA» n´ont plus vraiment la cote dans le monde arabe. Dans la capitale jordanienne, Amman, deux établissements d´une célèbre chaîne américaine de restauration rapide ont dû récemment baisser pavillon et fermer boutique, faute de clients. «Notre chiffre d´affaires a diminué entre 30 et 40% sur les quatre premiers mois de l´année», constate Nadia Labib Al-Dary, responsable du marketing chez Mac Donald´s Jordan. «En Jordanie, cette campagne de boycott anti-américaine est moins organisée qu´en Égypte ou dans les pays du Golfe, mais elle est bien réelle» poursuit-elle. «Nous recevons des quantités d´e-mails, de fax et de coups de téléphones, hostiles. Nous avons été aussi victime d´une rumeur propagée dans les lycées et les universités prétendant qu´une partie de nos bénéfices finançait Israël, ce qui est totalement faux».
Depuis plusieurs mois, l´anti-américanisme est une valeur en hausse dans les pays arabes. Attaque à Bahreïn de l´ambassade américaine par une foule de manifestants, expulsion d´un restaurant du consul des États-Unis dans la vieille ville de Damas ou encore inscription au stylo sur certains billets de banques jordaniens du slogan «Boycotter l´Amérique !» : autant de signes de la colère et de la frustration des opinions publiques arabes contre la politique étrangère de Washington au Proche-Orient, surtout depuis la récente opération Rempart de l´armée israélienne dans les Territoires occupés palestiniens. La fourniture par les États-Unis à Israël d´avions de chasse F16 et d´hélicoptères Apache qui les utilise pour réprimer militairement l´Intifada a en effet profondément choqué les Arabes et sérieusement entamé la crédibilité de l´Amérique dans la région.
Diffusées par des syndicats professionnels et des associations d´étudiants, des listes de produits à boycotter circulent en Jordanie, via internet ou le fax, accompagnées des marques de substitution. «Notre message est symbolique, explique Ali Abou Suker, du syndicat des ingénieurs et l´un des initiateurs de cette campagne. Nous voulons simplement montrer aux États-Unis que le peuple jordanien est hostile au parti pris pro-israélien de la politique américaine. Nous souhaitons au moins un rééquilibrage des positions de Washington vis-à-vis des Arabes.»
Un exutoire pour l´opinion publique
Principale cible de la campagne : les chaînes de restauration rapide, les boissons gazeuses et les cigarettes. Les Jordaniens se reportent aujourd´hui volontiers sur des sodas et des jus de fruits fabriqués en Syrie ou en Arabie Saoudite, et plébiscitent les cigarettes françaises et locales.
«Nous n´avons pas d´illusion sur l´impact de ce que nous faisons», explique dans le quotidien libanais The Daily Star Nabil Marzouq, coordinateur des activités du Comité national pour le boycott des produits américains en Syrie. «Les importations américaines en Syrie tournent autour de 300 à 400 millions de dollars par an, ce qui n´est pas très important. Mais il y aura un impact sérieux concernant la présence américaine future dans la région qu´il s´agisse d´investissements ou de marchés.»
Pour Mounir Hamarneh, économiste jordanien, «la campagne de boycott doit être comprise plus comme un acte politique qu´économique.» Car selon lui, ce mouvement populaire qu´il qualifie de «panarabe» constitue «un moyen d´expression des sentiments de l´opinion publique jordanienne, qui ne peut s´exprimer librement dans la rue», dans la mesure où le droit de manifester a été considérablement réduit depuis le début de l´Intifada. La totalité des partis politique jordaniens ont d´ailleurs apporté leur soutien au boycott. Les Frères musulmans ont même édicté une fatwa (décret religieux) déclarant licite cette campagne.
Mais selon une source à l´ambassade américaine à Amman, «les diplomates s´inquiètent de ce climat d´hostilité anti-américaine et redoutent que cette campagne de boycott ne débouche dans l´avenir sur des actions moins pacifiques contre les ressortissants ou les intérêts américains au Proche-Orient.»
