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Proche-Orient

Vers l’application de la feuille de route ?

Reportée à plusieurs reprises, la rencontre des Premiers ministres israélien et palestinien a finalement eu lieu jeudi soir, à Jérusalem-Ouest, dans les bureaux d’Ariel Sharon. Cette réunion, la première depuis l’adhésion le week-end dernier sous certaines réserves du cabinet israélien à la feuille de route présentée par le quartette, a duré trois heures et a été qualifiée de positive par les deux parties. Elle intervient à quelques jours du sommet d’Aqaba en Jordanie au cours duquel le président américain devrait tenter d’arracher aux Israéliens et aux Palestiniens des engagements concrets sur le plan de paix qui doit aboutir à la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005.
Les deux parties ont rivalisé de qualificatifs pour décrire la rencontre des deux chefs de gouvernement à Jérusalem. Pour le cabinet d’Ariel Sharon, «l’atmosphère était très bonne, très positive». Et côté palestinien, les discussions ont été qualifiées de «sérieuses, sincères et bénéfiques». Après plus de deux ans et demi de violences consécutives au déclenchement de l’Intifada en septembre 2000, l’espoir semble de nouveau permis au Proche-Orient. La nouvelle politique de la Maison Blanche dans la région n’est sans doute pas étrangère à cette situation. Le président américain, qui doit rencontrer la semaine prochaine à Aqaba les deux Premiers ministres israélien et palestinien, semble en effet décidé à pousser les deux parties à appliquer la feuille de route. Alors qu’il a toujours apporté un soutien sans réserve à Ariel Sharon, George Bush affirme aujourd’hui être prêt à «faire pression sur Ariel Sharon» pour mettre fin à un conflit qui selon ses propres termes n’a que trop duré.

Pressions américaines ou non ? Le cabinet israélien, après avoir accepté «sous réserve» la semaine dernière la feuille de route du quartette, vient d’annoncer une série de mesures d’allègement pour la population palestinienne, un message fort destiné à Washington à quelques jours du sommet d’Aqaba. Les autorités israéliennes ont ainsi décidé une levée du bouclage stricte des territoires palestiniens, de sorte à permettre à quelque 25 000 ouvriers –15 000 de la bande de Gaza et 10 000 de Cisjordanie– de travailler en Israël. L’armée avait réimposé le 18 mai dernier le bouclage total des territoires à la suite d’une vague d’attentats. Cette nouvelle mesure est en fait largement symbolique puisque depuis le début de l’Intifada, l’immense majorité des Palestiniens est interdite d’entrée en Israël, ce qui a provoqué un effet désastreux sur l’économie dans les territoires. Avant cette date, quelque 120 000 Palestiniens disposaient en effet d’un permis de travail en Israël et plus de 100 000 d’entre eux y travaillaient au noir. Toujours sur le plan économique, Israël a également annoncé un relèvement des versements des taxes mensuelles dues à l’Autorité palestinienne qui seront désormais portées à 30 millions de dollars par mois. L’Etat hébreu avait interrompu le versement d’une partie de ces revenus fiscaux depuis le début de l’Intifada il y a 32 mois.

Les autorités israéliennes se sont également engagées à fournir des saufs-conduits à de hauts responsables palestiniens pour qu’ils puissent passer les barrages militaires et transiter à travers le territoire israélien. Le Conseil législatif palestinien avait, à de nombreuses reprises, dû renoncer à se réunir, ses membres ne pouvant se rendre à Ramallah. Enfin la dernière mesure prise par l’Etat hébreu concerne la libération de prisonniers. Parmi ces détenus figure Taysir Khalid, le chef présumé pour la Cisjordanie du Front démocratique de libération de la Palestine et considéré, après le député Marwan Barghouti, comme le plus important prisonnier palestinien. Ahmed Jbarra Abou Soukkar, détenu par l’Etat hébreu depuis 27 ans pourrait également être libéré ainsi qu’une centaine d’autres prisonniers actuellement sous le coup d’un ordre de détention administrative.

Déclaration commune à Aqaba

Si ces mesures décidées par les autorités israéliennes contribuent fortement à restaurer un climat de confiance entre les deux parties, elles sont loin de gommer les divergences de points de vue entre Israéliens et Palestiniens. Alors que Mahmoud Abbas réclame un retrait total des troupes de Tsahal déployées dans les territoires, Ariel Sharon est lui plutôt favorable à un retrait partiel et graduel. Selon les Israéliens, l’armée serait prête à se retirer du Nord de la bande de Gaza et de certaines villes de Cisjordanie afin de créer des terrains d’expérimentation et de tester la capacité des autorités palestiniennes à réprimer les mouvements radicaux. Cette proposition inquiète l’entourage de Mahmoud Abbas qui redoute que les services palestiniens, très affaiblis par les nombreuses incursions israéliennes, ne soient pas en mesure de garantir un arrêt strict des violences et que l’Etat hébreu n’use de ce prétexte pour saborder le plan de paix. Il craint en outre qu’Israël ne poursuive sa politique d’élimination d’activistes palestiniens.

Autre point de désaccord entre les deux parties, l’exigence d’Israël que soient démantelés tous les groupes radicaux palestiniens. Les autorités israéliennes réclament également l’arrestation des terroristes et la confiscation des armes illégales. Ces exigences pourraient s’apparenter à un suicide politique pour le nouveau gouvernement de Mahmoud Abbas. Les autorités palestiniennes craignent en effet que de telles mesures ne déclenchent une guerre civile et s’efforcent actuellement de négocier une trêve avec les mouvements radicaux palestiniens.

Tous ces désaccords devraient être discutés la semaine prochaine lors du sommet d’Aqaba. Les deux parties, qui comptent chacune sur le soutien du président Bush, se sont d’ores et déjà engagées à signer une déclaration commune, qui sera le préambule à l’application des premières mesures prévues par la feuille de route.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 30/05/2003