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Proche-Orient

L'«effet World Trade Center» inquiète les Palestiniens

Les Palestiniens craignent que les attentats de New York et Washington ne donnent à Israël une marge de man£uvre supplémentaire pour écraser l'Intifada. Les premières réactions israéliennes ne sont pas pour les rassurer.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Israël a averti Yasser Arafat que si «le terrorisme ne s'arrêtait pas», l'Etat hébreu réagirait désormais d'une manière «différente». «Arafat doit choisir entre le chemin de la paix et Ben Laden», répètent les dirigeants israéliens. L'Autorité palestinienne redoute qu'Ariel Sharon ne mette à profit le déferlement de violence outre-atlantique et le rejet suscité par cette dernière dans l'opinion internationale pour renforcer son étau militaire en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. «Israël exploite la tragédie américaine», accuse Yasser Abed Rabbo, responsable de l'Information.

Les événements de ces derniers jours semblent nourrir ces craintes. Sur le terrain, l'armée israélienne a intensifié sa répression, multipliant les incursions en zones autonomes, à Jénine et à Jéricho, notamment. Le bilan de ces réoccupations temporaires de zones théoriquement sous autorité palestinienne est le plus lourd depuis le début de ce type de riposte adopté par Israël : 13 morts pour la seule ville de Jénine, que les responsables de l'Etat hébreu considèrent comme «un nid de terroristes». Compte tenu de la focalisation médiatique sur le drame américain, les militaires israéliens sont assurés d'un écho minimum à leurs raids. Des sources sécuritaires israéliennes ne se privent pas d'ailleurs pour s'en féliciter.

Pour Ariel Sharon et l'état-major, les attentats de New York et Washington renforcent leur détermination à constituer une véritable croisade internationale anti-terroriste, sous-entendu contre les intégristes musulmans qui posent des bombes dans les villes d'Israël. Ils voient avec satisfaction les responsables américains envisager la possibilité de recourir aux assassinats de «dirigeants parias», sponsors du terrorisme, une tactique maintenue par Tsahal ces derniers mois contre des dirigeants palestiniens, et ce malgré la réprobation internationale.

Aux yeux des dirigeants israéliens, quelle que soit leur tendance politique, la frontière passe désormais entre «le monde civilisé» et «les barbares». Parmi les cibles que ce combat devrait atteindre, l'état hébreu voudrait y inclure Yasser Arafat, comparé il y a quelques semaines encore à Oussama Ben Laden par M. Sharon. Ainsi l'ancien premier ministre Benjamin Netanyahou propose-t-il ni plus ni moins «d'écraser les organisations terroristes et les Etats terroristes qui les soutiennent comme l'Irak, l'Iran, l'Afghanistan et l'Autorité palestinienne».

Yasser Arafat en posture délicate

La presse ne manque pas non plus de souligner que ces méga-attentats placent le leader palestinien dans une posture délicate, d'autant que les manifestations de liesse qui ont salué les attentats anti-américains -même si elles ne représentent pas l'opinion dominante chez les Palestiniens - ont pu choquer. C'est pourquoi Yasser Arafat, qui avait prestement condamné les violences, a voulu rectifier le tir en lançant -un peu tardivement sans doute- une opération de relations publiques, en donnant son sang aux victimes américaines et en faisant organiser une veillée de soutien devant le consulat américain à Jérusalem-Est.

«Les Palestiniens ne peuvent pas dire qu'ils soutiennent les attaques-suicide contre Israël, et qu'ils regrettent ceux qui visent des citoyens américains chez eux», insiste Zeev Schiff, l'éditorialiste du quotidien Haaretz. Ce dernier omet d'ajouter une différence de taille : les «barbares» à Washington et New York agissent aveuglément sans assortir leur geste fou de la moindre revendication, territoriale par exemple, alors que les organisations palestiniennes auteurs d'attentats contre Israël -aussi condamnables soient-ils- ont des revendications politiques, liées à la fin de l'occupation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Mais l'opinion fait-elle la différence, face à un tel déferlement de violence, surtout en l'absence criante de stratégie de communication de la part de la direction palestinienne ?

En cas de nouvel attentat islamiste anti-israélien, la riposte contre l'Autorité palestinienne pourrait être terrible. Ariel Sharon, qui menace depuis des mois celle-ci d'anéantissement, pourrait être tenté d'écouter les plus radicaux autour de lui, ceux qui lui conseillent de jouer sur le dégoût suscité par les milliers de morts aux Etats-Unis pour passer à l'action contre les activistes palestiniens et leurs leaders.



par Georges  Malbrunot

Article publié le 13/09/2001