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Proche-Orient

Israël lève le siège d’Arafat

L’armée israélienne s’est retirée de Ramallah dimanche. Israël a décidé de mettre fin au siège après d’importantes pressions américaines. De son côté, Yasser Arafat a appelé les groupes armés palestiniens et les Israéliens à respecter un cessez-le-feu total.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Après neuf jours de siège, Yasser Arafat est sorti sur le perron de son quartier général en miettes, devant une foule enthousiaste. Souriant, le visage visiblement apaisé, le raïs a salué ses partisans en armes, en faisant comme à son habitude, le signe V de la victoire. A ses côtés, Hani el Hassan, un dirigeant du Tanzim retranché lui aussi dans la Mokataa, ne cachait pas sa satisfaction. «Je suis heureux. C’est un échec flagrant pour l’armée israélienne. En envoyant ses chars sous les fenêtres du président, Sharon voulait distraire son opinion publique. Cet homme ne croit que dans le pouvoir des tanks. Il s’est trompé. Nous lui avons montré qu’il n’y pas de solution militaire à la question palestinienne».

Israël avait commencé à alléger son siège dans la matinée sous la pression Georges Bush qui désire apaiser la situation dans les Territoires occupés dans la perspective de sa prochaine campagne en Iraq. Plusieurs blindés s’étaient retirés du complexe de la Mokata dévastés par les bulldozers israéliens, à l'exception du bâtiment dans lequel s'était retranché le président de l'Autorité palestinienne. Vers 13h, les dernières jeeps militaires parties, une nuée de journalistes a pris d’assaut le QG de Yasser Arafat a d’abord reçu Terje Roed Larsen, le représentant de l’ONU dans les Territoires, avant de s’entretenir avec la presse dans la salle de réunion de la présidence, visiblement intacte. «Il ne s'agit pas d'un retrait. Les Israéliens ne s'éloignent que de quelques mètres, a-t-il dit. Ils tentent de tromper le monde».

En fin d’après midi, il semblait pourtant que l’armée israélienne avait complètement évacué les abords du QG présidentiel. De source palestinienne, on indiquait que ce revirement, n’avait fait l’objet d’aucun arrangement entre les deux parties et que notamment, la vingtaine de Palestiniens dont Israël avait exigé la reddition pour lever le siège, ne serait ni livré ni emprisonné par l’Autorité. L’armée israélienne avait indiqué auparavant que ses soldats auraient toute latitude pour arrêter les Palestiniens retranchés avec M.Arafat qui chercheraient à s'enfuir. Lors de la réunion hebdomadaire du gouvernement, le Premier ministre Ariel Sharon avait affirmé que 41 Palestiniens recherchés par Israël se trouvaient à l'intérieur de la Moukataa, et qu'au moins huit d'entre eux étaient des «terroristes lourds». Jusqu'à présent, Israël réclamait la reddition d'une vingtaine d'entre eux.

Un pas en avant

«Il n’y a eu aucun mots d’échangés entre l’armée et nous à ce sujet», assure Nabil Abu Rudeineh, le conseiller de Yasser Arafat. Cette histoire de «wanted» (personnes recherchées, ndlr) m’a toujours fait rire. Les Israéliens n’ont même pas été capable de nous fournir la liste des gens qu’ils voulaient. C’était un prétexte». Contrairement au premier siège de la Mokataa, en mai dernier, dont Arafat était sorti considérablement affaibli car Israël avait négocié son départ en échange de l’emprisonnement à Jéricho de quatre militants du FPLP accusés d’avoir assassiné le ministre du Tourisme, Réhavam Zeevi, cette fois ci donc, le leader palestinien sort gagnant de l’épreuve. «C’est une victoire pour la cause palestinienne»,»reconnaît Nabil Abu Rudeineh. Avant de tempérer: «Mais ce n’est pas une percée. C’est un pas en avant qui doit être suivi par d’autres pas».

De fait le bras de fer avec le gouvernement Sharon n’est pas terminé. L’Autorité palestinienne réclame désormais quatre mesures différentes: «Le respect de la résolution 1435 de l’ONU (qui demande «l’arrêt immédiat des mesures prises dans et autour de Ramallah», ndlr), la déclaration d’un cessez le feu par Israël, le suivi par le Quartet (Etats-Unis, Europe, Russie et ONU) de l’application des résolutions de l’ONU et le retour à la table des négociations». Et Yasser Abed Rabbo, le ministre palestinien démissionnaire de l’Information souligne: «Arafat a déclaré un cessez-le feu intégral et inconditionnel et il attend que les Israéliens fassent de même».

Paradoxalement, le front intérieur risque d’être également houleux. L’assaut israélien avait mis entre parenthèse, la formation d’un nouveau gouvernement et les débats du Fatah, le parti du président, sur l’éventuelle nomination d’un Premier ministre. D’après Hani el Hassan, Arafat devrait soumettre au Parlement un nouveau cabinet sous peu. Mais, fort de son regain de popularité, il est probable qu’il tente d’enterrer le second volet de la réforme. Les prochains jours donneront davantage d’indications sur le nouveau rapport de force entre Arafat, le gouvernement Sharon et les réformateurs palestiniens.



par Benjamin  Barthe

Article publié le 29/09/2002