Proche-Orient
Powell-Arafat : trois heures de discussions
La rencontre entre le secrétaire d’Etat américain et le président palestinien a bien eu lieu, ce dimanche à Ramallah. Elle a été «utile et constructive», selon Washington. Arafat a une nouvelle fois demandé le «retrait immédiat» de l’armée israélienne des localités qu’elle occupe en Cisjordanie.
Le bâtiment était criblé d’impacts de balles et d’obus, l’eau coupée et les toilettes bouchées. C’est dans un décor très peu diplomatique que la plus attendue des rencontres du secrétaire d’Etat américain a eu lieu, ce dimanche matin. A Ramallah, chez Yasser Arafat, le président de l’Autorité palestinienne âgé de soixante-douze ans et toujours cerné par armée israélienne qui ne compte pas se retirer des villes palestiniennes occupées depuis le début de l’opération «Rempart».
L’impressionnant convoi blindé de Tsahal qui a conduit Colin Powell à ce qu’on appelle toujours le quartier général de l’Autorité palestinienne a dû traverser un champ de ruines : maisons détruites, voitures écrasées par les bulldozers, égouts béants, boutiques défoncées. Le couvre-feu étant toujours en vigueur, aucun Palestinien n’a osé se montrer.
Une douzaine de policiers américains en bleu marine, deux chars et une dizaine de soldats israéliens ont constamment assuré la protection de Powell, qui, avant de serrer la main d’Arafat est passé devant la garde rapprochée du leader palestinien - la fameuse «Force 17» - et un semblant de barricade : des meubles cassés et des chariots de supermarché entreposés dans une partie de l’immeuble encore débout. Arafat semblait visiblement fatigué : il en est à son 16ème jour de siège. «Il est physiquement tendu, mais il se sent bien, a dit l’un de ses collaborateur. Bien sûr, il est sous pression, une pression anormale pour un homme âgé comme lui, mais je pense qu’il va dominer tout cela».
Quelques dizaines de militants pro-palestiniens de diverses nationalités ont en vain tenté de faire entendre leurs slogans pacifistes. Bravant le couvre-feu avec un drapeau blanc, ils ont été bloqués par l’armée israélienne loin du quartier général palestinien.
Washington veut «donner une chance» au président palestinien
Powell et Arafat s’étaient rencontrés pour la dernière fois en novembre dernier, à New York, lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Que se sont-ils dit cette fois-ci, trois heures durant, dans une salle à manger du deuxième étage de la Moqataa, le «palais présidentiel» d’Arafat ? Du côté palestinien, un conseiller du président palestinien a déclaré que celui-ci a insisté sur «la nécessité d’un retrait israélien» immédiat des villes toujours occupées par Tsahal. Du côté américain, Colin Powell a fait savoir que la rencontre avait été «utile et constructive». Autant dire que ces discussions, nécessairement tendues, n’ont apparemment donné aucun résultat concret, même si le simple fait que cette rencontre ait pu se tenir en dépit de l’hostilité d’Ariel Sharon est sans doute quelque chose de positif. Du moins pour le leader palestinien, que le gouvernement israélien continue de vouloir discréditer, mais qui est ainsi reconnu de facto comme un interlocuteur valable par la première puissance de la planète.
«Nous savons que le président Arafat est la personne qui représente l’Autorité palestinienne aujourd’hui, a dit à ce propos le secrétaire général de la Maison blanche, Andrew Card, peu après la rencontre Powell-Arafat. Il a fait une déclaration (condamnant le terrorisme) dont nous pensons qu’elle est constructive. Nous espérons que les actions suivront la rhétorique. Nous lui donnons une chance d’être un leader. Il doit faire preuve de ce leadership, et pas seulement en terme de sécurité mais d’espoir pour le peuple palestinien. Maintenant le fardeau est sur les épaules de M. Arafat et des leaders arabes modérés. Les responsables de la région doivent aider le président Arafat à assumer ses responsabilités de leader».
Pour la même raison, le fait que le secrétaire d’Etat n’exclut pas une autre rencontre avec le leader palestinien - peut-être mardi prochain - indique bien que les négociations sont engagées. De plus, les deux délégations américaine et palestinienne doivent se réunir à nouveau ce lundi «non pas pour négocier mais pour trouver un moyen d’avancer», a précisé le secrétaire d’Etat adjoint Richard Armitage.
