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Proche-Orient

Le boycott des produits américains s'étend

Parti d'Egypte, l'appel au boycott des produits américains fait tâche d'huile dans l'ensemble du monde arabe, de la Syrie aux émirats du Golfe. Les compagnies américaines commencent à en ressentir les effets.
Comment arroser son «Iftar», ce repas marquant la fin de la journée de jeûne, sans tomber dans le péché ? L'alcool étant évidemment exclu, on faisait mousser le Cola du Golfe à l'Atlantique. Mais depuis l'Intifada, les célèbres boissons gazeuses ne sont plus en odeur de sainteté. Elles pèchent par américanisme et, pire encore dans le monde arabe, par sionisme.

Suite à une campagne démarrée sur Internet et reprise par la presse, les mosquées, les syndicats et les diverses associations une boisson comme Pepsi s'est retrouvée en tête d'une liste noire de produits à boycotter. PEPSI est le diminutif de «Pay Every Penny to Save Israel» (payez jusqu'au dernier centime pour sauver Israël) ont décidé des internautes anglophones. Un argument qui a suffit à affecter substantiellement les ventes de la multinationale en Egypte au point de la forcer à baisser de 10% le prix de sa boisson phare. Coca-Cola n'y a pas réchappé puisque l'on a ressorti une rumeur datant de cette été et selon laquelle le logo de la compagnie, reflété dans un miroir, pouvait se lire en arabe «pas de Mecque, pas de Mahomet». Pepsi et Coca payent le prix de ce que dans le monde arabe on considère comme le soutient inconditionnel des Etats-Unis à Israël. Et c'est là que le boycott innove. En effet, la plupart des Etats arabes boycottent de facto les produits israéliens depuis près d'un demi-siècle. Ils étaient par contre de fervents consommateurs de tout ce qui était Made in the USA, surtout dans les riches monarchies pétrolières du Golfe. L'opération «Tempête du désert» menée par les GI's contre l'Irak n'avait fait que renforcer cette tendance dans des pays estimant que leur salut était lié à des relations étroites avec les Etats-Unis, notamment en matière de sécurité.

La crainte des milieux d'affaires

Mais aujourd'hui, une bonne partie de l'opinion publique commence à récuser cette doctrine. Elle a été confortée par l'intervention d'éminents hommes de religion comme le Cheikh d'al Azhar, la plus haute autorité morale de l'islam sunnite. Le cheikh Tantaoui a affirmé que «tout produit étranger susceptible d'aider l'ennemi, qu'il soit américain ou autre, doit être boycotté». Le grand mufti d'Egypte est allé plus loin en décrétant une fatwa apparentant le boycott des produits américains et israéliens à la guerre sainte qui est du devoir de tout musulman. Il a même qualifié de «criminel» l'importateur de tels produits. Résultat, les plus beaux fleurons des produits de consommation américains sont maintenant sous pression. Pour contrer la baisse de ses ventes Mac Donald a monté une promotion spéciale durant le mois de ramadan. Pour chaque Big Mac on reçoit en prime un café, un yaourt et un apple-pie. Le cow-boy de Marlboro a lui aussi été touché par les flèches qui l'ont obligé de reporter pour une semaine la hausse de 5% des prix des cigarettes. Couches bébé, serviettes périodiques, cosmétiques, rien n'échappe aux listes de boycott qui circulent dans le monde arabe. Mais la palme du pamphlet doit aller à l'assaut aux relents antisémites lancé contre «Ariel». La lessive de l'américain Procter & Gamble a été identifiée au chef du Likoud israélien «le boucher Ariel Sharon». Même le logo formé de trois atomes tournoyants n'a pas été épargné puisque l'on y a vu une étoile de David.

Une situation qui commence à préoccuper les milieux d'affaires qui craignent pour leur «business» mais aussi les dizaines de milliers d'employés des compagnies visées. Invité dans un célèbre programme de débat politique diffusé dans tout le monde arabe par la chaîne satellitaire égyptienne, un «tycoon» égyptien a estimé que plutôt que de menacer des milliers de postes de travail et un capital égyptien dans son écrasante majorité, il vaudrait mieux «faire dans le sérieux en cessant par exemple d'acheter des Boeing». Des dérapages qui commencent à inquiéter les gouvernements arabes. Le président égyptien Hosni Moubarak est intervenu pour indiquer que le « boycottage était une arme à double tranchant ». Un rappel de l'aide américaine à l'Egypte qui totalise deux milliards de dollars par an.



par Alexandre  Buccianti

Article publié le 15/12/2000