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Proche-Orient

«<i>Israël n'a pas intérêt à réoccuper Gaza</i>»

Les violences meurtrières entre Israéliens et Palestiniens se poursuivaient, jeudi 12 avril, malgré une rencontre sécuritaire, la veille, sous parrainage américain. Ce rendez-vous faisait suite à l'intervention israélienne de grande envergure dans la bande de Gaza. Dans la nuit de mardi à mercredi, en représailles aux tirs de mortier sur des colonies juives, des chars israéliens avaient pour la première fois effectué une incursion dans la «zone A», sous responsabilité exclusive de l'Autorité palestinienne, faisant deux morts et une cinquantaine de blessés palestiniens.
Malgré ce climat d'extrême tension, Rémy Leveau, conseiller scientifique à l'Institut français des relations internationales (IFRI) pour le monde arabo-musulman, estime qu'une escalade générale est peu probable.
RFI : L'intervention israélienne à Gaza est-elle une opération ponctuelle, comme le dit le gouvernement israélien, ou bien marque-t-elle un tournant dans la nature du conflit ?
Rémy Leveau : Je pense que c'est une opération ponctuelle. Je crois que les freins vont venir d'Israël même, personne n'ayant intérêt, y compris dans les structures de commandement ou dans les services de renseignement israéliens, à vouloir réoccuper Gaza. Ce serait beaucoup trop coûteux. Là, il s'est agi de détruire des maisons, une tactique qu'Israël a beaucoup pratiqué dans le passé. Je pense que cela va trouver très vite ses limites. Et il faut compter, aussi, avec les pressions internationales, notamment américaines, en faveur d'un retour à une relative modération. Il y a également la stratégie d'Ariel Sharon. Jusqu'où veut-il aller ? A vouloir détruire l'Autorité palestinienne, il va finir par se retrouver face au Hamas, un mouvement intégriste beaucoup plus dur. Est-ce vraiment l'intérêt d'Israël ?

«Arafat semble prêt à jouer la longue durée»

RFI : Donc, cette situation de conflit limité peut durer, sans verser dans l'embrasement ?
RL : Au sein même de l'Etat hébreu, on sait depuis longtemps qu'il y a, y compris dans l'état-major et les services de sécurité, des gens qui ne sont pas forcément favorables à l'escalade. Du temps d'Ehoud Barak, ces gens-là auraient été favorables à l'évacuation des colonies juives de Gaza, qui sont une source d'ennui pour tout le monde. Maintenant, il est vrai qu'avec Sharon, cette hypothèse est exclue. Il reste qu'Israël réagit durement aux tirs palestiniens, mais ne peut pas aller trop loin. D'un autre côté, il semble que Yasser Arafat soit prêt à jouer la longue durée. Quant à la capacité de souffrance du peuple palestinien, on l'a vu malheureusement dans le passé, elle est grandeà

RFI : Le problème n°1, ce sont les colonies israéliennes ?
RL : Oui, mais il y a aussi la question du retour des réfugiés palestiniens, et puis celle, centrale et symbolique, de Jérusalem. Ariel Sharon affirme que sur ce problème très sensible, Israël doit rendre des comptes à l'ensemble de la diaspora juive. Tandis que Yasser Arafat ne peut arriver à une solution de compromis que s'il a l'accord de tous les pays arabes et musulmans. Tous ces facteurs aboutissent à un conflit qui reste limité, car aucune des deux parties ne rejette le cadre des accords d'Oslo et de Washington. Le bilan de plusieurs centaines de morts est lourd, certes. Mais, et c'est terrible à dire, cela n'a rien à voir avec la guerre des Balkans, ou bien avec la guerre civile algérienne, où l'on a largement franchi le cap des 100 000 morts.



par Propos recueillis par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 12/04/2001