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Proche-Orient

Vulnérable, Damas se plaint à l’ONU

Le raid de l’aviation israélienne contre un camp d’entraînement en Syrie utilisé, selon Tsahal, par des activistes palestiniens, a provoqué un tollé au sein de la communauté internationale, inquiète d’une escalade au Proche-Orient. A la demande de Damas, le Conseil de sécurité a été convoqué pour une réunion extraordinaire. Mais après trois heures de débats publics, entrecoupées de deux séries de consultations à huit clos, le Conseil s’est séparé sans fixer de date pour le vote de la résolution présentée par la Syrie. L’administration américaine, qui n’a réagi que très mollement à l’attaque israélienne, a en effet estimé qu’«une nouvelle résolution sur le Proche-Orient n’était pas nécessaire». On voit donc mal dans ces conditions, et alors que Washington a une nouvelle fois réaffirmé que la Syrie se devait de «démanteler les infrastructures terroristes se trouvant à l’intérieur de ses frontières», comment un texte condamnant l’Etat hébreu pourrait être voté.
Le sanglant attentat de Haïfa, qui a coûté la vie à dix-neuf personnes, dont cinq enfants, appelait une riposte sévère de la part de l’Etat hébreu. Ariel Sharon n’avait toutefois que très peu d’options à sa disposition. Soit il mettait à exécution la menace de son cabinet de sécurité de «se débarrasser» de Yasser Arafat qualifié d’«obstacle majeur à la paix», soit il lançait une énième incursion dans les territoires palestiniens, déjà en majorité réoccupés par l’armée israélienne. Le raid contre un camp d’entraînement des mouvements radicaux palestiniens en Syrie présentait donc l’avantage d’être spectaculaire et beaucoup moins risqué politiquement puisque l’Etat hébreu ne courait pas le risque de déplaire à son grand allié américain, très soucieux des conséquences dans le monde arabe d’une action dirigée contre le président de l’Autorité palestinienne. Certains observateurs, au regard de la réaction plutôt molle de Washington au raid israélien, affirment même que l’Etat hébreu a sans doute reçu le feu vert de l’administration Bush avant de lancer sa riposte en Syrie.

Le gouvernement d’Ariel Sharon avait d’autant plus les mains libres que la Syrie, à l'instar de nombreux pays arabes, n'a plus aujourd'hui les moyens d'affronter militairement Israël, un pays soutenu par la plus grande puissance du monde. Malgré sa puissance de feu, l'armée syrienne forte de quelque 300 000 hommes, manque en effet cruellement de moyens et d'entraînement. Israël, en outre, jouait sur du velours étant donné les relations exécrables qu’entretient depuis quelques mois le régime de Damas avec les Etats-Unis. La réaction de Washington sur le raid israélien en dit d’ailleurs long sur les dispositions de l’administration Bush à l’égard de la Syrie. L’ambassadeur américain aux Nations unies s’est en effet contenté de rappeler que son pays estimait que «la Syrie était du mauvais côté de la lutte contre le terrorisme».

Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, les Américains exigent en effet de Damas davantage de coopération, qu’il s’agisse d’arrêter les combattants islamistes qui pénètrent depuis la Syrie en Irak pour mener la guérilla contre les forces de la coalition ou de cesser d’héberger les organisations terroristes, notamment palestiniennes. Le Congrès a même menacé de voter une nouvelle loi, le Syria Accountability Act qui permettrait à l’administration Bush d’imposer à la Syrie un régime de sanctions du type de celui imposé à l’Irak de Saddam Hussein.

Un avertissement clair

Cernée de pays hostiles –au nord la Turquie, au sud Israël et à l’est les 100 000 hommes de l’armée américaine stationnés en Irak–, menacée de sanctions économiques par Washington, et affaiblie militairement, la Syrie n’avait pas d’autres choix que de contre-attaquer sur le front diplomatique en présentant au Conseil de sécurité une résolution condamnant «l’agression israélienne». Mais sachant que son texte n’avait que peu de chances d’être voté, Damas, de plus en plus isolé sur la scène international, semble se contenter pour le moment de la condamnation du raid israélien affichée notamment par l’Union européenne, la Russie et la Ligue arabe. Sa plainte lui offre par ailleurs la possibilité de montrer, qu’une fois encore, la communauté internationale n’est pas solidaire des Etats-Unis, au moment où ces derniers peinent à faire adopter une résolution sur l’Irak.

S’il viole sans conteste la légalité internationale, le raid israélien n’en demeure pas moins qu’un avertissement, certes ferme, mais qui a priori ne présage pas de l’ouverture d’un nouveau front. L’Etat hébreu a d’ailleurs tenté lundi de minimiser l’impact de cette attaque en affirmant notamment qu’il n’avait pas l’intention de déclencher un conflit avec la Syrie. «Cette attaque constitue avant tout un avertissement adressé à Damas et Israël ne souhaite pas d’escalade militaire avec la Syrie», a ainsi déclaré un responsable militaire israélien sous couvert de l’anonymat. «L’attaque aérienne n’a d’ailleurs pas visé des soldats ou des positions syriennes mais un camp d’entraînement pour des terroristes palestiniens financé et contrôlé d’un point de vue idéologique par l’Iran», a-t-il ajouté. Une bien maigre consolation pour la Syrie qui vient de réaliser de façon brutale que la donne n’est plus la même au Moyen-Orient depuis la chute du régime de Saddam Hussein et qu’elle pourrait très bientôt rejoindre l’axe du mal «cher» au président George Bush.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 06/10/2003