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Proche-Orient

L’économie israélienne asphyxiée

Le budget d’austérité adopté en conseil des ministres il y a une quinzaine de jours contre l’avis notamment de trois ministres de droite, pourtant des ténors du Likoud d’Ariel Sharon, a ravivé les mécontentements au sein de la société israélienne. Le mouvement de grève, déclenché lundi par la centrale syndicale israélienne Histadrout pour protester contre les nouvelles coupes prévues dans le budget social et les projets de privatisation de plusieurs entreprises publiques, a dans un premier temps été massivement suivi par les dockers avant de s’étendre aux fonctionnaires. Les débrayages affectent aujourd’hui les Caisses nationales d’assurances, le service de l’emploi, le ministère de l’Intérieur, les hôpitaux publics, les tribunaux et le fisc et concernent quelque 150 000 grévistes. Israël, qui traverse la pire crise économique de son histoire, doit désormais faire face à la très sérieuse menace de grève générale des 700 000 employés de la fonction publique proférée par la Histradout qui accuse le gouvernement Sharon d’abandonner les plus déshérités.
«Ce gouvernement a décidé de soutenir uniquement les riches et de renoncer à toutes les valeurs sociales», s’est récemment indigné Amir Peretz, le patron de la puissante centrale syndicale Histradout. Et à regarder le dernier budget d’austérité du très libéral ministre des Finances, Benjamin Netanyahou, on ne saurait lui donner tort. Une fois encore, ce-sont en effet les budgets des caisses d’assurances nationales, de la santé, de l’éducation et des affaires sociales, qui sont le plus frappés par des réductions drastiques, même si cette année, crise économique oblige, des coupes importantes ont été également opérées dans les finances du ministère de la Défense. Ces compressions, d’un montant total de 2,2 milliards de dollars par rapport à l’enveloppe budgétaire de l’année dernière, vont avoir pour principales conséquences de nouvelles baisses des allocations aux familles nombreuses et monoparentales ainsi qu’aux chômeurs et aux handicapés. Une frange de la population israélienne pourtant déjà durement touchée par la récession qui frappe depuis plusieurs années le pays.

Victimes depuis trois ans –le début de l’Intifada– des tensions sécuritaires liées au conflit avec les Palestiniens et de l’effondrement du secteur des technologies de pointe, l’économie israélienne se porte en effet très mal et les rentrées fiscales se sont asséchées. Soucieux de contenir le déficit à 4% du PIB l’an prochain –un niveau jugé déjà dangereux par les agences de notations internationales qui menacent de baisser la note de l’économie israélienne–, Benjamin Netanyahou, fidèle à ses options ultra-libérales, compte largement financer la réduction du déficit budgétaire par des privatisations qui pourraient très prochainement concerner des banques, les Raffineries nationales de pétrole et Bezek, la compagnie des télécommunications. Le ministre des Finances, qui affirme vouloir sortir le pays d’«une culture de l’assistanat pour le mener à une culture du travail», refuse en revanche de revenir sur la baisse des impôts promise pour juillet 2004 et encore moins d’augmenter la fiscalité sur les revenus du capital. Les taxes indirectes pourraient elles connaître de nouvelles augmentations avec notamment la hausse du prix de l’essence, des cigarettes et des transports.

Recul de 10% du niveau de vie en deux ans

Dans un contexte social en crise, ces choix économiques de Benjamin Netanyahou devraient, estiment de nombreux observateurs, aggraver encore le fossé qui existe entre les Israéliens les plus riches et les plus pauvres. Après dix ans de croissance soutenue qui ont culminé avec un taux record de 6% en 2000, l’Etat hébreu a en effet vu tous ces indicateurs virer au rouge. Avec un chiffre qui approche les 300 000 demandeurs d’emploi, le taux de chômage touche désormais 11% de la population israélienne contre 8,7 en 2000. En deux ans, le niveau de vie des Israéliens a chuté de 10% et les salaires ont baissé de 6,4% en moyenne au cours du premier semestre 2003 par rapport à la même période de l’année précédente. Selon les dernières estimations, le PIB par habitant devrait reculer cette année encore de 2,5%. Des secteurs comme le bâtiment ou le tourisme, porteurs pour l’économie israélienne, enregistrent une chute d’activités de 25%.

Plus d’un million d’Israéliens, sur une population totale de 6,5 millions, vivent en outre en dessous du seuil de pauvreté. Un rapport du ministère israélien de la Santé, le premier du genre, a ainsi récemment révélé que 22% de la population est trop pauvre pour s’alimenter de façon régulière et équilibrée. Le document constate notamment que 300 000 Israéliens ont perdu du poids parce qu’ils n’ont pas pu s’acheter de nourriture et 500 000 ont renoncé à au moins un repas par jour. Les organisations caritatives évoquent d’ailleurs un afflux de plus en plus important devant les soupes populaires.

Dans ce climat de crise, on comprend mieux l’inquiétude de la centrale syndicale Histradout face aux objectifs de privatisation affichés par Benjamin Netanyahou. La grève déclenchée lundi, qui a interrompu le trafic portuaire –au point ou le gouvernement menace de recourir aux ports voisins d’Aqaba en Jordanie et Port Saïd en Egypte – et perturbé le trafic aérien, pourrait dans ce contexte avoir un effet d’entraînement sur de nombreux autres secteurs. Déjà suivie par quelque 150 000 personnes, elle pourrait concerner l’ensemble des 700 000 fonctionnaires si la Histradout met à exécution sa menace de grève générale.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 02/10/2003