D’ici là Colin Powell, après avoir rencontré de nouveau ce dimanche le Premier ministre israélien Ariel Sharon, poursuivra sa tournée au Proche-Orient. Il tentera d’éteindre un autre incendie, en rencontrant les autorités libanaises et syriennes : celui qui a de nouveau éclaté à la frontière libano-israélienne. Le temps des navettes diplomatiques semble de nouveau à l’ordre du jour.
A écouter également :
Louis Michel
Ministre Belge des Affaires étrangères, invité de Quentin Dickinson. (15/04/2002)
L’impressionnant convoi blindé de Tsahal qui a conduit Colin Powell à ce qu’on appelle toujours le quartier général de l’Autorité palestinienne a dû traverser un champ de ruines : maisons détruites, voitures écrasées par les bulldozers, égouts béants, boutiques défoncées. Le couvre-feu étant toujours en vigueur, aucun Palestinien n’a osé se montrer.
Une douzaine de policiers américains en bleu marine, deux chars et une dizaine de soldats israéliens ont constamment assuré la protection de Powell, qui, avant de serrer la main d’Arafat est passé devant la garde rapprochée du leader palestinien - la fameuse «Force 17» - et un semblant de barricade : des meubles cassés et des chariots de supermarché entreposés dans une partie de l’immeuble encore débout. Arafat semblait visiblement fatigué : il en est à son 16ème jour de siège. «Il est physiquement tendu, mais il se sent bien, a dit l’un de ses collaborateur. Bien sûr, il est sous pression, une pression anormale pour un homme âgé comme lui, mais je pense qu’il va dominer tout cela».
Quelques dizaines de militants pro-palestiniens de diverses nationalités ont en vain tenté de faire entendre leurs slogans pacifistes. Bravant le couvre-feu avec un drapeau blanc, ils ont été bloqués par l’armée israélienne loin du quartier général palestinien.
Washington veut «donner une chance» au président palestinien
Powell et Arafat s’étaient rencontrés pour la dernière fois en novembre dernier, à New York, lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Que se sont-ils dit cette fois-ci, trois heures durant, dans une salle à manger du deuxième étage de la Moqataa, le «palais présidentiel» d’Arafat ? Du côté palestinien, un conseiller du président palestinien a déclaré que celui-ci a insisté sur «la nécessité d’un retrait israélien» immédiat des villes toujours occupées par Tsahal. Du côté américain, Colin Powell a fait savoir que la rencontre avait été «utile et constructive». Autant dire que ces discussions, nécessairement tendues, n’ont apparemment donné aucun résultat concret, même si le simple fait que cette rencontre ait pu se tenir en dépit de l’hostilité d’Ariel Sharon est sans doute quelque chose de positif. Du moins pour le leader palestinien, que le gouvernement israélien continue de vouloir discréditer, mais qui est ainsi reconnu de facto comme un interlocuteur valable par la première puissance de la planète.
«Nous savons que le président Arafat est la personne qui représente l’Autorité palestinienne aujourd’hui, a dit à ce propos le secrétaire général de la Maison blanche, Andrew Card, peu après la rencontre Powell-Arafat. Il a fait une déclaration (condamnant le terrorisme) dont nous pensons qu’elle est constructive. Nous espérons que les actions suivront la rhétorique. Nous lui donnons une chance d’être un leader. Il doit faire preuve de ce leadership, et pas seulement en terme de sécurité mais d’espoir pour le peuple palestinien. Maintenant le fardeau est sur les épaules de M. Arafat et des leaders arabes modérés. Les responsables de la région doivent aider le président Arafat à assumer ses responsabilités de leader».
Pour la même raison, le fait que le secrétaire d’Etat n’exclut pas une autre rencontre avec le leader palestinien - peut-être mardi prochain - indique bien que les négociations sont engagées. De plus, les deux délégations américaine et palestinienne doivent se réunir à nouveau ce lundi «non pas pour négocier mais pour trouver un moyen d’avancer», a précisé le secrétaire d’Etat adjoint Richard Armitage.
D’ici là Colin Powell, après avoir rencontré de nouveau ce dimanche le Premier ministre israélien Ariel Sharon, poursuivra sa tournée au Proche-Orient. Il tentera d’éteindre un autre incendie, en rencontrant les autorités libanaises et syriennes : celui qui a de nouveau éclaté à la frontière libano-israélienne. Le temps des navettes diplomatiques semble de nouveau à l’ordre du jour.
A écouter également :
Louis Michel
Ministre Belge des Affaires étrangères, invité de Quentin Dickinson. (15/04/2002)
par Elio Comarin
Article publié le 14/04/2002