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Proche-Orient

Le pacte de Genève scellé

Rien ne sera signé en Suisse. L’Initiative de Genève a en effet déjà été conclue lors de sa présentation le 12 octobre dernier en Jordanie, ses deux promoteurs –Yossi Beilin côté israélien et Yasser Abed Rabbo côté palestinien–avaient à cette occasion apposé leur signature à ce plan de paix alternatif. La cérémonie qui s’est déroulée au Centre des congrès de Genève est en fait, insistent ses deux instigateurs, «le début d’une campagne de la société civile internationale en faveur de la paix». Les deux hommes, qui reconnaissent que leur initiative n’a pas de justification légale –ils ont agi de leur propre initiative sans soutien des deux gouvernements concernés–, espèrent mobiliser ainsi les populations israélienne et palestinienne en leur montrant que la paix est possible malgré trois années d’Intifada et leur cortège d’attentats et de représailles. Mais si l’Initiative de Genève connaît un succès grandissant sur le plan international, elle est fortement contestée en Israël où le gouvernement Sharon l’a vigoureusement rejetée et chez les Palestiniens où Yasser Arafat l’a certes approuvée du bout des lèvres mais où les groupes palestiniens, y compris le Fatah, l’ont violemment dénoncée.
Genève était ce lundi le rendez-vous des pacifistes. Plusieurs prix Nobel de la paix, parmi lesquels Jimmy Carter ou encore Lech Walesa, sont en effet venus apporter leur soutien à une initiative de paix à laquelle les dirigeants israéliens et palestiniens semblent pourtant loin d’être prêts à adhérer. «Nous ne verrons probablement jamais de base plus prometteuse pour la paix», a ainsi affirmé dans une brève allocution l’ancien président américain, également parrain des accord de Camp David de 1979. «La seule alternative à cette Initiative est la poursuite de la violence», a-t-il insisté. La cérémonie, ouverte par l'acteur américain Richard Dreyfuss, a alterné pendant plus de deux heures discours, témoignages, intermèdes musicaux et clips vidéo. La tribune officielle était surmontée de deux panneaux proclamant en anglais «il existe un plan» et «il existe un partenaire». A l’issue de cette cérémonie, un groupe de contact européen devait être créé pour «prolonger l’Initiative de Genève». Une décision prise à l’initiative des Français Bernard-Henri Lévy et Bernard Kouchner qui se sont engagés à «promouvoir le contenu de ce plan de paix auprès des sociétés civiles européennes».

De plus en plus soutenue par la communauté internationale, l’Initiative de Genève rencontre, et ce n’est pas une surprise, une vive résistance au sein des sociétés palestinienne et israélienne. Le gouvernement d’Ariel Sharon a été à ce sujet on ne peut plus clair en dénonçant notamment un plan «dangereux et nuisible». Il a même mis en garde le secrétaire d’Etat américain, qui aurait déclaré être prêt à rencontrer à Washington Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo, les deux promoteurs de ce plan de paix «non officiel». «Il doit être clair, a ainsi affirmé un responsable de la présidence du Conseil israélien, que rencontrer ceux qui vont se livrer à une danse autour d’un Veau d’or à Genève constitue une erreur car cela ne peut qu’encourager le terrorisme et porter atteinte à la Feuille de route».

Manifestations dans les territoires palestiniens

S’il est aujourd’hui acquis que le rejet catégorique par Ariel Sharon de l’Initiative de Genève a largement contribué à sa médiatisation en Israël, la publicité faite autour de ce plan de paix alternatif ne lui a toutefois pas permis d’engranger l’adhésion de la population très échaudée par plus de trois ans d’Intifada. L’opinion publique israélienne est en effet très partagée et plutôt hostile à cet accord de paix. Selon un sondage publié par le quotidien Haaretz, 38% de la population sont contre cette initiative, tandis que 31% la soutiennent et 31% restent sans opinion. Quant à la cérémonie de Genève, ils sont 42% à s’y opposer contre 37 % qui déclarent y être favorables.

Côté palestinien, le président Yasser Arafat a certes approuvé du bout des lèvres l’Initiative de Genève mais ce document est loin de faire l’unanimité que ce soit au sein des différentes factions politiques, parmi lesquelles le Fatah, ou au sein de la société. Des manifestants, représentant les différentes mouvances palestiniennes ont ainsi tenté dimanche d’empêcher le départ de la délégation palestinienne à Genève. Certains responsables ont même dû renoncer à se rendre dans la ville suisse faute de soutien interne pour participer au lancement de la campagne destinée à médiatiser ce plan de paix. Le ministre palestinien sans portefeuille Qadoura Farès, qui avait dans un premier temps annoncé qu’il ne se rendrait pas à Genève, a finalement participé à la cérémonie. Avant de quitter les territoires palestiniens, il a toutefois critiqué «la campagne menée contre le pacte de Genève au sein même du Comité central du Fatah», accusant notamment le parti de Yasser Arafat d’avoir «un double langage».

Cette opposition à l’Initiative de Genève semble encore plus vigoureuse au sein de la population. Des manifestations et des colloques ont été organisés lundi dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. La plus importante manifestation s'est déroulée dans le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, à l'appel du mouvement radical Hamas où quelque 1 500 manifestants ont scandé des slogans hostiles à Yasser Abed Rabbo. «Non à la trahison, non aux traîtres», ont-il notamment crié, estimant que «l'Initiative de Genève était un jour noir dans l'histoire du peuple palestinien». Un jour en tous cas marqué par la violence puisque l’armée israélienne a effectué une vaste opération à Ramallah ou quatre Palestiniens, dont un enfant, ont été tués. Une trentaine de personnes ont par ailleurs été arrêtés.

A écouter également :

Reportage de Dominique Roch à Ramallah, 01/12/2003, 3'50

Alexis Keller, universitaire suisse, invité de Pierre Ganz, 01/12/2003, 6'40

A lire :

L'édito international de Michèle Gayral



par Mounia  Daoudi

Article publié le 01/12/2003