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Proche-Orient

Attentat de Haïfa : représailles israéliennes jusqu’en Syrie

L’attentat perpétré samedi dans un restaurant de la ville de Haïfa et qui a provoqué la mort de 19 personnes, parmi lesquelles cinq enfants, a provoqué l’indignation de la communauté internationale qui a vivement condamné «un acte haineux de violence». Cet attentat perpétré par une femme, avocate de 29 ans, dans un restaurant très fréquenté en cette veille de fête religieuse juive, a été revendiqué par le mouvement radical palestinien du Jihad islamique. En riposte à cette attaque kamikaze, l’aviation israélienne a lancé deux attaques sur la bande de Gaza dans la nuit de samedi à dimanche, faisant quelques blessés. L’armée a par la suite dynamité à Jénine et dans un village de la région deux maisons familiales, celle de l’auteur de l’attentat de Haïfa et celle d’un chef local du Jihad islamique. Quelques heures plus tôt et pour la première fois depuis deux décennies, Tsahal a attaqué un camp d’entraînement palestinien situé en territoire syrien. Ce raid intervient 30 ans presque jour pour jour après le déclenchement de guerre du Kippour. Damas a annoncé qu’il comptait saisir le Conseil de sécurité des Nations unies.
«L’armée a israélienne a agi en profondeur en territoire syrien et attaqué un camp d’entraînement utilisé par les organisations terroristes sous le parrainage de la Syrie» a indiqué un communiqué de Tsahal qui ajoute également que «la Syrie est un pays qui soutient le terrorisme et tente de façon systématique de faire échec à toute tentative pour ramener le calme et la stabilité dans la région». L’information a été confirmé quelques heures plus tard par un porte-parole au Liban du Front populaire de libération de la Palestine – Commandement général (FPLP-CG). «L’aviation israélienne a frappé un de nos anciens camps d’entraînement, qui a été évacué il y a plus d’un an et où nous avons logé par la suite des familles de réfugiés palestiniens résidant en Syrie», a affirmé Abou Rouchdi. Selon lui, les avions israéliens n’ont effectué qu’un seul passage et ont tiré «quatre missiles sol-air qui ont fait plusieurs blessés et des dégâts importants».

Ce responsable de l’organisation radicale palestinienne, qui toujours rejeté les accords d’Oslo, a qualifié le raid israélien d’«acte irresponsable visant à faire plier la Syrie afin qu’elle renonce à appuyer la résistance palestinienne». «Nous disons aux Israéliens et aux sionistes que le champ de bataille n’est pas en Syrie mais en Palestine dans nos territoires occupés où nous les attendons», a également affirmé Abou Rouchdi. Quelques heures auparavant, le Jihad islamique a nié avoir des combattants en Syrie alors que l’Etat hébreu affirmait avoir attaqué l’un des camps «utilisés» par ce mouvement en territoire syrien. «C’est certain, nous n’avons pas de base ni de combattants en Syrie ou nos activités se limitent à notre travail dans le domaine de l’information», a insisté un porte-parole de cette organisation islamiste.

C’est la première fois depuis au moins de deux décennies que l’Etat hébreu intervient militairement en Syrie. Israël n’a d’ailleurs pas exclu de lancer d’autres attaques contre «des bases terroristes» en territoire syrien. Un porte-parole du cabinet d’Ariel Sharon a précisé que le raid israélien, qui a été mené à une quinzaine de kilomètres de Damas, constituait «un avertissement pour faire comprendre à la Syrie que tous ceux qui aident et soutiennent le terrorisme ne bénéficient plus d’aucune immunité quelque soit l’endroit où ils se trouvent». Selon Raanan Gissin, «la Syrie ne peut que s’en prendre à elle-même, car elle a refusé de tenir les engagements qu’elle avait pris auprès des Etats-Unis après la guerre d’Irak de fermer les 11 quartiers généraux d’organisations terroristes installées sur son territoire».

«Terrorisme d’Etat», selon la ligue arabe

Les autorités syriennes n’ont réagi qu’en milieu de journée, plusieurs heures après le raid mené par l’aviation israélienne. Elles ont vivement condamné l’attaque qui visait selon Tashal un camp d’entraînement du Jihad islamique, mais loin d’adopter un ton ouvertement menaçant , elles ont choisi d’attaquer l’Etat hébreu devant le Conseil de sécurité et faire jouer la carte diplomatique. Dans une lettre adressée au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, le chef de la diplomatie syrienne a affirmé que «l’armée de l’air israélienne a lancé une attaques aux missiles contre une zone civile à l’intérieur du territoire syrien, dans le village de Ain as-Saheb, qui a causé des dégâts matériels». «Il s’agit d’une violation flagrante du droit international et d’une nouvelle et grave escalade», a également souligné Farouk al-Chareh. Le ministre a demandé en outre une réunion immédiate du Conseil de sécurité pour examiner «l’agression israélienne» et prendre des mesures susceptibles de «dissuader le gouvernement israélien de suivre une politique provocatrice et agressive contre la Syrie».

«La Syrie a fait preuve d’une extrême retenue», a par ailleurs souligné Farouk al-Chareh en précisant qu’elle était à même de «créer un équilibre des forces dissuasif en mesure de résister et de contraindre Israël à revoir ses calculs». Selon un analyste syrien, Imad Chouaïbi, l’attaque israélienne «constitue une violation de l’accord de désengagement entre la Syrie et Israël signé en 1974». Les Nations unies avaient déployé à l’époque, à la suite de la guerre israélo-arabe d’octobre 1973, une force chargée de surveiller le cessez-le-feu sur les hauteurs du plateau du Golan.

Le raid israélien fait craindre une escalade dans la région. Le secrétaire de la Ligue arabe a convoqué dimanche soir les représentants permanents au Caire des pays membres de l’organisation pour une réunion extraordinaire. «Ce raid constitue du terrorisme d’Etat», a affirmé Amr Moussa, qui a également indiqué qu’ «il traduit les intentions agressives d’Israël à l’égard des Arabes, élargit la zone de confrontation et nous éloigne de la voie de la paix». Réagissant à l’attaque menée par l’aviation israélienne, le Foreign office britannique a estimé qu’«Israël avait le droit de prendre des mesures pour se protéger contre des attentats terroristes mais dans le cadre du droit international». Moins mesuré, l’administration américaine a déclaré avoir à de nombreuses reprises affirmé au gouvernement syrien qu’«il se trouvait du mauvais côté de la lutte contre le terrorisme et qu’il devait cesser d’abriter des terroristes». Washington a toutefois exhorté la Syrie et Israël à «éviter toute action qui puisse accroître la tension ou conduire à des hostilités».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/10/2003