Proche-Orient
L’épineux dossier des réfugiés palestiniens
Après des semaines de tergiversations, le gouvernement d’Ariel Sharon a finalement accepté la feuille de route pour un règlement du conflit israélo-palestinien. Pour la première fois, il s’engage donc officiellement à reconnaître un Etat palestinien à l’horizon 2005. Cette décision s’accompagne toutefois de la réaffirmation par Israël d’une série d’objections parmi lesquelles un rejet catégorique de tout droit au retour pour les réfugiés. Même si le plan de paix présenté par le quartette ne mentionne pas spécifiquement ce droit au retour mais affirme seulement la nécessité de trouver «une solution juste et réaliste sur la question des réfugiés», le cabinet Sharon a tenu à marquer fermement sa position avant toute reprise des négociations. Cet épineux dossier pose en effet le problème de la raison d’être même de l’Etat hébreu puisque l’application de ce droit au retour porterait la population arabe à égalité avec la population juive et dans ce contexte mettrait en péril la réalité sioniste d’Israël.
La longue et douloureuse histoire des réfugiés palestiniens commence dès 1947. Le 29 novembre, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 181 qui définit le partage de la Palestine en deux Etats, juif et arabe. Dès les premiers jours qui ont suivi cette décision, une «guerre civile» oppose juifs et arabes et des milliers de Palestiniens fuient alors les combats. Six mois plus tard, le 14 mai 1948, date à laquelle David Ben Gourion déclare officiellement la création de l’Etat d’Israël, les pays arabes frontaliers de la Palestine lancent une offensive contre le tout jeune Etat hébreu. Cette guerre, qui se poursuivra jusqu’au 20 juillet 1949, jette sur les routes entre 700 000 et 800 000 arabes qui quittent leur terre pour trouver refuge dans les Etats voisins. Pour les Palestiniens, cet épisode noir de leur histoire est appelé Nakba, la catastrophe. Israéliens et arabes s’accusent mutuellement de cet exode massif. Les premiers évoquent un départ volontaire de la population arabe soit pour fuir les combats, soit pour «libérer le champ de bataille» à la demande des armées arabes. Les seconds accusent a contrario l’Etat hébreu d’avoir organisé un plan d’expulsion des populations arabes.
La réalité semble être à mi-chemin entre ces deux versions. Depuis une quinzaine d’années l’ouverture des archives de la guerre de 1948 a en effet permis aux historiens israéliens de rétablir les faits. Ces derniers démentent que les Palestiniens aient quitté le champ de bataille à la demande des armées arabes, n’ayant trouvé aucun appel de la sorte. Ils démentent également l’existence d’un vaste plan destiné à les jeter sur les routes de l’exil. Ils affirment en revanche que des expulsions de villages ont bien eu lieu ainsi que des massacres de populations arabes, le plus connu étant celui de Deir Yassine. Près de 400 villages ont en outre été détruits durant cette période. C’est cette situation qui a créé un climat de terreur et de panique à l’origine du départ «spontané» des populations arabes.
Le 11 décembre 1948, en pleine guerre israélo-arabe, l’Assemblée générale de l’Onu vote la résolution 194 qui affirme notamment qu’il faut «permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leur foyer le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins». Plus d’un demi-siècle plus tard, le problème des réfugiés n’est toujours pas résolu et l’UNRWA, l’agence onusienne créée en 1949 pour leur apporter assistance et secours matériels en attendant un règlement politique de la question palestinienne, est toujours en place et prend désormais en charge leurs petits-enfants. Elle gère également les quelque 300 000 réfugiés, ainsi que leurs descendants, qui ont fuit l’occupation en 1967, après la guerre des six jours, des Territoires palestiniens par l’Etat hébreu. En 2002, le nombre de Palestiniens inscrits auprès de cet organisme atteignait près de 4 millions de personnes vivant dans des camps installés au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Le droit au retour, un suicide politique pour Israël
Le problème des réfugiés palestiniens, qui pour certains vivent dans des camps depuis quatre générations, est un cas unique dans l’histoire contemporaine. Et le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unis convient qu’«ils ont été déplacés plus longtemps que n’importe quel autre groupe de réfugiés comparables». Le droit au retour de ces populations est donc devenu un rêve nourri de génération en génération. Il a largement été entretenu par la direction palestinienne qui en a fait l’une de ses principales revendications politiques. Cela explique sans doute que ces réfugiés n’aient jamais été intégrés dans leur pays d’accueil. En Jordanie où ils représentent 70% de la population, le royaume Hachémite leur a certes accordé la nationalité mais ils continuent à vivre dans des camps dans l’attente d’un hypothétique retour. Le Liban, tout comme la Syrie, ont en revanche refusé de les intégrer.
La complexité du dossier des réfugiés et ses implications en Israël expliquent sans doute que la résolution de ce problème a été souvent reportée à une date ultérieure à chaque négociation israélo-palestinienne. Il a d’ailleurs perdu, lors des accords d’Oslo, toute sa priorité, les deux parties cherchant coûte que coûte à aller de l’avant. Mais l’euphorie qui a suivi la signature des accords et l’illusion selon laquelle la question palestinienne serait très bientôt réglée ont provoqué une diminution drastique des moyens alloués à l’UNWRA. Aujourd’hui et après deux ans et demi d’Intifada, les conditions de vie des réfugiés palestiniens se sont sensiblement dégradés. Dans les territoires occupés, la moitié d’entre eux vit en dessous du seuil de pauvreté et au Liban, ce chiffre atteint souvent les 60%.
