Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

Sur le fil du rasoir

La démission du Premier ministre palestinien a provoqué une onde de choc dont les conséquences sont encore imprévisibles mais qui, selon les premières réactions enregistrées, pourrait bien ébranler le processus de paix engagé au Proche-Orient depuis la mise en œuvre en juin de la «feuille de route» (préparée par les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et l’Organisation des Nations unies). Le désarroi créé par cette démission révèle l’investissement considérable consenti par Washington et Tel Aviv sur la personne de Mahmoud Abbas, l’absence de solution alternative et la fragilité du processus.
La situation est inquiétante car le retrait de Mahmoud Abbas prive en premier lieu Israël et son allié américain d’un interlocuteur de confiance, animé de la volonté d’aboutir par le dialogue plutôt que par la lutte armée. Il incarnait d’autre part une alternative permettant de contourner l’autorité de Yasser Arafat qu’Israël et les Etats-Unis ne considèrent non seulement plus comme un interlocuteur valable mais comme un obstacle à la paix. A cet égard, au lendemain de la démission de M. Abbas, le ministre israélien des Affaires étrangères est revenu sur le projet d’expulser le vieux leader palestinien qu’il a présenté comme «le résultat inévitable de tout ce qu’il a fait pour provoquer la chute de Mahmoud Abbas». D’ailleurs peu après l’annonce du retrait du Premier ministre palestinien, la présidence du conseil israélienne a publié un communiqué affirmant qu’Israël «n’acceptera pas une situation dans laquelle le contrôle de l’Autorité palestinienne repasserait entre les mains de Yasser Arafat ou de l’un de ses inconditionnels».

L’autre réponse israélienne à la démission de Mahmoud Abbas a été militaire. Alors que les ministres des Affaires étrangères européens, réunis en Italie, venaient de prendre la décision d’inscrire l’aile politique du mouvement radical Hamas sur la liste des organisations terroristes, l’aviation israélienne menait une attaque visant à assassiner le chef spirituel et fondateur du mouvement. Cheikh Ahmad Yassine a été légèrement blessé et, avec lui, dix-sept autres personnes ont également été blessées lors du raid. Peu après, le chef du Hamas déclarait que le Premier ministre israélien allait «payer ainsi que le peuple israélien le prix fort pour ce crime». Pour leur part, les Brigades Ezzedine al-Qassam, bras armé du Hamas, annonçait avoir donné l’ordre à leurs unités de se préparer à «frapper l’ennemi partout et par tous les moyens». Un avertissement pris très au sérieux par l’Etat hébreu qui a décrété un état d’alerte très poussé dans la crainte d’attentats suicide alors que, sous couvert d’anonymat, un responsable israélien affirme que son pays a pris la décision de liquider les membres du Hamas.

Garder son sang-froid

Sur le plan politique cette journée de dimanche aura été dominée par la tenue d’un certain nombre de conclaves. Outre la traditionnelle réunion du cabinet israélien, Yasser Arafat convoque ses proches du comité central du Fatah, ainsi que le comité exécutif de l’OLP avec, à l’ordre du jour, l’épineuse question de la succession de Mahmoud Abbas dont le départ crée un vide politique inquiétant pour la communauté internationale et ouvre une période d’incertitude propice à l’enterrement de la «feuille de route» et la reprise de la violence. Le président du Conseil législatif palestinien (parlement), Ahmad Qoreï, un proche d’Arafat, apparaissait comme le candidat le mieux placé, dimanche, pour succéder à Mahmoud Abbas. A moins que le président palestinien ne demande à nouveau à ce dernier de former le prochain gouvernement. Nombre d’acteurs évoquent cette hypothèse, parmi lesquels le ministre palestinien chargé des négociations avec Israël, Saëb Erakat, qui envisage cette option comme «la plus probable». Reste à savoir si le principal intéressé l’accepterait et, si oui, si ses partenaires tant Israéliens et Américains que Palestiniens sont disposés à ne plus entraver son action.

L’administration américaine qui s’était engagée de tout son poids dans le processus semble très embarrassée et appelle à garder son sang-froid. «A ce moment critique, il est important que toues les parties considèrent soigneusement les conséquences de leurs actes», souligne un communiqué publié par la Maison Blanche, affirmant d’autre part son attachement à l’application de la «feuille de route». Cet embarras est la traduction de l’engagement exclusif de Washington auprès de M. Abbas et de l’extrême marginalisation de Yasser Arafat. Si le Premier ministre sortant disparaît de la scène politique, Washington n’a plus d’interlocuteur palestinien car les autorités américaines ne se sont pas ménagées de «plan B».

De son côté la diplomatie européenne est également troublée par les derniers développements de la situation au Proche-Orient alors qu’elle vient de donner des gages à Washington et Tel Aviv en couchant l’aile politique du Hamas sur la liste des organisations terroristes. Le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère est arrivé samedi soir au Caire afin de s’entretenir avec les autorités égyptiennes et le secrétaire général de la Ligue arabe des développements de la situation. «Nous sommes dans une des phases les plus critiques» du processus, a admis Javier Solana lors d’une conférence de presse.

Ecouter également :

Les réactions américaines avec notre correspondant à Washington Jean-Louis Pourtet.

Les réactions israéliennes avec notre correspondant à Jérusalem Michel Paul.



par Georges  Abou

Article publié le 07/09/2003