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Proche-Orient

Mission presque impossible pour Powell

La visite du secrétaire d’État américain Colin Powell en Israël a été marquée par un nouvel attentat-suicide, vendredi à Jérusalem. Revendiqué par un groupe armé proche du Fatah de Yasser Arafat, les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, il a fait au moins 6 morts et une cinquantaine de blessés. Le président américain George W. Bush a condamné l'attentat, mais, selon la Maison Blanche, n'est pas découragé dans sa volonté de rechercher la paix dans la région. Colin Powell a cependant reporté - vraisemblablement à dimanche - sa rencontre avec Arafat prévue pour ce samedi 13 avril. De son côté Arafat a condamné "toutes les actions terroristes contre des civils, israéliens ou palestiniens".
Après être restés longtemps inactifs, ce qui leur a valu de nombreux reproches à travers le monde, les États-Unis veulent montrer qu’ils se préoccupent de la crise sanglante au Proche-Orient. Ont-ils pour autant décidé de peser de tout leur poids ? Dans le camp arabe, on semble en douter. Le roi Abdallah II de Jordanie a déclaré à la chaîne américaine CNN que le voyage de Colin Powell, arrivé jeudi soir en Israël, est «un quitte ou double», tout en faisant remarquer qu'il fallait «une voix persistante et plus forte de la part des Américains».

Après avoir rencontré le Premier ministre Ariel Sharon, vendredi à Jérusalem, le secrétaire d'Etat américain a affirmé qu'il poursuivrait sa mission au Proche-Orient «aussi longtemps que nécessaire» afin qu'Israël et les Palestiniens progressent pour mettre fin au conflit, l'armée israélienne parlant de plusieurs centaines de morts et de blessés palestiniens à Jénine. Mais il a admis qu'il n'avait pas eu de «réponse précise» du chef du gouvernement israélien sur la durée de l'offensive en Cisjordanie. «J'espère que nous pourrons trouver un moyen de parvenir à un accord sur cette question de la durée des opérations et revenir sur une voie qui conduira à un règlement politique», a-t-il dit, lors d'une brève conférence de presse commune. Ariel Sharon, quant à lui, a affirmé qu'Israël «espère terminer bientôt sa guerre contre les infrastructures terroristes palestiniennes (...) Il ne peut y avoir de paix avec le terrorisme».

«Je suis heureux que M. Sharon soit désireux de mettre fin à ces opérations dès que possible», a ajouté Colin Powell à propos de l'offensive israélienne, qui en était vendredi à son 15ème jour. Le responsable américain a dit comprendre «la nécessité pour Israël de se défendre», l'Etat hébreu étant «sous la menace des attaques terroristes». Mais il n'a pas caché son inquiétude quant aux répercussions internationales de cette opération. «Nous pensons, en tant qu'ami d'Israël, que nous devons prendre note des conséquences stratégiques à long terme des incursions en cours et de leurs effets sur les pays de la région et le climat international».

Colin Powell attend «des actes» de la part d’Arafat

A l’évidence, le ton employé à l’égard d’Israël a nettement baissé. L’attitude de Colin Powell à Jérusalem constitue une marche arrière par rapport aux récentes déclarations de George W. Bush. Le président américain avait affirmé à plusieurs reprises que l’armée israélienne devait se retirer «sans délai» des villes palestiniennes occupées. En outre, si le diplomate américain a confirmé son intention de rencontrer samedi Yasser Arafat (rencontre qu’Ariel Sharon a qualifié d’«erreur tragique»), il a prévenu qu'il dirait «clairement» au président de l'Autorité palestinienne qu'il attend de lui «des actes» pour lutter contre la violence, «pas seulement des déclarations».

Pendant que Colin Powell rencontrait le chef du gouvernement israélien, Yasser Arafat recevait la visite du ministre égyptien des Affaires étrangères. Ahmed Maher, qui est arrivé au QG du président de l'autorité palestinienne escorté par trois jeeps israéliennes, est le premier dirigeant arabe à rencontrer Arafat, bloqué dans ses bureaux depuis le 29 mars. Selon la radio israélienne, si Ariel Sharon a autorisé cette visite, c’est en réponse à une demande personnelle du président égyptien Hosni Moubarak, en échange d’une promesse égyptienne d'exercer des pressions «en faveur d'un cessez-le-feu et la fin du terrorisme».

Dans la soirée de vendredi, Colin Powell devait se rendre à la frontière nord d'Israël, limitrophe avec le Liban, selon un responsable du département d'État. Le Hezbollah mène depuis le 30 mars des attaques quasi-quotidiennes contre le secteur des fermes de Chebaa, conquises par Israël sur la Syrie en 1967 et revendiquées par Beyrouth. L'Onu les considère comme étant des «terres syriennes».

L’issue de la tournée de Colin Powell, qui l’a déjà conduit dans trois pays arabes (Maroc, Egypte et Jordanie), est incertaine, lui même ayant déclaré avant son départ de Washington n’être «même pas sûr d’obtenir un cessez-le-feu». Cela rend d’autant plus aléatoire l’information donnée par certains diplomates, lesquels évoquent la possibilité du déploiement sur place d’un détachement réduit de soldats américains afin de superviser une trêve entre Israéliens et Palestiniens.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 13/04/2002