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Proche-Orient

«<i>Un moment capital dans l’histoire du Proche-Orient</i>»

Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin était en tournée à Jérusalem et Ramallah. Alors qu’Ariel Sharon et Mahmoud Abbas doivent se rencontrer d’ici mercredi, il a tenté de créer une dynamique autour de la «feuille de route».
De notre correspondant dans les Territoires occupés.

C’est peu de le dire : depuis sa publication il y a un mois, la Feuille de route n’a jamais soulevé l’enthousiasme. Des chicaneries israéliennes sur la formulation du texte aux arguties au sein du Quartet (ONU, Etats-Unis, Russie, Union Européenne) sur les mécanismes de supervision, ce plan, censé résoudre un demi-siècle de conflit, peine à susciter un véritable élan de paix. En visite à Ramallah lundi, Dominique de Villepin, s’est efforcé de remédier à ce manque. Avec le «oui» du cabinet Sharon, fut-il du bout des lèvres, et les espoirs de sommet Bush-Abbas-Sharon en Jordanie, le contexte s’y prêtait. Usant de l’allant dont il est coutumier, le ministre français des Affaires étrangères a donc tenté de mettre un peu de souffle dans les voiles de la «feuille de route». «Nous vivons un moment capital de l’histoire du Proche-Orient, a-t-il déclaré. Il faut tourner la page, regarder vers l’avenir. Nous sommes tous convaincus de la nécessité de faire justice au peuple palestinien et d’apporter aux Israéliens des garanties dans le domaine de la sécurité». Et d’ajouter, en allusion aux obligations qui incombent aux deux signataires du plan de paix : «A chacun de faire sa part du chemin pour que ce que nous entrevoyons aujourd’hui devienne une réalité».

La visite de Dominique de Villepin à Ramallah comportait trois rendez-vous : avec son homologue Nabil Shaath, puis à la Mouqataa avec Yasser Arafat et enfin avec Mahmoud Abbas, le nouveau Premier ministre. A chacune de ses étapes, le ministre français a martelé sa conviction qu’«il y a une chance à saisir». Pour ce faire, les Israéliens doivent «geler la colonisation, arrêter les opérations militaires, libérer les prisonniers et évacuer les territoires» saisis depuis le début de l’Intifada. Quant aux Palestiniens, ils doivent «poursuivre les réformes et lutter avec fermeté et sans appel contre le terrorisme», a-t-il dit. A ce sujet, Dominique de Villepin s’est félicité «de la détermination et de l’unité des dirigeants palestiniens». Lors d’une conférence de presse conjointe, Nabil Shaath s’est d’ailleurs dit confiant d’obtenir une trêve avec le Hamas et le Djihad, «si les Israéliens cessent leurs opérations». La tournée à Ramallah du chef du Quai d’Orsay s’est achevée dans le camp de réfugiés d’El Amari. Confronté aux ruelles délabrées, aux appartements surpeuplés, attentif aux difficultés des employés de l’UNRWA, l’agence des Nations Unies qui gère le camp, Dominique de Villepin s’est indigné de «l’injustice toujours faite au peuple palestinien».

Boycotté par Ariel Sharon

Dimanche, le volet israélien de son voyage avait été beaucoup moins aisé. Boycotté par Ariel Sharon du fait de sa rencontre avec Yasser Arafat, le ministre des Affaires étrangères français s’est entretenu avec le président israélien, Moshe Katsav et surtout son homologue Silvan Shalom. Les deux hommes sont convenus d’établir «un comité de haut niveau pour l’amélioration des relations» bilatérales. Il sera chargé d’étudier des projets conjoints dans le domaine de l’éducation, de la culture ou encore de la science. En matière de diplomatie en revanche, aucun terrain d’entente n’a été trouvé. A la demande de la France que les membres européens du Quartet soient impliqués dans la supervision de la Feuille de route, Shalom a répondu par la négative. Seuls les Etats-Unis trouvent grâce aux yeux du gouvernement d’Ariel Sharon. De son côté, Dominique de Villepin a éludé la demande israélienne que les Palestiniens renoncent au droit au retour, en rappelant qu’au sommet de Taba, en janvier 2001, les négociateurs d’Ehud Barak avaient accepté le principe du retour en Israël de 40 000 réfugiés.

Dimanche soir, lors d’un dîner à l’Hôtel King David, le ministre français s’est lancé dans un long plaidoyer pour la paix. «L'alternative à la ‘feuille de route’, ce n'est pas le statu quo, mais le gouffre», a-t-il dit. De Villepin a certes tenu à souligner l'engagement de la France à assurer la sécurité d'Israël. «La France n'a jamais transigé sur la sécurité de votre pays. (...) Nous comprenons qu'Israël mette au premier plan de ses préoccupations la sécurité de ses citoyens et nous serons toujours à ses côtés contre le fanatisme, la haine et la violence», a-t-il dit. Mais il a aussi insisté sur la nécessité d’un horizon politique. «A lui seul, l'objectif de la sécurité ne permet pas d'assurer la paix. Sans perspective politique, il attise la violence, a-t-il dit. Nous devons arracher cette région au vertige qui l'étreint. (...) Je le dis avec amitié et conviction : cela ne sera pas possible sans des choix courageux, des compromis, des ouvertures». Mahmoud Abbas et Ariel Sharon auront l’occasion d’en parler très vite. Les deux Premiers ministres doivent se rencontrer pour la deuxième fois d’ici mercredi.



par Benjamin  Barthe

Article publié le 26/05/2003