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Proche-Orient

La violence contrecarre la stratégie de Bush

Alors que le président américain s'efforce de faire baisser la tension entre Israël et les Palestiniens pour rallier les pays arabes à la mise en place d'une large coalition anti-Taliban, l'attaque meurtrière d'une colonie juive mardi soir et la riposte israélienne qui a suivi sont venues contrecarrer ses plans.
A peine George W. Bush s'était-il prononcé, mardi, en faveur du principe d'un Etat palestinien que le soir même, le bras armé du mouvement palestinien Hamas brisait un précaire cessez-le-feu en attaquant une colonie juive de la bande de Gaza. Bilan : les trois assaillants et deux soldats israéliens tués, quinze colons et militaires blessés. Immédiatement après cette attaque, condamnée par l'Autorité palestinienne, le Premier ministre israélien Ariel Sharon réunissait le cabinet de sécurité, appelait l'armée à utiliser tous les moyens à sa disposition pour protéger les ressortissants de l'Etat hébreu, et envoyait ses chars et ses hélicoptères à Gaza.

L'incursion israélienne, lancée aux premières heures de la matinée de mercredi, a eu lieu dans le nord du territoire palestinien. Six palestiniens ont été tués par un obus de mortier tiré par un char sur un poste de sécurité près de Beit Lahiya. «Nous avons lancé une opération de nettoyage pour voir où et comment les terroristes sont entrés dans la colonie, a expliqué un responsable de l'armée israélienne. Nous démolissons des postes de police palestiniens et nous rasons certaines zones».

Peu de temps après, le gouvernement israélien accusait Yasser Arafat d'être responsable de l'attaque. «Cet attentat relève de l'Autorité palestinienne et l'armée israélienne prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses civils et soldats, a déclaré le secrétaire du gouvernement Gideon Saar. Si l'Autorité palestinienne qui s'est engagée à faire échec aux opération terroristes ne le fait pas, c'est notre armée qui s'en chargera». Et Ariel Sharon de désigner les coupables en affirmant, selon la radio israélienne, que les Etats-Unis et la communauté internationale devaient considérer le Hamas, le Jihad islamique et le Hezbollah chiite libanais «comme des organisations terroristes».

Le cessez-le-feu vole en éclats

Du point de vue américain, ces événements meurtriers, auxquels s'ajoutent plusieurs fusillades et une explosion inexpliquée à Gaza, surviennent au plus mauvais moment. L'accord de cessez-le-feu conclu le 26 septembre par Yasser Arafat et Shimon Peres vole en éclats. La tension et la méfiance entre Israéliens et Palestiniens sont à nouveau extrêmes. Mais surtout, les efforts de Washington pour attirer de nombreux pays arabes dans une large coalition anti-Taliban sont sérieusement fragilisés.

Personne ne pense que le soutien de George W. Bush au principe d'un Etat palestinien, au moment où il a besoin d'un large soutien arabe, soit un pur hasard du calendrier. «L'idée d'un Etat palestinien a toujours fait partie d'une vision, a-t-il dit, à condition que le droit à l'existence d'Israël soit respecté». Certes, le président américain a précisé qu'«il ne faut pas brûler les étapes. Quand on parle du Proche-Orient, il faut d'abord passer par le plan Mitchell», allusion au texte américain qui préconise la fin des violences et une reprise progressive des pourparlers. Mais jamais, depuis son élection, le chef de la Maison Blanche n'a été aussi clair dans l'affirmation des buts du processus de paix. Au point que Yasser Arafat et plusieurs capitales arabes, Le Caire et Amman en tête, s'en sont félicités immédiatement.

Sans surprise, Israël s'est montré nettement plus réservé, l'Etat hébreu considérant ouvertement que ces propos n'avaient pour but que de gagner le soutien des pays arabes. «Je pense qu'il n'est pas faux de dire que cela fait partie des efforts américains pour constituer une coalition comptant des pays arabes prétendument modérés», a affirmé Zalman Shoval, conseiller diplomatique d'Ariel Sharon. Le porte-parole du gouvernement Avi Pazner a été plus direct, en déclarant ce qui sonne comme une fin de non recevoir : «Nous sommes prêts à tout faire pour aider nos amis américains à constituer une coalition anti-terroriste, mais nous n'accepterons rien qui aille à l'encontre de nos intérêts vitaux».



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 03/10/2001