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Proche-Orient

L’Autorité palestinienne en crise

Officiellement, Ahmed Qoraï conserve la confiance du président de l’Autorité palestinienne. Le conseiller de Yasser Arafat, Nabil Abou Roudeina, a même minimisé les divergences entre les deux hommes les qualifiant de «problèmes intérieurs normaux». L’annonce de la démission du nouveau Premier ministre, 48 heures après sa prestation de serment, a pourtant plongé l’Autorité palestinienne dans une grave crise au point d’inquiéter la communauté internationale. Une crise, qui une fois encore, illustre un bras de fer pour le contrôle des services de sécurité palestiniens.
Un mois après la démission le 6 septembre dernier de Mahmoud Abbas de son poste de Premier ministre, c’est autour de son successeur de jeter l’éponge. Ahmed Qoraï a en effet annoncé jeudi au président Yasser Arafat qu’il renonçait à diriger le cabinet d’urgence nommé dimanche dernier et au nom duquel il a pourtant prêté serment mardi. Le Conseil législatif palestinien, qui avait été convoqué jeudi pour introniser le gouvernement Qoraï, s’est donc dispersé sine die. A l’origine de cette nouvelle crise, deux visions opposées du fonctionnement de l’institution gouvernemental. Yasser Arafat souhaite en effet que le nouveau cabinet d’urgence restreint, qu’il a nommé au lendemain du sanglant attentat de Haïfa pour une durée de 30 jours, gouverne par décret et donc qu’il ne soit pas comptable devant le Conseil législatif palestinien. Ahmed Qoraï, qui s’était rallié dans un premier temps à cette option, a changé d’opinion estimant qu’il lui serait difficile d’appliquer son programme sans un vote de confiance du parlement. Il a donc opté pour un cabinet ordinaire restreint, d’autant qu’une majorité de députés, parmi lesquels des membres du Fatah de Yasser Arafat et d’Ahmed Qoraï, ont vivement dénoncé la mise en place d’un tel cabinet le jugeant «anticonstitutionnel».

Mais derrière cette querelle institutionnelle, se profile une fois encore la bataille pour le contrôle des services de sécurité palestiniens. Après avoir dans un premier temps accepté la nomination de Nasser Youssef à la tête du ministère de l’Intérieur, Yasser Arafat est revenu jeudi sur sa décision. Il est vrai que ce général, pourtant réputé être un proche du leader palestinien, avait refusé officiellement de participer à la prestation de serment de Ahmed Qoraï et de son cabinet restreint de huit ministres, tant que le Conseil législatif palestinien n’aurait pas voté sa confiance au gouvernement. En réalité, selon des sources palestiniennes, Yasser Arafat aurait reculé au dernier moment devant le transfert au nouveau ministre de l’Intérieur des pouvoirs sur les services de sécurité. Cette information a certes été démentie par le très fidèle conseiller sécuritaire du vieux raïs, Jibril Rajoub, qui répétait à qui voulait l’entendre que «toutes les forces de sécurité ont été placées sous les ordres de Nasser Youssef». Mais chacun se souviendra que l’ancien Premier ministre, Mahmoud Abbas, avait justement démissionné pour les mêmes raisons, à savoir la mainmise de Yasser Arafat sur les quelque 35 000 à 40 000 hommes qui forment la Force de sécurité nationale. En tant que détenteur du portefeuille de l’Intérieur, l’ancien chef du gouvernement ne contrôlait en effet que la police, la défense civile et la sécurité préventive.

Inquiétude de la communauté internationale

La démission d’Ahmed Qoraï a inquiété de nombreuses capitales occidentales. Et si Washington a adopté une position prudente, refusant de confirmer l’information, plusieurs responsables européens ont mis en garde contre les conséquences d’une telle décision. Romano Prodi, le président de la Commission européenne, a ainsi estimé que le départ de Ahmed Qoraï constituait «une contribution négative au processus de paix». Le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, en déplacement au Maroc où il accompagne le président Jacques Chirac en visite d’Etat dans le royaume, a par ailleurs téléphoné à Yasser Arafat pour lui faire part de l’inquiétude de la France. Il a encouragé le leader palestinien «à favoriser, dans l'intérêt de l'unité des Palestiniens, la constitution d'un gouvernement qui pourra assumer l'ensemble de ses responsabilités le plus vite possible», indique un communiqué du ministère français des Affaires étrangères.

Dans ce contexte, les tractations allaient bon train vendredi pour tenter de rapprocher les positions de Yasser Arafat et de son Premier ministre Ahmed Qoraï, à qui, selon ses proches, il maintient sa confiance. Un proche du président palestinien a ainsi déclaré sous couvert de l’anonymat qu’«un arrangement sera probablement trouvé dans les 24 heures» à propos des divergences qui opposent les deux hommes. Yasser Arafat pourrait en effet finir par lâcher du lest concernant la nature du cabinet restreint. Mais beaucoup d’observateurs doutent en revanche qu’ils renoncent à ses prérogatives concernant les services de sécurité. Le vieux leader entend en effet nommer lui-même les chefs de ces principaux services comme adjoints du général Nasser Youssef, tout en les maintenant sous sa responsabilité directe et non sous celle du ministre de l’Intérieur. Une position que ni Ahmed Qoraï, ni Nasser Youssef ne sont prêt à rejoindre.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 10/10/2003