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Proche-Orient

Blocage de la feuille de route : à qui la faute ?

Depuis l’attentat kamikaze perpétré contre un bus israélien le 19 juin dernier et qui a coûté la vie à 22 passagers, en majorité des enfants, les liens sont coupés entre le gouvernement d’Ariel Sharon et celui de Mahmoud Abbas. Avec la reprise du cycle de la violence, c’est de nouveau le dialogue de sourds entre les deux parties qui se rejettent la responsabilité du blocage de la feuille de route.
Le discours de Mahmoud Abbas devant le Conseil législatif palestinien, dans lequel il a notamment rejeté la responsabilité de la rupture du cessez-le-feu sur les Israéliens, a provoqué un tollé dans le gouvernement Sharon. Le chef de la diplomatie israélienne, Silvan Shalom, a ainsi qualifié de «très graves» les propos du Premier ministre palestinien. «Il refuse tout comme Arafat de démanteler les organisations terroristes et viole comme Arafat les engagements pris», a-t-il déclaré jugeant notamment que Mahmoud Abbas «montrait de la faiblesse et sans doute davantage un instinct de survie que le courage d’un homme d’Etat». Le ministre israélien a en outre de nouveau évoqué l’idée d’un bannissement du président de l’Autorité palestinienne estimant qu’«aussi longtemps qu’Arafat existera, il sera un obstacle à la paix».

Egalement prise à partie par Mahmoud Abbas pour n’avoir pas fait suffisamment pression sur Israël pour faire avancer la cause de la paix, l’administration américaine, qui a rappelé qu’il «n’existait pas d’alternative à la feuille de route», a imputé aux Palestiniens la responsabilité des difficultés que rencontre le processus de paix. «Le principal problème à l’heure actuelle est le terrorisme et la violence et l’Autorité palestinienne doit s’y attaquer si nous souhaitons avancer». Ce dialogue de sourds, dans lequel Israéliens et Palestiniens campent sur leurs positions sous l’œil de plus en plus indifférent de Washington, fait que la feuille de route est aujourd’hui lettre morte.

Ce plan de paix, mis en place par le Quartette, qui regroupe les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie et les Nations unies, n’a pu être adopté par les deux parties que grâce à la pression de l’administration américaine et à l’engagement personnel de George Bush qui lors du sommet d’Aqaba en juin dernier a pu arracher l’approbation d’Ariel Sharon très réticent à s’engager alors que les Palestiniens avaient déjà donné leur accord depuis plusieurs semaines. Cette feuille de route prévoit trois phases d’application devant conduire à la création d’un Etat palestinien d’ici 2005 mais les blocages sont apparus dès la première étape censée «mettre fin au terrorisme et à la violence, normaliser la vie des Palestiniens et mettre en place les institutions palestiniennes».

Le mur de tous les dangers

Dès le début de la première phase en effet, les deux parties devaient, selon les dispositions de la feuille de route, tout faire pour faire cesser les violences. Les Palestiniens, en mettant en place «un cessez-le-feu immédiat et sans condition pour mettre fin aux activités armées et à tous les actes de violence dirigés contre des Israéliens en quelque lieu que ce soit» et les Israéliens en s’engageant également à une «cessation immédiate des actes de violence dirigés contre les Palestiniens en quelque lieu que ce soit». Une trêve a certes été arrachée par le gouvernement de Mahmoud Abbas aux groupes radicaux palestiniens mais à la condition que l’Etat hébreu libère les quelque 6 000 palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Le Cabinet Sharon a tergiversé sur le nombre de personnes pouvant être libéré et de négociations en négociations n’a autorisé la relaxe que d’au plus 600 détenus, dont la plupart étaient en fin de peine. Une politique qui a failli à de nombreuses reprises rompre le fragile cessez-le-feu.

Réclamant, avec le soutien de Washington, un démantèlement des groupes radicaux comme le Hamas et le Jihad islamique, les autorités israéliennes n’ont jamais voulu prendre au sérieux la trêve négociée par le gouvernement de Mahmoud Abbas, estimant qu’elle permettait à ces mouvements de reconstituer leurs forces. Elles ont donc poursuivi leurs attaques ciblées contre les activistes palestiniens –dont la feuille de route réclamait pourtant la fin–, provoquant des répliques de plus en plus sanglantes, jusqu’à la fin de la trêve qui a été décrétée après la mort de l’un des co-fondateurs du Hamas, Ismaël Abou Chanab.

En adhérant à la feuille de route, l’Etat hébreu s’était par ailleurs engagé à se retirer des territoires palestiniens qu’il occupe depuis le début de l’Intifada, le 28 septembre 2000. Mais à ce jour, seule la localité de Bethléem est revenue dans le giron de l’Autorité palestinienne et l’armée israélienne n’a démantelé que cinq barrages. Elle a en outre poursuivi la construction de la barrière de sécurité, cet édifice qualifié par les Palestiniens de «mur raciste» et qui, sous des prétextes sécuritaires, empiète sur les territoires palestiniens. Le gouvernement de Mahmoud Abbas, qui en a appelé à l’arbitrage de George Bush, estime en effet que la construction de ce rempart est un moyen pour les Israéliens de s’approprier des terres avant que ne soient fixées les frontières qui doivent accompagner la création d’un Etat palestinien.

Le gouvernement israélien devait enfin «démanteler immédiatement les colonies érigées depuis mars 2001» et geler toute activité de colonisation «même lorsqu’il s’agit de l’expansion naturelle des colonies». Un engagement que le gouvernement d’Ariel Sharon n’a jamais tenu puisque des appels d’offres ont été lancés pour la construction de logement dans la colonie d’Ariel en Cisjordanie et si une dizaine d’implantations, souvent inhabitées, ont été démantelées, elles ont aussitôt été reconstruites.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/09/2003