Si elle apparaît à bien des égards légitime, la revendication du droit au retour des réfugiés palestiniens, semble aujourd’hui inapplicable. L’Etat hébreu refuse en effet un retour massif des Palestiniens qui porterait sa population à environ 9 millions et demi d’habitants, dont une population juive de 5 millions et une population arabe de 4 millions et demi. L’écart de croissance démographique entre les deux groupes transformerait rapidement Israël en un pays à majorité arabe et confirmerait donc sa disparition comme Etat juif, ce qui est sa raison d’être fondamentale. Aujourd’hui certains responsables palestiniens reconnaissent que l’application de ce droit du retour constitue un suicide politique pour l’Etat hébreu. Mais cela ne règle pas pour autant le dossier des réfugiés, les deux parties n’étant visiblement pas prêtes à faire des concessions.
La réalité semble être à mi-chemin entre ces deux versions. Depuis une quinzaine d’années l’ouverture des archives de la guerre de 1948 a en effet permis aux historiens israéliens de rétablir les faits. Ces derniers démentent que les Palestiniens aient quitté le champ de bataille à la demande des armées arabes, n’ayant trouvé aucun appel de la sorte. Ils démentent également l’existence d’un vaste plan destiné à les jeter sur les routes de l’exil. Ils affirment en revanche que des expulsions de villages ont bien eu lieu ainsi que des massacres de populations arabes, le plus connu étant celui de Deir Yassine. Près de 400 villages ont en outre été détruits durant cette période. C’est cette situation qui a créé un climat de terreur et de panique à l’origine du départ «spontané» des populations arabes.
Le 11 décembre 1948, en pleine guerre israélo-arabe, l’Assemblée générale de l’Onu vote la résolution 194 qui affirme notamment qu’il faut «permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leur foyer le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins». Plus d’un demi-siècle plus tard, le problème des réfugiés n’est toujours pas résolu et l’UNRWA, l’agence onusienne créée en 1949 pour leur apporter assistance et secours matériels en attendant un règlement politique de la question palestinienne, est toujours en place et prend désormais en charge leurs petits-enfants. Elle gère également les quelque 300 000 réfugiés, ainsi que leurs descendants, qui ont fuit l’occupation en 1967, après la guerre des six jours, des Territoires palestiniens par l’Etat hébreu. En 2002, le nombre de Palestiniens inscrits auprès de cet organisme atteignait près de 4 millions de personnes vivant dans des camps installés au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Le droit au retour, un suicide politique pour Israël
Le problème des réfugiés palestiniens, qui pour certains vivent dans des camps depuis quatre générations, est un cas unique dans l’histoire contemporaine. Et le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unis convient qu’«ils ont été déplacés plus longtemps que n’importe quel autre groupe de réfugiés comparables». Le droit au retour de ces populations est donc devenu un rêve nourri de génération en génération. Il a largement été entretenu par la direction palestinienne qui en a fait l’une de ses principales revendications politiques. Cela explique sans doute que ces réfugiés n’aient jamais été intégrés dans leur pays d’accueil. En Jordanie où ils représentent 70% de la population, le royaume Hachémite leur a certes accordé la nationalité mais ils continuent à vivre dans des camps dans l’attente d’un hypothétique retour. Le Liban, tout comme la Syrie, ont en revanche refusé de les intégrer.
La complexité du dossier des réfugiés et ses implications en Israël expliquent sans doute que la résolution de ce problème a été souvent reportée à une date ultérieure à chaque négociation israélo-palestinienne. Il a d’ailleurs perdu, lors des accords d’Oslo, toute sa priorité, les deux parties cherchant coûte que coûte à aller de l’avant. Mais l’euphorie qui a suivi la signature des accords et l’illusion selon laquelle la question palestinienne serait très bientôt réglée ont provoqué une diminution drastique des moyens alloués à l’UNWRA. Aujourd’hui et après deux ans et demi d’Intifada, les conditions de vie des réfugiés palestiniens se sont sensiblement dégradés. Dans les territoires occupés, la moitié d’entre eux vit en dessous du seuil de pauvreté et au Liban, ce chiffre atteint souvent les 60%.
Si elle apparaît à bien des égards légitime, la revendication du droit au retour des réfugiés palestiniens, semble aujourd’hui inapplicable. L’Etat hébreu refuse en effet un retour massif des Palestiniens qui porterait sa population à environ 9 millions et demi d’habitants, dont une population juive de 5 millions et une population arabe de 4 millions et demi. L’écart de croissance démographique entre les deux groupes transformerait rapidement Israël en un pays à majorité arabe et confirmerait donc sa disparition comme Etat juif, ce qui est sa raison d’être fondamentale. Aujourd’hui certains responsables palestiniens reconnaissent que l’application de ce droit du retour constitue un suicide politique pour l’Etat hébreu. Mais cela ne règle pas pour autant le dossier des réfugiés, les deux parties n’étant visiblement pas prêtes à faire des concessions.
par Mounia Daoudi
Article publié le 27/05/2003