Les hamburgers et les boissons gazeuses «made in USA» n´ont plus vraiment la cote dans le monde arabe. Dans la capitale jordanienne, Amman, deux établissements d´une célèbre chaîne américaine de restauration rapide ont dû récemment baisser pavillon et fermer boutique, faute de clients. «Notre chiffre d´affaires a diminué entre 30 et 40% sur les quatre premiers mois de l´année», constate Nadia Labib Al-Dary, responsable du marketing chez Mac Donald´s Jordan. «En Jordanie, cette campagne de boycott anti-américaine est moins organisée qu´en Égypte ou dans les pays du Golfe, mais elle est bien réelle» poursuit-elle. «Nous recevons des quantités d´e-mails, de fax et de coups de téléphones, hostiles. Nous avons été aussi victime d´une rumeur propagée dans les lycées et les universités prétendant qu´une partie de nos bénéfices finançait Israël, ce qui est totalement faux».
Depuis plusieurs mois, l´anti-américanisme est une valeur en hausse dans les pays arabes. Attaque à Bahreïn de l´ambassade américaine par une foule de manifestants, expulsion d´un restaurant du consul des États-Unis dans la vieille ville de Damas ou encore inscription au stylo sur certains billets de banques jordaniens du slogan «Boycotter l´Amérique !» : autant de signes de la colère et de la frustration des opinions publiques arabes contre la politique étrangère de Washington au Proche-Orient, surtout depuis la récente opération Rempart de l´armée israélienne dans les Territoires occupés palestiniens. La fourniture par les États-Unis à Israël d´avions de chasse F16 et d´hélicoptères Apache qui les utilise pour réprimer militairement l´Intifada a en effet profondément choqué les Arabes et sérieusement entamé la crédibilité de l´Amérique dans la région.
Diffusées par des syndicats professionnels et des associations d´étudiants, des listes de produits à boycotter circulent en Jordanie, via internet ou le fax, accompagnées des marques de substitution. «Notre message est symbolique, explique Ali Abou Suker, du syndicat des ingénieurs et l´un des initiateurs de cette campagne. Nous voulons simplement montrer aux États-Unis que le peuple jordanien est hostile au parti pris pro-israélien de la politique américaine. Nous souhaitons au moins un rééquilibrage des positions de Washington vis-à-vis des Arabes.»
Un exutoire pour l´opinion publique
Principale cible de la campagne : les chaînes de restauration rapide, les boissons gazeuses et les cigarettes. Les Jordaniens se reportent aujourd´hui volontiers sur des sodas et des jus de fruits fabriqués en Syrie ou en Arabie Saoudite, et plébiscitent les cigarettes françaises et locales.
«Nous n´avons pas d´illusion sur l´impact de ce que nous faisons», explique dans le quotidien libanais The Daily Star Nabil Marzouq, coordinateur des activités du Comité national pour le boycott des produits américains en Syrie. «Les importations américaines en Syrie tournent autour de 300 à 400 millions de dollars par an, ce qui n´est pas très important. Mais il y aura un impact sérieux concernant la présence américaine future dans la région qu´il s´agisse d´investissements ou de marchés.»
Pour Mounir Hamarneh, économiste jordanien, «la campagne de boycott doit être comprise plus comme un acte politique qu´économique.» Car selon lui, ce mouvement populaire qu´il qualifie de «panarabe» constitue «un moyen d´expression des sentiments de l´opinion publique jordanienne, qui ne peut s´exprimer librement dans la rue», dans la mesure où le droit de manifester a été considérablement réduit depuis le début de l´Intifada. La totalité des partis politique jordaniens ont d´ailleurs apporté leur soutien au boycott. Les Frères musulmans ont même édicté une fatwa (décret religieux) déclarant licite cette campagne.
Mais selon une source à l´ambassade américaine à Amman, «les diplomates s´inquiètent de ce climat d´hostilité anti-américaine et redoutent que cette campagne de boycott ne débouche dans l´avenir sur des actions moins pacifiques contre les ressortissants ou les intérêts américains au Proche-Orient.»
par Christian Chesnot
Article publié le 31/05/2002