Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

Sharon : «Israël ne sera pas la Tchécoslovaquie»

Après la prise de position très remarquée de George W. Bush en faveur d'un Etat palestinien dans le but de rallier les Arabes à une coalition anti-Taliban, le Premier ministre israélien Ariel Sharon a prévenu qu'Israël refuserait d'être sacrifié sur l'autel de la lutte contre le terrorisme. Le président George W. Bush a qualifié vendredi ces propos d'«inacceptables».
«J'appelle les démocraties occidentales, en premier lieu les chefs du monde libre, les Etats-Unis, à ne pas commettre à nouveau lµerreur terrible commise en 1938, lorsque les démocraties européennes ont sacrifié la Tchécoslovaquie pour une solution provisoire». Référence historique à l'appui, Ariel Sharon a mis en garde son plus fidèle allié dans le monde, Washington. «N'essayez pas de vous entendre avec les Arabes à nos dépens. Nous ne l'accepterons pas. Israël ne sera pas la Tchécoslovaquie».

S'exprimant lors d'une conférence de presse jeudi, le chef du gouvernement israélien renvoyait aux désastreux accords de Munich signés par la France et la Grande-Bretagne avec l'Allemagne nazie. Paris et Londres, en abandonnant une Tchécoslovaquie menacée par Hitler, ont encouragé, par leur passivité, la politique allemande d'agression et précipité le déclenchement de la Seconde guerre mondiale. Ariel Sharon force-t-il le parallèle ? La radio militaire israélienne, en tout cas, estime que le chef du gouvernement a, ni plus ni moins, appelé le président américain à ne pas se comporter comme Neville Chamberlain. Le Premier ministre britannique de l'époque, qui s'était félicité de la signature des accords, est resté dans l'histoire comme l'une des figures de la capitulation.

Ariel Sharon «a sauté les plombs»

Cette critique virulente d'Ariel Sharon est survenue au lendemain du soutien exprimé par George W. Bush au principe d'un Etat palestinien. «L'idée d'un Etat palestinien a toujours fait partie d'une vision, a dit le président américain, à condition que le droit à l'existence d'Israël soit respecté». Tenus au moment où les Etats-Unis tentent d'assurer un large soutien arabe à leur coalition contre les Taliban, ces propos, bien que recevant un accueil favorable dans la plupart des capitales arabes, ont été perçus comme opportunistes par tous les observateurs.

Analyse ouvertement partagée par Ariel Sharon, qui les juge, en outre, dangereux pour Israël. Alors que les violences s'accroissent entre Israéliens et Palestiniens, le Premier ministre israélien en tire d'ailleurs la conclusion qu'en matière de sécurité, l'Etat hébreu se retrouve isolé. «A partir d'aujourd'hui, nous ne nous fierons qu'à nous-mêmes».

Mise en garde sans précédent, la diatribe du Premier ministre a déclenché une polémique au sein de la classe politique et dans la presse israéliennes. A gauche, notamment, on y voit non seulement de la maladresse, mais aussi un manque de sang froid. Le chef de l'opposition Yossi Sarid a estimé que «la comparaison avec la Tchécoslovaquie reflète l'état de panique du Premier ministre (...) Israël peut se défendre, personne ne peut nous sacrifier, nous ne sommes pas des pauvres victimes et le Premier ministre ferait mieux de présenter ses excuses aux Américains». Pour le quotidien indépendant Maariv, Ariel Sharon «a sauté les plombs» en déclarant «une guerre politique aux Etats-Unis et en les accusant de nous poignarder dans le dos». Quant au journal populaire Yédiot Aharonot, il estime qu'«Ariel Sharon a atteint des sommets dans l'alarmisme (...) sa déclaration est malencontreuse, historiquement fausse, politiquement nuisible».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 05/10/2001